À la tête de Nouvelle Route, un organisme de formation à l’éco-conduite et à la sécurité routière, Olivier Duvert va pouvoir mesurer très concrètement les bénéfices de l’amélioration des comportements routiers sur le TCO des flottes d’entreprise : le TCO conducteur. Début 2021 en effet, son entreprise va proposer une formule dans laquelle il s’engage financièrement sur les économies obtenues suite aux formations d’éco-conduite dispensées aux conducteurs.
« Sur la base des coûts constatés en amont, nous évaluons une baisse maximum possible des coûts due à la formation des conducteurs. Nous fixons ensuite avec l’entreprise un objectif à atteindre...
À la tête de Nouvelle Route, un organisme de formation à l’éco-conduite et à la sécurité routière, Olivier Duvert va pouvoir mesurer très concrètement les bénéfices de l’amélioration des comportements routiers sur le TCO des flottes d’entreprise : le TCO conducteur. Début 2021 en effet, son entreprise va proposer une formule dans laquelle il s’engage financièrement sur les économies obtenues suite aux formations d’éco-conduite dispensées aux conducteurs.
« Sur la base des coûts constatés en amont, nous évaluons une baisse maximum possible des coûts due à la formation des conducteurs. Nous fixons ensuite avec l’entreprise un objectif à atteindre entre le statu quo et ce niveau maximum. Si cet objectif est dépassé, nous prenons une quote-part sur les économies réalisées. En contrepartie, pour les entreprises qui s’engagent, nous accordons une réduction sur les coûts de formation », détaille Olivier Duvert.
TCO conducteur : le comportement de conduite
De quel montant le TCO d’une flotte peut-il s’améliorer grâce à un meilleur comportement de conduite ? En la matière, l’Ademe estime qu’un conducteur peut avoir un « potentiel moyen de baisse de sa consommation de l’ordre de 7 à 10 % ». Pour une entreprise dont les véhicules évoluent dans une région montagneuse, la marge de progression se fait logiquement plus faible que pour celle dont les véhicules circulent en ville. Mais le comportement de conduite peut avoir des effets bénéfiques sur d’autres postes de dépenses liés aux véhicules : depuis la diminution du nombre des amendes de stationnement jusqu’à celle du nombre des sinistres.
« Il est difficile d’évaluer le coût d’un mauvais conducteur pour l’entreprise. Mais entre un conducteur A et un conducteur B, le coût du véhicule peut facilement augmenter de 30 % : en coût de franchise, en sinistres, en facturation de réparations ou encore en usure des pneus », énumère Franck Llagostera, directeur opérationnel du loueur Athlon. À ces coûts s’ajoute celui de la perte de productivité du salarié. Et pas seulement dans le cas où il aurait été blessé lors d’un accident (voir notre article sur le TCO lié aux accidents). Les petits dommages mobilisent aussi le temps de travail du conducteur pour la prise en charge du véhicule chez un réparateur, tout comme un vol le mobilise pour les démarches nécessaires pour la déclaration de son véhicule volé, un mauvais stationnement pour la récupération de son véhicule à la fourrière, etc.
Une juste utilisation
Tandis que les comportements d’éco-conduite peuvent s’acquérir auprès des organismes de formation, ceux d’une utilisation « raisonnable » du véhicule répondent souvent au bon sens. « Les périodes de départ et d’arrivée restent finalement les plus sensibles. C’est sur les premier et le dernier kilomètres qu’arrivent les incidents », pointe Tanguy de La Rochette. Ancien responsable service flotte véhicules en charge du département développement durable chez le transporteur Cetup, ce dernier met à profit ses acquis dans sa nouvelle entreprise de transport de personnes, Mon Cab Vert.
Parmi les réflexes de Tanguy de La Rochette : se garer systématiquement dans le sens du départ pour repartir avec une meilleure visibilité. « Je ne réponds que très peu au téléphone, jamais quand je suis avec des clients. Et quand je réponds, je le fais pour dire que je rappelle et je m’arrête pour le faire », ajoute le responsable de Mon Cab Vert. « J’applique des règles basiques en permanence, comme celle de rester concentré sur ce que je fais et de prendre mon temps », résume Tanguy de La Rochette. Une démarche qui demande à ce responsable de prévoir des moments de battement entre la prise en charge de chaque client.
Cette organisation rejoint les conseils donnés lors des formations à la sécurité routière. « Les organismes de prévention recommandent de faire le tour du véhicule avant de se mettre en route, de regarder l’état des pneus, de prendre le temps de s’installer ou d’effectuer son chargement. Il faut pareillement préparer son parcours pour ne pas taper sur son GPS une fois parti », rappelle Christophe Giraud, directeur du département flottes automobiles et nouvelles mobilités du courtier Gras Savoye (voir le témoignage).
Une question d’organisation
Éviter la précipitation et les changements d’itinéraire de dernière minute constitue aussi la clé d’une moindre sinistralité dans les entreprises de livraison. Chez Leztroy, un spécialiste de la livraison de repas à la tête d’une dizaine de véhicules, « les tournées sont calées et nous avons rarement besoin d’y retoucher, décrit Brian Guinard, responsable environnement de cette entreprise certifiée ISO 14001. Nous n’accueillons que peu de nouveaux clients pour les tournées parce que nous tournons déjà à pleine capacité », poursuit-il (voir le reportage).
Peu d’événements viennent donc modifier cette organisation sinon les vacances scolaires puisque Leztroy travaille principalement avec les cantines. Autre motif de révision des itinéraires : les « relivraisons » occasionnelles. « Nous livrons quotidiennement de 80 à 120 sites. Avec des menus réalisés manuellement, il peut y avoir des oublis et certaines relivraisons sont parfois nécessaires », explique Brian Guinard. Pour éviter les changements d’itinéraire ou les allers-retours entre les sites de production et de livraison qui accroissent la probabilité d’accident, l’entreprise a créé des « menus de secours ». « Ils permettent à nos clients de trouver de quoi remplacer les aliments manquants sans nous obliger à reprendre la route », complète Brian Guinard.
D’autres leviers organisationnels peuvent s’activer pour agir sur le TCO de la flotte lié au conducteur. Dans son fascicule sur l’évaluation des risques de déplacement en mission, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) incite à prendre en compte le mode de gestion comme une variable dans l’évaluation des risques routiers.
Des véhicules entretenus
« Quand le véhicule est en propriété, il appartient au chef d’établissement de planifier et d’organiser la maintenance en fonction de plusieurs éléments : périodicité/kilomètres parcourus, et surtout de définir avec les conducteurs des règles d’entretien : fait par l’entreprise ou par l’utilisateur, remboursement des frais éventuels avancés, choix du garage et organisation pendant l’indisponibilité du véhicule », expose Anne-Sophie Valladeau, auteure de ce document (voir l’encadré dans notre dossier sur le TCO lié aux accidents).
Or, souligne cette experte du risque routier, si cette prise en charge peut s’effectuer correctement dans les entreprises qui possèdent leur propre centre de maintenance, elle peut se révéler plus complexe pour les autres. Avec les risques accrus que représente un parc mal suivi : un désintérêt de l’état du véhicule de la part des conducteurs, facteur de négligence sur la conduite. Avec des accidents possibles dus à des pneus dégradés ou encore des casses moteurs du fait de rendez-vous d’entretien non respectés. D’où aussi l’importance de procéder à des audits réguliers de la flotte (voir l’encadré ci-dessous).
Idex mise sur les audits de parc
Chez Idex, spécialiste de l’efficience énergétique, la flotte compte environ 3 000 véhicules en location longue durée, à 90 % des VUL tôlés à l’arrière. Il s’agit en majorité de modèles Citroën de moins de 3,5 t : Berlingo, Jumpy, Jumper. Les 10 % restants concernent des véhicules de tourisme. Et le recours à la location longue durée n’empêche pas des états des lieux réguliers de ce parc en auto-assurance.
« Ces audits sont réalisés en interne par les managers au moins une fois par an, précise le risk manager de l’entreprise, Patrick Lacroix. Nous avons choisi cette solution plutôt que faire appel à un prestataire. En effet, nous considérons que la sécurité au travail constitue un acte de management : ce sont les managers qui doivent veiller à la sécurité des conducteurs. » Ces audits de parc ont non seulement pour but de vérifier l’état du véhicule, de veiller à la sécurité des conducteurs, mais aussi « de sensibiliser ces derniers au maintien en bon état des véhicules qui restent avant tout des outils de travail », rappelle Patrick Lacroix.
Des conducteurs sensibilisés
D’autres initiatives relèvent de l’entreprise elle-même, comme avec la volonté du management de sensibiliser les conducteurs. Ce qui peut se traduire par l’organisation de « causeries » sur le thème de la sécurité routière, au moins deux fois par an. « Il revient aux managers de communiquer auprès des conducteurs, notamment sur les retours d’expérience sur un sinistre. L’objectif est de bien insister sur le fait que l’assurance ne règle pas tout. Les conducteurs sont le plus souvent surpris des montants atteints lors d’un sinistre », avance Patrick Lacroix, risk manager pour Idex, spécialiste de l’efficience énergétique. Patrick Lacroix est par ailleurs président de la commission automobile de l’Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise).
Patrick Lacroix évoque ainsi le cas d’un véhicule de son entreprise qui a percuté le véhicule qui le précédait à l’approche d’un rond-point. « Les conducteurs n’ont pas été blessés et les coûts à notre charge avoisinaient les 4 000 euros », relate-t-il. Forte de 3 000 véhicules dont 90 % de VUL tôlés, la flotte d’Idex fonctionne en location longue durée et en auto-assurance (voir l’encadré ci-dessus). Concernant les frais de sinistres liés à la flotte, Patrick Lacroix estime qu’ils s’élèvent en moyenne à 1 000 euros à la charge de l’entreprise. « C’est un coût moyen tout confondu pour le parc des véhicules utilitaires, précise-t-il, du bris de glace jusqu’au véhicule qui part à la casse parce que le conducteur en a perdu le contrôle. »
TCO conducteur : l’apport des aides à la conduite
Les outils techniques comme les systèmes d’assistance à la conduite, les fameux ADAS, équipent désormais de façon quasi systématique les véhicules, tout particulièrement dans les gammes business. « L’accidentologie évolue à la baisse grâce à l’impact positif de ces ADAS embarqués », constate Gérard de Chalonge, directeur marketing du loueur Athlon. Mais ces équipements bénéfiques pèsent aussi sur le TCO des véhicules : ils contribuent à augmenter les coûts d’achat mais aussi ceux des réparations. Raison de plus pour les employer à bon escient : « Le conseil important, c’est de ne pas couper ces aides à la conduite, ce que beaucoup font. Mais paradoxalement, des habitudes sont prises avec ces aides et des réflexes de conduite comme tourner la tête pour se garer ont disparu », pointe Franck Llagostera, directeur opérationnel d’Athlon.
Des entretiens post-accident
Enfin, si les « causeries » mobilisent les managers et plusieurs salariés, Idex réalise également, toujours en interne, des entretiens post-accident. Des échanges qui se veulent avant tout un moyen efficace de prévenir la récidive, estime Christophe Giraud pour Gras Savoye : cela responsabilise les conducteurs, enclins à éviter une nouvelle confrontation avec leur manager ou un préventeur pour évoquer un nouveau sinistre. « La relation directe entre le conducteur et l’assureur pour une déclaration de constat ne fait qu’acter l’accident sans aucun travail de prévention. En revanche, l’entretien post-accident amène en outre à une analyse qui fait comprendre les causes de cet accident au sein de l’entreprise : ce peut être la fatigue du conducteur, l’environnement, le climat, mais aussi une pression de travail trop importante », énumère le responsable de Gras Savoye.
D’autres outils peuvent servir de base pour ces échanges entre les conducteurs et leur hiérarchie, comme les informations recueillies par la télématique embarquée. Encore peu répandu dans les flottes, ce dispositif suscite toutefois beaucoup d’intérêt auprès des entreprises soucieuses d’optimiser les comportements de conduite des salariés. Chez Leztroy par exemple, elle a pris le relais des formations à l’éco-conduite.
Le concessionnaire d’autoroutes Sanef a pareillement abandonné les formations à l’éco-conduite fin 2019 pour tester l’outil télématique du prestataire WeNow. La solution a été déployée dans une soixantaine de véhicules de fonction sur la base du volontariat, et sur des véhicules de patrouille et d’intervention. « Les résultats sont intéressants : nous avons obtenu jusqu’à 10 % d’économie sur la consommation de carburant. La crise sanitaire a suspendu l’expérimentation mais nous réfléchissons désormais à une solution globale pour le suivi de la flotte », indique Pascal Contremoulins, responsable sécurité routière de cette entreprise à la tête de 820 véhicules (voir l’encadré ci-dessous).
Sanef : la sécurité autoroutière
Pour son activité de concession d’autoroutes, Sanef exploite une flotte de 820 véhicules, soit 200 voitures de fonction et 370 véhicules de patrouille de type utilitaires Renault Master ou Clio pour les intervenants péages. Ces utilitaires sont amenés à rouler 24 heures sur 24 et peuvent atteindre les 250 000 km par an. Le parc compte également 250 poids lourds. Les véhicules sont financés en achat mais les voitures de fonction basculent progressivement en location longue durée.
Dans cette entreprise, les salariés sont amenés à se déplacer prioritairement sur le réseau de la concession situé dans le Nord et l’Est de la France. Les formations à la sécurité routière pour les conducteurs sont bien évidemment incontournables, avec des spécificités liées à l’environnement autoroutier. L’ensemble des salariés sont par exemple formés à la prise en charge des accidents, qu’ils en soient victimes ou témoins.
« Les formations à la sécurité routière pour nos salariés reprennent nos campagnes de communication pour la sécurité des usagers sur le réseau : le respect des vitesses et des distances de sécurité, l’usage du clignotant, la prévention sur l’usage du téléphone au volant et des distracteurs, et le déport d’une voie en cas de véhicule immobilisé », complète Pascal Contremoulins, responsable sécurité routière de Sanef. Autre axe de travail pour les personnels de la concession d’autoroute : « le compagnonnage pour l’utilisation des véhicules spécifiques : les personnels plus expérimentés accompagnent ceux qui débutent », ajoute ce responsable.
Employer les bons outils
Bien que l’installation de la télématique embarquée ne soit pas encore d’actualité pour l’entreprise de transport de personnes Mon Cab Vert, Tanguy de La Rochette l’envisage dès que sa flotte va s’accroître. « Quand l’effectif atteindra trois salariés, c’est sûr et certain, projette ce responsable. Ce qui est important avec la télématique, c’est surtout la remontée d’informations en temps réel. Elle permet de rectifier à chaud les comportements dès que les compte-tours grimpent et que les accéléromètres atteignent des niveaux trop élevés », argumente Tanguy de la Rochette. En estimant que la seule présence des boîtiers a déjà pour effet de responsabiliser les conducteurs. « Mon retour d’expérience est que les salariés sont plus prudents avec que sans », résume-t-il. Ce qui est plutôt bon signe.
Dossier - TCO conducteur : des leviers de maîtrise des coûts
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