
Comme pour toutes les dépenses liées au TCO, optimiser le poste entretien requiert un préalable : en estimer le détail des coûts. Mais sur ces différentes composantes (révisions, entretien courant, réparations, pneus, etc.), la visibilité donnée aux gestionnaires reste le plus souvent réduite. En cause dans les contrats de location : la forfaitisation qui lisse de facto les dépenses en mensualités.
Quelques dépenses peuvent néanmoins donner matière à comparaison, à l’image des pneus : « Les clients d’un loueur se rendent rapidement compte que les marges réalisées sur leurs contrats sont importantes. Avec un coût hypothétique de pneus par mois...
Comme pour toutes les dépenses liées au TCO, optimiser le poste entretien requiert un préalable : en estimer le détail des coûts. Mais sur ces différentes composantes (révisions, entretien courant, réparations, pneus, etc.), la visibilité donnée aux gestionnaires reste le plus souvent réduite. En cause dans les contrats de location : la forfaitisation qui lisse de facto les dépenses en mensualités.
Quelques dépenses peuvent néanmoins donner matière à comparaison, à l’image des pneus : « Les clients d’un loueur se rendent rapidement compte que les marges réalisées sur leurs contrats sont importantes. Avec un coût hypothétique de pneus par mois pour une Clio de 35 euros, multiplié par 36 mois de location, on arrive à un total de plus de 1 000 euros. Nombre de clients constatent que ce montant est plus élevé que s’ils achetaient en direct les pneus dont ils ont réellement besoin », pointe Théophane Courau, président du fleeter Fatec.
Les pneus sortent des contrats
Le principe du forfait pour les pneus peut apparaître d’autant moins intéressant que l’utilisation des véhicules amène à dépasser ou au contraire à ne pas employer le nombre d’enveloppes inclus. « Si un client n’en emploie que quatre au cours de son contrat de location, six lui seront facturées quand même. À l’inverse, s’il en consomme plus, il en paiera deux hors forfait », poursuit Théophane Courau.
Face à ces coûts, des gestionnaires de flotte s’orientent logiquement vers des prestataires extérieurs et un raisonnement « au réel ». C’est vrai d’Orange, à la tête d’un parc de 19 500 véhicules tous financés en LLD. « Nous avons retiré la gestion des pneus des contrats loueurs et préféré travailler avec une enseigne. Les loueurs estimaient un forfait pneumatique en fonction d’un kilométrage prévisionnel ; ce kilométrage était amené à être modifié en fonction de l’usage du véhicule.

Pour autant, le calcul des pneus nécessaires n’était pas modifié. Nous avons donc pris en charge cette gestion », relate Patrick Martinoli, directeur de la gestion des véhicules pour l’opérateur. Un changement judicieux : « Euromaster nous indique régulièrement les taux d’usure des pneus, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous savons par exemple que, sur une voiture, un pneu peut durer 35 000 km et que le changement à 30 000 km, imposé par le loueur, n’était pas utile. Nous rendons ainsi les voitures avec plus de 4 mm de gorge, sans renouvellement systématique à la restitution des 60 000 km. Financièrement, c’est d’autant plus intéressant que nous ne recourons qu’à des marques premium », argumente Patrick Martinoli (voir l’encadré ci-dessous).
Orange mise sur le… smartphone
Bien informer le conducteur sur l’entretien de son véhicule est un point essentiel pour optimiser le TCO. Chez Orange, cet échange d’informations va bientôt s’appuyer sur les smartphones. « Jusqu’à aujourd’hui, nos 80 à 85 gestionnaires de parc en local prennent en charge le suivi du véhicule. Si besoin, ils s’occupent d’avertir le conducteur sur les dates d’entretien, notamment grâce aux remontées d’informations quotidiennes sur les kilométrages parcourus par le collaborateur – ce que nous effectuons depuis 2012. Ce suivi s’ajoute à la responsabilité du conducteur qui dispose, à la réception du véhicule, d’un kit avec toutes les données pour le suivi », explique Patrick Martinoli.
Orange va mettre en place prochainement des outils numériques pour aller plus loin dans le suivi, entre autres de l’entretien. Toute personne qui bénéficie d’un véhicule va ainsi avoir une application sur son smartphone pour obtenir tous les renseignements sur son véhicule. « C’est un outil incontournable : en tant qu’opérateur de télécoms, toute personne travaillant chez nous possède un smartphone pour mener à bien ses missions et promouvoir nos services autour de lui », reprend le responsable.
Dans un second temps, le suivi sera amélioré par le traitement des informations en provenance du véhicule. « Pour assurer au mieux la sécurité des salariés, nous remontons les données techniques avec les modèles PSA et Renault. Nous remontons tous les jours la pression des pneus, l’état de l’éclairage, des ABS, les niveaux de fluides, etc. », énumère Patrick Martinoli.
Le constat de telles dérives sur les pneus amène aussi les responsables de parc à remettre en question les autres forfaits liés à l’entretien. « Les flottes ont débuté leur réflexion sur les coûts des pneus dès 2009, avec pour conséquence chez certaines la décision de traiter en direct ce poste. Depuis 2013, elles cherchent aussi de plus en plus souvent des pistes d’économies du côté de l’entretien », retrace Didier di Meglio, directeur des ventes du segment professionnel chez Euromaster.
Mais la motivation du paiement aux frais réels de l’entretien n’est pas seulement liée à un objectif de gain. En obtenant le détail des pièces réparées, les gestionnaires recueillent aussi des indices sur les dérives éventuelles de conducteurs, ou tout simplement sur l’inadéquation de leur car policy aux usages. « S’il y a une consommation élevée de boîtes de vitesses, on peut se demander si la sélection des modèles est la bonne, s’il ne faut pas en changer pour une gamme supérieure, ou mieux former les conducteurs », confirme Théophane Courau.
La remise en cause de l’entretien
Autre avantage de ce choix : les réseaux auxquels s’adressent alors les gestionnaires de flotte pour l’entretien bénéficient souvent d’un bon maillage du territoire, ce qui facilite la prise de rendez-vous. « Chez les loueurs, il n’y a quasiment pas d’entretien hors des réseaux constructeurs. Or, dans des réseaux comme le nôtre, nous pouvons donner la priorité aux grands comptes qui ont besoin d’avoir un véhicule rapidement. Contrairement au rendez-vous chez les concessionnaires où obtenir un rendez-vous demande plus de temps », avance Pascal Gradassi, directeur des opérations de Point S.
Autre atout valorisé par les enseignes : elles regroupent dans un site unique l’ensemble des prestations d’entretien. « Et souvent, l’usure d’autres pièces correspond au changement de pneus, reprend le responsable de Point S. Aujourd’hui, l’allongement des délais de révision fait que des pièces comme les plaquettes de frein peuvent parfois s’user entre deux révisions et se remplacer avec les pneus. »
Sortir l’entretien, pas si simple
Mais si les arguments pour sortir l’entretien du contrat de location sont nombreux sur le papier, cette démarche peut être entravée par de nombreuses difficultés. L’une est mise en exergue par Orange. « Compte tenu de notre financement en totalité en LLD, notre seule stratégie consiste à prendre l’entretien et la révision dans le réseau de concessionnaires mis en avant par le loueur. Les loueurs vont sans doute proposer progressivement l’alternative des enseignes nationales d’entretien pour le suivi des véhicules. Mais pour l’instant, les concessionnaires sont les mieux placés pour entretenir les véhicules et obtenir les renseignements nécessaires auprès de la marque en cas de problème », explique ainsi Patrick Martinoli.
Pour étayer son raisonnement, Patrick Martinoli cite quelques exemples : « Nous avons eu de petits événements, comme un bruit pendant certaines phases de la conduite, qui ont amené à des réparations importantes : changement de la pompe à injection ou de la canalisation du circuit d’alimentation de carburant. Il n’est pas sûr que ce problème aurait été diagnostiqué aussi bien dans une enseigne généraliste. »
Un contrat tout compris
Autre écueil de taille : des loueurs affichent leur opposition à la possibilité de séparer l’entretien du financement. « Cette prestation est obligatoire dans notre contrat de location, indique Cédric Marquant, directeur marketing et Business Development d’Alphabet. Nous sommes là pour offrir un service que nous avons souhaité le plus complet possible. »
Chez Alphabet, la prestation d’entretien va au-delà des révisions : « Elle comprend l’assistance dépannage, les réparations hydrauliques, électroniques et mécaniques hors garantie constructeur pendant toute la durée du contrat. C’est important pour des voitures qui ne sont garanties que deux ans. S’il y a une panne sur le toit ouvrant, l’autoradio ou une panne moteur, Alphabet prend en charge l’ensemble des réparations », détaille Cédric Marquant. La prestation inclut entre autres le dépannage en cas d’erreur sur le carburant.
La proposition d’un package d’entretien indissociable du contrat de location se justifie aussi par la volonté du loueur de suivre l’état du véhicule pour en optimiser la revente. « Nous revendons la voiture et nous souhaitons donc savoir ce qui a été fait dessus par rapport aux marchands de VO, mais aussi pour les ventes aux particuliers », complète Cédric Marquant.

Dissocier loyer et entretien
Ces « packages » des loueurs ne sont toutefois pas incontournables. Chez Fatec, Théophane Courau rappelle que ses clients financent leurs flottes à 75 % en LLD : « Ils optent pour le financement en loyer financier uniquement et nous confient la gestion des services : entretien, pneus et généralement assistance. »
Pour Théophane Courau, l’entretien n’est pas indissociable du loyer, bien que les loueurs n’y soient pas favorables : « Nos clients petites, moyennes et grandes entreprises démontrent le contraire. Le client a le choix : des garages où il fait effectuer ses entretiens, des marques de pneus qu’il fait monter sur ses véhicules dans ses garages. Il est tout à fait possible de dissocier le financement d’un bien de la partie services, chez un banquier avec une LOA, comme chez un loueur dans le cadre d’une LLD. »
Quel suivi pour la flotte ?
Autre limite de ce fonctionnement au forfait avec les loueurs : il ne permet pas d’obtenir une information très précise sur la consommation des pièces en vue d’élaborer un diagnostic de l’usage de la flotte. Un point de vue contredit par Christophe Delivet, chef du service Delivery d’Arval : « La prime d’entretien est transparente dans le contrat. Si, à véhicule équivalent entre deux marques, le client constate des différences de coût, il a sa réponse sur la fiabilité des modèles. »
Au-delà, le loueur peut orienter son client sur l’adéquation des véhicules à l’usage qu’il veut en faire : « Nous regardons les types d’utilisation prévus pour les véhicules. Nous savons que tel type d’utilisation va amener tel type de casse : pour des véhicules qui roulent très chargés ou encore pour des déplacements courts et fréquents sur des surfaces limitées. Nos techniciens savent très bien évaluer les risques en fonction des clients », poursuit le représentant d’Arval.
En matière de TCO, le forfait du loueur couvre aussi un ensemble de frais toujours difficiles à évaluer pour un gestionnaire de parc : ceux de la gestion du back-office. « Pour ce responsable, le premier avantage à recourir à l’entretien inclus dans les contrats est de forfaitiser le coût de ce poste et d’en déléguer la gestion », note Christophe Delivet.
Attention à la gestion !
De fait, si un gain économique est possible en faisant appel à des prestataires divers, la gestion administrative s’accroît d’autant : pour le traitement des factures, les appels vers les garages, la logistique des véhicules, etc. Autant d’opérations qui, avec un contrat de location, s’organisent sans intervention du responsable de parc : dès que le conducteur rencontre des difficultés, il s’adresse au centre d’appel du loueur.
Mais les enseignes d’entretien veillent aussi à enrichir leurs gammes d’instruments susceptibles d’alléger le travail des responsables de parc. « Du côté du back-office, nous offrons des reportings personnalisés et réguliers sur les items demandés par les clients. Nous pouvons envoyer ces reportings à la demande du client et quand il veut. Dernièrement, nous avons donné un accès à notre serveur aux clients qui le souhaitent pour télécharger les données dont ils ont besoin », expose ainsi Pascal Gradassi
pour Point S.
Chez Euromaster, un carnet d’entretien prédictif a été lancé en mars. Baptisé « carnet d’entretien connecté », il se base sur les plans d’entretien du constructeur, les remontées d’informations suite aux prestations réalisées sur le véhicule par l’enseigne, et sur des conseils d’experts pour que le gestionnaire anticipe les interventions sur son parc.
D’autres outils sont mis en place pour améliorer l’information des conducteurs sur ce suivi, un aspect essentiel de l’amélioration du TCO du parc (voir aussi l’encadré sur Orange). « Nous avons démarré il y a quelques années le rendez-vous en ligne, au départ pour les pneus hiver avec des campagnes de rappel. Après un démarrage lent, cette prestation rencontre maintenant un bon succès, avec des rendez-vous pris bien avant le coup de feu hivernal », reprend Pascal Gradassi.

Aujourd’hui, Point S propose aussi une application destinée au conducteur pour la prise de rendez-vous et la localisation des centres. Avec de tels moyens, l’implication du conducteur dans l’entretien de son véhicule est vouée à s’améliorer : « Cela prend du temps, souligne néanmoins Pascal Gradassi. Dans certaines flottes, les conducteurs ne sont pas formés à interpréter les signaux comme les voyants d’entretien : il y a un manque d’information sur le nécessaire respect des échéances. »
Pour compléter ces dispositifs, des acteurs s’orientent d’ores et déjà vers l’exploitation des informations issues des boîtiers télématiques. « Avec notre outil télématique monté sur les véhicules, nous pouvons analyser la conduite, ce qui aide à déduire le comportement à risques en termes de casse mécanique ou de surconsommation », indique Christophe Delivet pour Arval.
Des outils pour prévenir
Des enseignes d’entretien généralistes évoquent elles aussi, mais anonymement pour l’instant, la possibilité d’employer ces données pour améliorer le suivi de l’entretien. Autant d’outils qui vont participer à la responsabilisation des conducteurs mais aussi à une meilleure visibilité du gestionnaire sur ce poste. Et peut-être contribuer à lui laisser plus de latitudes quant aux choix de son prestataire ?