« Alors que les offres constructeurs se multiplient, que le WLTP fait s’envoler les taux de CO2 des véhicules essence et dans une moindre mesure ceux des diesel, et que la fiscalité change constamment, il y a un véritable travail de fond à mener sur le TCO. Les gestionnaires de flotte l’ont compris ou le comprennent de plus en plus », affirme Gérard de Chalonge, directeur commercial et marketing d’Athlon.
« La diversification des énergies, avec des impacts très différents sur les fiscalités et les consommations, rend le calcul du TCO toujours plus important. Ce choix peut aussi avoir un effet sur la sinistralité, les pneus et l’entretien dont les coûts, par exemple, sont moindres avec l’électrique », confirme Régis Masera, responsable consulting France d’Arval.
Mais les choix effectués en termes de car policy et de modèles ne dépendent pas que du TCO. Il faut intégrer d’autres paramètres comme la transition énergétique et les réglementations environnementales. Parmi les questions essentielles à se poser, selon Laurent Petit, responsable du département marketing et business development d’Alphabet France : « Des techniciens pourront-ils continuer à rouler en diesel dans trois ans avec le développement des zones à faibles émissions (ZFE-m) ? »
TCO : une intégration complexe
Et la volonté des financiers de diminuer les coûts peut se heurter à « celles des ressources humaines qui considèrent le véhicule comme un moyen de fidéliser les collaborateurs, ou du service RSE qui veut réduire l’empreinte environnementale. On ne peut plus raisonner uniquement en coûts », résume Laurent Petit.
« En moyenne, le coût lié au financement du véhicule, en achat, en location longue durée ou en bien location avec option d’achat, ne représente qu’un tiers du TCO », souligne Robert Maubé, expert conseil et formateur en gestion de flottes automobiles pour le cabinet RRMC. De nombreux postes viennent s’ajouter : le carburant, l’entretien, les pneus, les coûts liés à la sinistralité (assurance, réparation), mais aussi aux parkings, péages, amendes ou forfaits post-stationnement (FPS). Et bien sûr la fiscalité.
« Pour les VP, il y a jusqu’à cinq fiscalités différentes : le malus-bonus, la TVS, la TVA non récupérable sur le carburant, les cotisations sur les avantages en nature (AEN) et les amortissements non déductibles (AND). Toutes ces dispositifs peuvent peser jusqu’à 50 % dans le TCO, pour un véhicule de fonction de gamme supérieure ou de type SUV », précise Robert Maubé. Face aux changements fiscaux rapides, Alphabet a développé un outil, Fiscality Next, pour « réaliser des projections sur la flotte à la route afin de prévoir l’impact des mesures fiscales prévues pour 2021 », expose Laurent Petit.
Inclure le coût de gestion
Autre paramètre à ne pas oublier : le coût de la gestion de la flotte. « Les entreprises s’en rendent compte quand elles externalisent. Mais quand la gestion se fait en interne, elles ne l’intègrent pas dans le TCO. Pareillement, la fiscalité est rarement prise en compte dans sa totalité. Et les assurances sont parfois laissées de côté car le responsable de parc n’en connaît pas le montage financier. Certains oublient aussi d’intégrer les refacturations en fin de contrat », indique Marie-Hélène Benarouch, consultante achats et mobilité opérationnelle pour le cabinet de conseil EPSA.
Ensuite, pour comparer entre eux les TCO des véhicules, il faut un dénominateur commun quand les durées de détention et les kilométrages varient. « Le plus efficace, c’est de passer à un coût par kilomètre, le PRK (prix de revient kilométrique). Le loyer a tendance à baisser sur la durée mais les coûts d’entretien à augmenter. Identifier la durée de détention optimale permet de réaliser entre 3 et 5 % d’économies sur la partie loyer, maintenance, entretien et pneus », avance Robert Maubé.
Pour sa part, Catherine Berthier, mobility manager pour Assystem, spécialiste de l’ingénierie et du conseil en innovation, a choisi la solution la plus simple : « une base commune de 48 mois et 100 000 km pour comparer les différents modèles », puis des contrats adaptés aux lois de roulage. « Nous calculons un TCO mensuel en incluant l’ensemble des fiscalités qui pèsent lourd dans la balance. En revanche, nous prenons comme base la consommation théorique de carburant et nous n’intégrons pas la sinistralité. Le TCO réel est difficile à calculer. Il s’agirait alors d’un TCO par véhicule et non d’un TCO par type de véhicules », complète Catherine Berthier, à la tête de 1 100 véhicules (voir le témoignage).
Un outil de comparaison
« Nous nous basons sur une consommation théorique en prenant en compte le loyer, les valeurs résiduelles, les émissions de CO2 en WLTP, les remises obtenues, la TVS et le bonus-malus, énumère Jean-Philippe Berger, directeur des services généraux au sein du groupe de cosmétiques Yves Rocher. Pour comparer deux modèles, nous ne pouvons pas prendre le TCO réel du fait de l’impact de la conduite. Pareillement, nous n’incluons pas les AEN car ceux qui ont des véhicules de service n’y sont pas soumis, ni l’assurance qui concerne l’ensemble de la flotte. Quand nous comparons une Renault Mégane hybride et une Seat Leon hybride dont les prix catalogues sont proches, ce qui fait la différence, ce sont les remises et les valeurs résiduelles », note ce responsable des 380 véhicules en flotte dont 50 % d’hybrides rechargeables à fin 2020 (voir le témoignage).
En pratique, avec plusieurs dizaines de paramètres à prendre en compte dans le TCO, les responsables de parc font souvent un tri. Ainsi, Aurélien Peyrel, responsable de la flotte de France Télévision, soit 1 200 véhicules dont 900 VP, inclut le loyer, la fiscalité et le carburant. « Notre flotte est en grande partie en pool. Intégrer les frais variables, essentiellement liés aux comportements des conducteurs comme les réparations, les pneus, l’entretien ou les assurances, n’est donc pas pertinent pour nous », pointe-t-il (voir le témoignage).
TCO théorique ou réel ?
De fait, la plupart des gestionnaires calculent un TCO théorique pour choisir les véhicules en amont. Et quelques-uns calculent, en outre, un TCO réel en fin de contrat, en intégrant le carburant réellement consommé et des données variables comme la sinistralité, les amendes et les réparations non prises en compte par l’assurance. « Mais une plaque d’immatriculation à changer, c’est un coût. Idem pour un rétroviseur cassé s’il n’est pas couvert par l’assurance, ou un jeu de pneus supplémentaire non compris dans le contrat. Ce sont des frais qui viennent s’ajouter : au final, cela peut représenter 8 à 15 % en plus du loyer », avance la consultante Marie-Hélène Benarouch.
« Quand les amendes, les pneus ou le véhicule relais ne sont pas inclus dans le contrat, dans le cadre d’une gestion en interne, de nombreux frais ne sont pas intégrés. Par ailleurs, les gestionnaires ont parfois un seul compte pour englober toutes les dépenses. Il est alors difficile d’identifier les dérives et de savoir quel levier actionner pour optimiser le TCO », observe Régis Masera pour Arval.
Des choix à peser
« Prendre en compte tous les paramètres du TCO est très complexe et très chronophage. Et le temps passé constitue aussi un coût. Est-ce bien utile au regard des économies potentielles ? Faut-il alors être exhaustif ou être efficace en ciblant les frais les plus significatifs et les plus grandes dérives ? », interroge avec pragmatisme Marie-Hélène Benarouch.
David Joannet, directeur financier du spécialiste des technologies médicales et de sécurité Dräger France, ne dira pas le contraire : « Nous avons externalisé les pneus auprès d’Euromaster. Cela réduit les coûts mais c’est très chronophage quand on veut effectuer un bon suivi et éviter les dérives. De ce fait, nous envisageons de confier à nouveau les pneus au loueur. Pour les mêmes raisons, tout ce qui est réparations et entretien reste chez le loueur. Il serait certes possible de diminuer les coûts en passant par un prestataire comme Feu Vert ou Norauto, mais le temps de gestion exploserait », conclut ce responsable à la tête de 305 véhicules. Un choix à peser.