
Pendant la crise, les entreprises ont durci les car policies, cherché à limiter l’impact de l’envolée du coût de l’argent en prolongeant la durée des contrats, ébauché l’étude de nouvelles formes de mobilité, verdi encore et toujours leurs flottes. En sortie de crise, vont-elles continuer à optimiser leur TCO, c’est-à-dire le coût total d’utilisation de leurs véhicules, ou au contraire desserrer l’étau ? Le TCO était plutôt en baisse de 2 à 3 % l’an passé en raison du recul du pétrole ; cette année, au contraire, il pourrait – toujours à cause du pétrole – progresser jusqu’à 5 %. Il y a donc fort à parier que la première solution, soit...
Pendant la crise, les entreprises ont durci les car policies, cherché à limiter l’impact de l’envolée du coût de l’argent en prolongeant la durée des contrats, ébauché l’étude de nouvelles formes de mobilité, verdi encore et toujours leurs flottes. En sortie de crise, vont-elles continuer à optimiser leur TCO, c’est-à-dire le coût total d’utilisation de leurs véhicules, ou au contraire desserrer l’étau ? Le TCO était plutôt en baisse de 2 à 3 % l’an passé en raison du recul du pétrole ; cette année, au contraire, il pourrait – toujours à cause du pétrole – progresser jusqu’à 5 %. Il y a donc fort à parier que la première solution, soit l’optimisation du TCO, s’impose aux gestionnaires de parc. Et si ces derniers ont été obnubilés par la renégociation des loyers durant la crise, ils ont encore des marges de manoeuvre. Revue de détail des principaux leviers d’optimisation du TCO.
1 Travailler à optimiser la flotte et la car policy
Déterminer les types de véhicules dans lesquels vont rouler les collaborateurs, leur niveau de motorisation, leurs équipements, et en fixer les règles d’usage. À l’heure où les constructeurs comptent plus que jamais sur les entreprises pour soutenir leurs ventes après l’arrêt des primes aux particuliers, l’exercice peut se révéler intéressant pour les gestionnaires. « C’est toujours une étape délicate qui doit être soutenue par les dirigeant des entreprises, car on touche en quelque sorte à la rémunération du collaborateur. Il faut ?vendre? socialement cette mesure », souligne Catherine Milne, consultante chez LeasePlan France.
Il n’en reste pas moins qu’il faut encore et toujours travailler ce poste, rappelle Jean-Loup Savigny, directeur commercial et marketing d’Arval France. « Il ne faut jamais s’arrêter car l’innovation des constructeurs est permanente ». Du même coup, l’optimisation de la car policy permet de réduire les émissions de CO2 en intégrant des modèles plus récents – les gammes business représentant à cet égard un bon compromis entre les besoins des collaborateurs et les contraintes financières des sociétés. Les marges de progression restent importantes puisque, selon Pascal Vanbeversluys, directeur du marché fleet chez GE Capital, « la moyenne des parcs tourne encore trop autour de 140 g/km de CO2. Le processus d’abaissement des seuils d’émissions est donc long ». Sur le terrain, cela donne des solutions variées. Chez Bouygues, tous les axes d’amélioration du parc ont été fixés en fonction du TCO. Si la TVS et la consommation de carburant du modèle choisi sont peu élevées, le collaborateur peut opter pour une voiture mieux équipée.
Les 5 leviers de réduction des coûts
1… Travailler à optimiser la flotte et la car policy
2… Trouver des solutions à l’envolée du pétrole
3… Améliorer la sinistralité et le poste assurances
4… S’inscrire davantage dans une démarche verte
5… Envisager de nouvelles mobilités
Des émissions de CO2 en pleine décroissance
Chez Mediapost, filiale de La Poste spécialisée dans la communication ciblée en boîtes aux lettres, la révision de la carte d’attribution en 2010 s’est traduite par l’obligation de passer sous la barre des 100 g de CO2, et des 136 g pour les véhicules de direction. Engagement similaire pour SFD, filiale de SFR, qui a revu sa car policy en optant pour des modèles peu polluants : 80 % des 207 véhicules se situent sous les 120 g et 35 % sous les 107 g.
Comme le note Steven Blanchard, chef de marché grands comptes et core business chez LeasePlan France, la refonte de la car policy amène aussi à s’interroger sur les constructeurs avec lesquels on souhaite travailler. « Diminuer leur nombre accroît la capacité de négocier et d’obtenir des remises liées à la taille du parc ». En retenant deux loueurs longue durée et cinq constructeurs à l’échelle européenne, Rexel a ainsi pu augmenter de 30 % le bonus international moyen versé par les constructeurs à chaque filiale. Par ailleurs, 70 % des commandes passent via les loueurs référencés, avec un objectif de baisse de 15 % du TCO. La politique d’achat privilégie en outre en permanence les véhicules les plus sobres, ce qui devrait faire reculer les émissions de CO2 de 15 %.
Moins de prolongations des contrats
Pendant la crise, les loueurs avaient joué à plein la carte de la prolongation des contrats pour éviter à leurs clients de prendre de plein fouet la hausse des loyers liée à la raréfaction du crédit. Certains évoquaient alors une envolée de 20 %. Comme l’expliquait à l’époque Arval, « la profession a trouvé un équilibre entre la courbe des loyers, qui aurait été exponentielle sans la prolongation des contrats, et celle des coûts de maintenance, qui aurait pu aussi exploser en appliquant uniformément cette prolongation sans tenir compte des habitudes de roulage des clients ».
Cette stratégie est-elle pérenne chez les loueurs et doit-elle être considérée comme une nouvelle tendance lourde de la profession ? Selon le bilan annuel du SNLVLD, cela ne semble pas être le cas. La durée moyenne s’est en effet stabilisée en 2010 : la profession propose désormais des contrats à environ 38,3 mois ou 97 495 km, contre 38,2 mois en 2008, 37,9 mois en 2007 et 36,8 mois en 2006 (voir schéma). « Prolonger les contrats pouvait se comprendre à un instant t, pour une situation exceptionnelle. Mais attention à ne pas se priver, sur la durée, des apports technologiques des nouveaux modèles des constructeurs, loin d’être négligeables pour réduire l’impact sur le TCO », prévient Benoît Jouanneault, responsable conseil et coordination nationale chez GE Capital.
Évolution de la durée moyenne des contrats depuis 2003
2 Trouver des solutions à l’envolée du pétrole
C’est l’épouvantail des gestionnaires de parc et de leurs prestataires : comment contenir l’impact de l’envolée des prix à la pompe ? Cette année, le poste carburant pourrait constituer, voire dépasser, 25 % du TCO total des flottes. Certes, « l’effet technologique compense en partie cette hausse », remarque Pascal Vanbeversluys, chez GE Capital. En partie peut-être, mais sûrement pas totalement. Sur ce poste, force est de constater que les uns et les autres subissent plus qu’ils n’agissent. « Nous regardons les conditions d’utilisation des cartes pétrolières par les collaborateurs et étudions les relations de nos clients avec les pétroliers. Un des leviers peut consister à repositionner la zone géographique du collaborateur par rapport à ses déplacements », explique Steven Blanchard, de LeasePlan.
« Nous avons des clients qui peuvent piloter le poste carburant et d’autres pas. Pour ces derniers, nous réalisons des projections de consommations à partir des éléments fournis par les constructeurs », précise Jean-Loup Savigny, d’Arval. Autre piste, l’éco-conduite peut faire économiser jusqu’à 20 % sur les consommations. Mais les entreprises cherchent aussi à pérenniser ces résultats. Les fournisseurs de solutions télématiques embarquées proposent ainsi des applications liées au carburant (voir à ce propos notre article Géolocalisation pages 30 à 36). De même, avec son offre Green Miles pour les flottes de 5 à 50 véhicules, Axa accorde une remise de 5 %, avec une autre remise de 10 % à la date anniversaire, si la consommation a baissé de 5 % au moins. Sur 100 000 clients, une dizaine a souscrit cette offre.
3 Améliorer la sinistralité et le poste assurances
Chez pratiquement tous les loueurs, l’éco-conduite est de fait devenue une réalité, signe que les attentes des clients sont très fortes en la matière. Année après année, il est vrai, le coût des réparations progresse de 4 % et celui des dommages corporels de 6 %. Or, une campagne de prévention des risques routiers peut entraîner un recul du nombre de sinistres de 20 %. Chez Arval, quelque 150 formations à l’éco-conduite ont été menées l’année dernière, rappelle Jean-Loup Savigny. Selon lui, elles contribuent à réduire de 30 % la sinistralité d’un parc et ont un impact positif sur les primes d’assurance. Pour LeasePlan, le bilan 2010 s’est traduit par deux formations à l’éco-conduite pour des grands comptes, et « de nombreuses formations sur simulateurs ».
Chez Mediapost, des modules de formation ont été mis sur pied. Ils incluent quatre heures de cours de conduite, avec deux parcours routiers en conditions réelles dont l’un effectué après une leçon théorique. Les 630 salariés qui possèdent une voiture de fonction ont d’abord été formés, puis les 11 500 distributeurs de l’entreprise. Résultat : un recul de la sinistralité de 9 %. Pour SFD, la sécurité routière est devenue une priorité. Le premier stage a eu lieu en 2008 et alors même que le parc auto augmentait, la fréquence des accidents est passée d’un tous les trois ans à un tous les quatre ans. Objectif à terme : un taux de 0,2, soit un accident tous les cinq ans par véhicule.
Les assureurs s’impliquent aussi dans la prévention
Certains assureurs incitent leurs clients entreprises à mettre en oeuvre des stratégies de prévention des risques routiers. Ainsi, la charte Axa France « Prévention auto Entreprise » prévoit trois axes d’action : prévenir le risque auto en l’évaluant et en engageant l’entreprise et les collaborateurs dans la mise en oeuvre de mesures de prévention ; respecter les règles de conduite à travers onze comportements à adopter ; organiser le suivi de l’état du véhicule pour responsabiliser chaque conducteur. Si les clients s’équipent en solutions de géolocalisation pour récupérer les voitures volées, les primes peuvent baisser. Certains grands groupes retravaillent entièrement leurs dépenses d’assurance. C’est le cas de Veolia. En regroupant la couverture du risque auprès d’un seul assureur, le spécialiste de l’environnement vise un gain de 10 % sur ce poste dans huit pays, trente entités et quatre métiers.
La surveillance du poste pneumatiques demeure un autre moyen, indirect, de contrôler le poste assurances. Les pneus ne représentent que 4 % du prix de revient d’un véhicule. Mais les conséquences d’un mauvais entretien sont très importantes : une pression insuffisante de 20 % réduit la durée de vie du pneu de 20 % et entraîne une augmentation de 2 à 3 % des consommations de carburant. Enfin, et surtout, on estime que 4 % des accidents sur autoroute sont liés à des problèmes de sous-gonflage. Le début rigoureux de l’hiver 2011, avec la multiplication des chutes de neige, a aussi posé le problème des pneus hiver.
4 S’inscrire davantage dans une démarche verte
Le nouveau tour de vis donné à la fiscalité automobile au 1er janvier encourage les entreprises à verdir « encore et encore » leurs parcs. « Cette fiscalité, bien qu’elle change tous les ans, ne fait que renforcer les tendances connues », observe Pascal Vanbeversluys, de GE Capital. Selon les derniers chiffres du SNLVLD, plus de 44 % du parc à la route en France émettait moins de 120 g de CO2 en 2010, contre près de 36 % en 2009. Les captives restent les plus engagées, avec 48 % du parc sous les 120 g, contre 41 % pour les loueurs filiales des banques. Quant aux indépendants, ils ont fait passer de 25 à 31 % la part de leurs parcs sous les 120 g. Les solutions varient d’une entreprise à une autre, en fonction des impératifs de roulage de chacune. À l’heure actuelle, l’électrique ne semble pas pouvoir jouer un rôle dans l’optimisation globale du TCO. « En termes de TCO, le ?full électrique? n’est pas une option.
Mais il faut regarder de près les sorties de nouveaux modèles hybrides. Ils peuvent changer le regard des entreprises vis-à-vis de l’électrique », souligne Pascal Vanbeversluys. Quoi qu’il en soit, Deret a commandé, en 2009, 50 utilitaires électriques, avec l’objectif de diminuer ses émissions de CO2 de 20 % à périmètre constant, dans le cadre de la signature de la Charte objectif CO2 de l’Ademe. Le transporteur a fait ses calculs : pour la livraison du dernier kilomètre, c’est-à-dire celui qui permet d’atteindre les clients en centre-ville, un plein électrique revient à 4 euros, contre 28 à 30 euros pour un plein thermique, avec une moyenne de 2 tonnes de marchandises transportées. Pour Aéroports de Paris, l’objectif affiché est de faire reculer les émissions de CO2 de 20 % d’ici 2020 et 40 % d’ici 2040. Des véhicules électriques ont été achetés via l’Ugap, 200 dans un premier temps et 400 à terme. Et alors que les émissions moyennes du parc se situent encore à 220 g, la volonté est de descendre à 150 g.
5 Envisages de nouvelles mobilités
C’est l’une des conséquences de l’envolée des prix des carburants et de l’engagement des entreprises dans une démarche de conduite responsable : les déplacements des collaborateurs sont revisités et de nouvelles habitudes émergent… lentement. De grandes entreprises comme Bouygues ou Mediapost ont créé des sites de covoiturage pour leurs collaborateurs. Des solutions alternatives à la voiture sont aussi privilégiées lorsque les trajets atteignent plusieurs centaines de kilomètres : SFD, avec 80 sites en Îlede- France, sensibilise ses salariés aux transports en commun. Plutôt que faire faire un voyage long et coûteux à des collaborateurs, les sociétés jouent aussi la carte des visio-conférences. De plus en plus de loueurs ont aussi déployé des solutions d’auto-partage. Celles-ci mettent souvent en circulation des véhicules électriques et donnent la possibilité à des collaborateurs de bénéficier d’une voiture le soir et les week-ends. Chez Arval, le service est inclus aux côtés de la prévention des risques routiers, de l’éco-conduite, de l’assurance et de l’offre électrique (Programme Environnement et Sécurité). En ligne de mire de cette nouvelle démarche : la chasse aux frais de taxis et de location courte durée.
Avant tout, optimiser l’utilisation du parc automobile
Avec aussi le souci de mieux employer les véhicules qui restent, selon les spécialistes, immobilisés jusqu’à 90 % du temps sur les parkings. Arval vise ainsi 100 véhicules en auto-partage à la fin de l’année. Mais les habitudes n’évoluent que doucement. « Nous avons mené de nombreux rendez-vous sur l’auto-partage et une quinzaine de clients sont prêts à y aller. Mais c’est une démarche de longue haleine et il faut convaincre », reconnaît Jean-Loup Savigny. Sur ce thèmes des nouvelles solutions de mobilité, Alexandre Jenn, d’Ascom France, apporte un point de vue intéressant : « J’ai besoin de collaborateurs motivés, avec un vrai sentiment d’appartenance au groupe, que l’usage d’un véhicule peut contribuer à donner. Dans ce contexte, la voiture partagée ne me semble pas être la meilleure solution à déployer. Quant aux solutions de location moyenne durée, elles restent à mes yeux, trop onéreuses », conclut le directeur financier du spécialiste des solutions de communication. À creuser.