
L’arrivée de l’eCall, obligatoire depuis le 31 mars 1018, a transformé tous les véhicules neufs en modèles connectés. Bien que limité pour éviter toute collecte illicite ou fuite de données, ce système d’appel d’urgence connecté oblige les constructeurs à équiper leurs véhicules d’un système embarqué, et il n’y a qu’un pas à sauter pour y adjoindre la remontée des données de l’ordinateur de bord. Un service qu’ils ont d’ailleurs commencé à monnayer.
« À moyen terme, d’ici cinq à dix ans, les prestataires vont perdre l’aspect “hardware” : ils achèteront les données auprès des constructeurs qui ont équipé les véhicules en première monte, et se...
L’arrivée de l’eCall, obligatoire depuis le 31 mars 1018, a transformé tous les véhicules neufs en modèles connectés. Bien que limité pour éviter toute collecte illicite ou fuite de données, ce système d’appel d’urgence connecté oblige les constructeurs à équiper leurs véhicules d’un système embarqué, et il n’y a qu’un pas à sauter pour y adjoindre la remontée des données de l’ordinateur de bord. Un service qu’ils ont d’ailleurs commencé à monnayer.
« À moyen terme, d’ici cinq à dix ans, les prestataires vont perdre l’aspect “hardware” : ils achèteront les données auprès des constructeurs qui ont équipé les véhicules en première monte, et se focaliseront sur le “software” », estime Donato Quagliariello, directeur France de Quartix (voir aussi l’article). Si bien que les prestataires améliorent constamment les plates-formes où remontent les données.
Du « hardware » au « software »
Et pour concurrencer les constructeurs, la première étape consiste à offrir un suivi harmonisé des flottes mixtes. Suivideflotte.net est ainsi en train de préparer sa plate-forme pour assurer le traitement des données des véhicules connectés, quels qu’en soient la marque ou le modèle.
« Nous allons revoir l’interface homme-machine (IHM) pour y intégrer les données natives du véhicule et les rendre lisibles et exploitables très rapidement », indique Olivier Picard, directeur général d’Ocean. Ce prestataire a lancé en janvier dernier l’offre O-direct Universel pour remonter les données natives tous constructeurs confondus. Cette plate-forme comportera notamment des tableaux de bord avec la possibilité de créer des alertes.
Les télématiciens travaillent aussi l’ergonomie pour simplifier la visualisation et l’analyse des données. Si Mix Telematics a sorti l’outil de tableau de bord dynamique MiX Insight Agility, Suivideflotte.net a lancé un tableau de bord virtuel reproduisant celui d’un véhicule : « La prise d’informations est immédiate : on a l’impression d’être dans le véhicule en temps réel. Cela améliore l’acceptation de l’outil par le gestionnaire de flotte et simplifie le partage d’informations avec les collaborateurs, car le point de comparaison reste identique entre la plate-forme et le véhicule », argumente Julien Rousseau, P-DG du prestataire.
Suivideflotte.net a aussi créé trois indicateurs sur son outil d’éco-conduite Opti-driving : dangerosité par rapport au contexte routier, empreinte écologique et gain monétaire. « Pour le premier, nous regardons le respect des limitations de vitesse, les freinages brusques à proximité des écoles, à l’approche d’un radar ou à l’entrée d’un rond-point », illustre Julien Rousseau. Le deuxième indicateur recouvre la surconsommation et les émissions de CO2. Enfin, Suivideflotte.net a chiffré l’économie à la journée, au trajet et au mois. « Le gain sera relativement faible pour un conducteur noté 95/100 – aux alentours de 4 ou 5 euros par mois –, mais il peut atteindre jusqu’à 50, voire 100 euros pour les conducteurs en dessous de 50/100 », affirme Julien Rousseau.
Une solution spéciale VU
Le spécialiste du suivi de flotte de poids lourds Astrata a lancé en janvier 2018 VanLinc, une offre à destination des utilitaires visant pour l’instant principalement les PME. « Ce passage du PL au VU est dû au développement des réglementations européennes, et notamment à la législation du dernier kilomètre visant à limiter les déplacements à vide. Cela a entraîné une hausse des ventes de VU et nous nous sommes donc tournés vers ce marché, explique Rakan Nimer, directeur commercial de la solution VanLinc. En outre, dans un avenir proche, la réglementation sur les VU va se développer, entre autres pour la gestion des temps de conduite et de travail ou la surveillance, un peu comme pour les PL. Il faut donc être prêts et l’anticiper », ajoute-t-il.
Comme ses collègues du marché VL, Astrata mise sur l’agrégation des données. Le télématicien a pour ambition de rassembler toutes les données de l’entreprise sans se limiter à la gestion de flotte, en incluant même les chaînes de froid et les flux de messagerie.
« Nous pouvons ainsi intégrer toutes les solutions tierces à la plate-forme, affirme Rakan Nimer. Nos clients disposent alors d’un portail qui récupère toutes leurs données en un seul endroit et les diffuse dans leur logiciel de paie, leur TMS ou autre, en s’épargnant la double, voire la triple saisie. » Astrata travaille également sur les dispositifs d’aide à la conduite (ADAS).
Une ergonomie améliorée
De son côté, TomTom Telematics s’est penché sur la partie cartographie de son interface en améliorant l’affichage des véhicules et en ajoutant étiquettes et couleurs. « Et nous avons diminué le nombre de clics, par exemple pour la planification d’itinéraires qui s’effectue maintenant en cliquant directement sur les points de départ, d’étape et d’arrivée sur la carte. C’est très pratique pour gérer les livraisons », avance la directrice commerciale Annick Renoux. Enfin, TomTom a mis à jour ses cartes suite au passage à 80 km/h. À mesure que les plates-formes se complexifient, le métier du télématicien est de moins en moins centré sur la géolocalisation et s’ouvre à de nouveaux services. Pour donner accès au plus grand nombre d’options sans développer de solutions propriétaires, les prestataires multiplient les partenariats. Et fonctionnent de plus en plus comme des fournisseurs ou des agrégateurs de données.
Des partenariats pour s’interconnecter
« L’accent est mis depuis quelque temps sur la connexion de la plate-forme avec d’autres systèmes informatiques, confirme Amandine Christolhomme, responsable marketing France de Verizon Connect. Plus que de collecter et voir les données, les entreprises ont besoin de les analyser et de les récupérer dans d’autres contextes. Aujourd’hui, l’idée consiste donc à avoir une API (Application Programming Interface) pour remonter les informations dans les autres systèmes informatiques de l’entreprise tels le CRM, le logiciel de comptabilité ou l’ERP. » Un système également mis en place par Arval. L’objectif : échanger facilement les données en interfaçant les outils de gestion.
TomTom Telematics a pour sa part ouvert sa plate-forme Webfleet sur le cloud. Un « Alliance Manager » est chargé des relations avec les éditeurs du client qui disposent d’un kit de connexion avec une clé d’API. « À l’heure actuelle, 350 éditeurs et 500 applications sont interfacés, note Annick Renoux. Les clients peuvent donc personnaliser la plate-forme pour coller à leurs besoins opérationnels. La communication va dans les deux sens et le client peut choisir sa solution maîtresse. » « Demain, notre objectif est de développer des connecteurs métiers pour relier notre plate-forme aux logiciels RH, supply chain, etc., de nos clients et leur éviter de remplir plusieurs fois les mêmes données », abonde Julien Rousseau pour Suivideflotte.net.
Du carburant à l’assurance
Pour sa part, Quartix a développé un système de gestion des cartes carburant connecté à la plate-forme Total GR. « Nous ne nous fions pas – et les récents scandales nous ont donné raison – aux données de l’ordinateur de bord pour la consommation des véhicules. Or, les rapports de Total GR affichent seulement les litres et les euros consommés, et les adresses des stations, sans les rapprocher des kilomètres parcourus, explique Donato Quagliariello. Nous intégrons donc ces données dans la plate-forme via une remontée automatique mensuelle pour calculer la consommation en litres aux 100 km. »
À noter qu’avec l’assurance, les systèmes « Pay as you Drive » peinent à se développer dans l’Hexagone, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni. En cause : « Les primes ne sont pas suffisamment élevées en France », estime Donato Quagliariello.
Chez Ocean, Olivier Picard anticipe aussi une connexion avec les garages pour que le diagnostic soit fait avant l’arrivée du véhicule : « Ce type de service demeure embryonnaire mais nous savons déjà le faire techniquement – pour l’instant seulement sur les solutions aftermarket car il faut un boîtier qui communique avec le réseau. On peut imaginer que cela sera banal dans quelques années, l’idée étant toujours d’immobiliser le moins possible le véhicule. Et ce système pourrait déjà se déployer chez les grands comptes qui possèdent des ateliers intégrés. »
En parallèle, la mode est au développement de services à destination des conducteurs. L’objectif : accroître la transparence pour favoriser l’adoption de la télématique. On peut citer l’application MyMix sortie par Mix Telematics. Arval a aussi créé récemment un portail conducteur dans son application mobile. « Le collaborateur peut y consulter les données qui le concernent tels les services inclus dans son contrat, mais aussi des rapports sur ses trajets qui peuvent servir de justificatifs fiscaux, décrit Karen Brunot, directrice marketing d’Arval France. Nous tenons en effet à ce que le conducteur soit impliqué dans la démarche et en retire des bénéfices à titre personnel. »
Ne pas oublier le conducteur
Pareillement, Axodel a annoncé cette année un partenariat avec l’opérateur de services IoT Synox pour lancer une application mobile orientée conducteur. « Cette application lui permet de visualiser sur son smartphone toutes les évaluations faites par le boîtier embarqué et visibles par le gestionnaire de flotte. Il peut voir tous ses trajets et à quels moments son comportement de conduite lui a valu sa note. Inversement, le conducteur peut indiquer ses trajets personnels via l’application », détaille Samuel Vals, directeur général d’Axodel.
Mais certains vont plus loin pour impliquer le conducteur. Suivideflotte.net prépare pour la rentrée le déploiement d’une application d’assistance à la conduite sur smartphone. Elle avertira le conducteur en temps réel lorsque son comportement n’est pas le bon, avec des alertes visuelles et vocales.
Le smartphone en support
« Ces informations communiquées au conducteur par l’application ne seront pas remontées sur la plate-forme, précise Julien Rousseau pour Suivideflotte.net. Nous considérons que les rapports entre le conducteur et l’application relèvent de la sphère confidentielle de la conduite. Le gestionnaire de flotte saura juste si le conducteur a fait appel ou pas à l’application. Il n’y aura donc pas de peur de la sanction. Nous ne voulons surtout pas perdre l’adoption du conducteur. » Pour sa part, Verizon Connect a parié sur l’Ecobuzzer, un buzzer qui sonne en cas de comportement routier à risque comme un démarrage ou un freinage trop rapides, ou bien un virage serré.
Des applications dont le traitement des données est désormais sévèrement contrôlé à la lumière du règlement général de protection des données (RGPD). « Nous avons amélioré le mode vie privée pour les voitures de fonction et les véhicules de service qui peuvent s’utiliser hors des heures de travail, déclare Donato Quagliariello pour Quartix. La programmation du suivi est plus sophistiquée et le conducteur peut passer en mode vie privée soit via un badge, soit via une application mobile. »
Enfin, pour capter de nouveaux marchés, des acteurs proposent des plates-formes pensées pour répondre aux besoins de secteurs spécialisés. Après Ocean, c’est au tour de Quartix de lancer des rapports spécifiques aux secteurs du bâtiment et du paysage. « Ces secteurs ont des barèmes d’indemnités de trajet et de repas très particuliers, avec des différences régionales, basés sur les règles de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), expose Donato Quagliariello pour Quartix. Ils nécessitent des déclarations sur papier et un calcul basé notamment sur le trajet le plus long effectué dans la journée et la distance par rapport au lieu de travail. » Pour simplifier la tâche des RH, le télématicien a automatisé les calculs grâce aux données de géolocalisation.
La télématique au service de l’autopartage
Parmi les services développés autour des données remontées par la télématique embarquée, les prestataires mettent l’accent sur les fonctionnalités d’autopartage et de gestion des pools. Targa Telematics a créé sa propre solution. « Nous avons automatisé les processus : l’utilisateur réserve la voiture directement sur son téléphone et l’ouvre avec celui-ci, sans RFID ni carte. À l’origine développée pour les loueurs, cette technologie est proposée aux entreprises et collectivités », indique Jad Tabet, directeur France du prestataire.
Axodel a suivi une autre voie : « Nous ne sommes pas un opérateur d’autopartage et n’allons donc pas développer notre propre solution. En revanche, nous validons l’architecture “hardware” du boîtier pour que d’autres acteurs puissent y ajouter une extension destinée à l’autopartage et validée par le constructeur, détaille le directeur général Samuel Vals. Notre objectif est de rendre notre boîtier interopérable avec le plus grand nombre de solutions. Il peut déjà se connecter avec Koolicar, Mobility Tech Green et MovIn’Blue, trois acteurs d’autopartage référencés par le Groupe PSA. »
Vers des services toujours plus spécifiques
Enfin, Ocean vient de lancer Smart Tracking, une offre de géolocalisation des actifs autres que les véhicules, tels les bennes et les containers. « L’idée est de localiser ces objets non alimentés électriquement grâce à des boîtiers autonomes avec batterie dès 5 euros par mois, déclare Olivier Picard. Cette offre s’adresse principalement aux entreprises du bâtiment et de la logistique ; elle peut se relier à notre solution de gestion de flotte, si bien qu’actifs et véhicules s’affichent sur une seule carte. » Une solution aussi mise en avant par Mix Telematics.
Les gestionnaires de flotte n’ont donc pas fini de comparer les solutions existantes pour trouver celle qui correspond le mieux à leurs besoins, quand les prestataires ne leur offriront pas de la fabriquer sur mesure.
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