
Dans les parcs des entreprises françaises, le taux de pénétration de la télématique semble encore loin de celui du reste de l’Europe. Les flottes françaises de VP et de VU restent non seulement moins équipées que leurs voisines européennes, mais leur taux d’équipement aurait même tendance à baisser, selon l’Arval Mobility Observatory (voir l’encadré ci-dessous).
Mais pour les entreprises qui souhaitent exploiter cet outil, la réussite de son installation et son maintien dans le temps reposent le plus souvent sur plusieurs étapes incontournables. Qui toutes ont en commun une démarche solide de communication en amont avec les conducteurs autour...
Dans les parcs des entreprises françaises, le taux de pénétration de la télématique semble encore loin de celui du reste de l’Europe. Les flottes françaises de VP et de VU restent non seulement moins équipées que leurs voisines européennes, mais leur taux d’équipement aurait même tendance à baisser, selon l’Arval Mobility Observatory (voir l’encadré ci-dessous).
Mais pour les entreprises qui souhaitent exploiter cet outil, la réussite de son installation et son maintien dans le temps reposent le plus souvent sur plusieurs étapes incontournables. Qui toutes ont en commun une démarche solide de communication en amont avec les conducteurs autour des implications du futur dispositif.
Expliquer la démarche
« Avant l’activation des boîtiers, nous avons travaillé cinq ou six mois pour rencontrer les délégués du personnel et le comité d’entreprise afin de leur expliquer notre démarche », confirme Constant Charier, directeur de projet pour Charier. Dans cette entreprise de travaux publics, la télématique équipe toute la flotte, soit 500 VL : une centaine de véhicules de service (Clio ou 208), environ 170 véhicules de fonction (de type 308 ou 5008) et des utilitaires (de type Master ou Boxer).
« Il y a quelques années, nous avons lancé le projet ‘‘matériels connectés’’ via les dispositifs embarqués des différents constructeurs, que nous agrégeons sur une plate-forme en interne », rappelle Constant Charier. La démarche, qui couvre alors les engins et poids lourds, a un double objectif : suivre l’état mécanique des véhicules afin d’en anticiper les entretiens, et connaître les consommations de carburant pour envisager des pistes d’économie. La télématique s’est généralisée il y a deux ans aux VL avec la solution du télématicien WeNow, destinée à améliorer les comportements de conduite.
Le travail d’information et d’explication en amont a aussi été important pour la réussite de l’installation de la télématique au sein de l’Infrapole SNCF de Vendôme, en charge de l’entretien d’une partie de la ligne LGV Atlantique. Dans ce parc de plus de cent véhicules, cette implantation a été portée par le directeur d’établissement, Philippe Rannou (voir le reportage).
Connaître la législation
« Ce type de dispositif n’est pas développé à l’échelle nationale pour les véhicules de la SNCF. Il a donc fallu nous pencher sur l’aspect législatif, ce que la Cnil exigeait, et analyser quels étaient les risques pour l’employeur. Mais nous avons aussi dû prendre le temps d’expliquer au personnel pourquoi nous installions le dispositif et comment nous allions procéder », relate Philippe Rannou.
Le prestataire choisi par la SNCF, suivideflotte.net, a entre autres participé à l’information à destination du directeur et des cadres concernés par la mise en place de l’outil : « Parmi les personnes en charge du projet, il y a eu le correspondant sécurité de l’entreprise et le gestionnaire de la flotte. Ils ont toujours été en contact avec les spécialistes du prestataire pour le déploiement de l’outil, la relation avec la Cnil ou les réunions avec notre service juridique. C’est un projet que nous avons mené collectivement », expose Philippe Rannou. Grâce à l’implication des différents cadres, la communication auprès des agents a ensuite été plus facile. « J’ai bénéficié d’un dialogue social aisé à l’intérieur de mon établissement, se félicite ce dirigeant. Et mon CHSCT était plutôt porteur, il a été un relais efficace. »
Des étapes à respecter
Autre gage de réussite de cette installation, celle-ci s’est faite par étapes, de la mi-2016 jusqu’à fin 2017. Un moyen de familiariser pas à pas les personnels à son utilisation. « Nous avons commencé par quatre ou cinq voitures prises au hasard. Ensuite, nous avons pris un “pack“ de dix voitures, puis vingt puis trente. Toutes les équiper de la première à la dernière nous a pris 18 mois », note Philippe Rannou.
Dans les entreprises qui souhaitent généraliser la télématique, une autre clé de la réussite reste le respect de la confidentialité des données collectées, conformément aux indications du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
« Onze personnes en interne ont accès aux données issues de la télématique », souligne Philippe Rannou. Et elles sont tenues à la confidentialité par une charte, conformément aux exigences de la Cnil. Parmi ces personnes, des cadres dirigeants de l’unité et un représentant du personnel : « Il a pour rôle de vérifier que personne ne regarde de façon “trop intensive“ les résultats », reprend Philippe Rannou. Accèdent pareillement aux données des membres de la cellule de crise qui gèrent les astreintes de nuit.
Surveiller l’utilisation de l’outil
Conformément au RGPD, les conducteurs peuvent aussi suspendre la remontée des données dans le cadre de leur utilisation privée des véhicules, grâce à un bouton prévu à cet effet. « Au début, ce bouton était souvent activé, se remémore Philippe Rannou. Ce n’était pas intentionnel : des conducteurs oubliaient de le remettre en mode actif. Maintenant, c’est plutôt le contraire. » Un indice de l’appropriation du dispositif par les agents, estime ce responsable.
Mais le respect de la vie privée ne se limite pas qu’à la remontée d’informations sur la localisation des véhicules. Il s’étend aussi aux informations sur le comportement de conduite.
Dans l’entreprise de travaux publics Charier, qui mise sur les challenges d’éco-conduite entre les salariés, l’application donne à ces derniers un score de conduite et leur classement par rapport aux autres conducteurs, avec des indications pour s’améliorer. Mais ces données restent confidentielles : « En tant qu’administrateur, je n’ai aucune visibilité sur les résultats de chacun », précise Constant Charier. Et quand des classements sont établis lors des challenges, ils concernent les agences et non les conducteurs. « Nous nommons le maillot jaune et le maillot à pois. Le maillot jaune récompense la meilleure entité sur l’année et le maillot à pois la meilleure progression », décrit Constant Charier (voir aussi l’article et le témoignage).
Respecter la confidentialité
Ce fonctionnement permet aussi de ne pas stigmatiser tel ou tel pour sa conduite. Et si l’outil est respectueux de la confidentialité des données de chacun, Constant Charier s’assure néanmoins que tous les conducteurs suivent leurs performances régulièrement via l’application. « Je n’ai aucun moyen de le vérifier, reconnaît-il, mais je constate que les collègues parlent de leurs résultats entre eux autour du café le matin. Ils comparent leurs notes et leur classement. »
Outre la communication avec les salariés et le respect de la confidentialité des données, un autre impératif doit être pris en compte pour mener à bien un projet de télématique : le traitement efficace des données obtenues. Informations sur la géolocalisation, données multiples sur la conduite, la consommation ou l’état mécanique des véhicules : difficile de faire le tri dans l’afflux de ces informations et d’en extraire les plus pertinentes pour piloter la flotte.
Pour traiter ces données, Thierry Butlewski, directeur de Chabé, fonctionne avec méthode en s’appuyant sur les outils dont il dispose. Société familiale de transport de luxe de personnes avec chauffeur, Chabé compte environ 440 véhicules, en LLD et crédit-bail, avec trois types de clientèles : les palaces parisiens, de province et l’événementiel : « Nous travaillons avec LVMH ou Chanel pour les Fashion Weeks, ou pour Roland-Garros, illustre Thierry Butlewski, et nous avons des clients institutionnels comme le ministère des affaires étrangères. Nous avons par exemple transporté les délégations gouvernementales lors du G7 à Biarritz. »
Remonter les données…
Pour Chabé, localiser les véhicules est indispensable : « Nous devons connaître en permanence leurs positions, explique Thierry Butlewski. Pour les clients des palaces comme avec la clientèle institutionnelle, nous attribuons des voitures avec un chauffeur et nous prévoyons un véhicule de remplacement. Avec l’outil télématique de Masternaut, nous savons où se trouve ce véhicule si besoin et nous pouvons réagir en conséquence. »
Pour le suivi des comportements de conduite, la télématique se montre également importante pour l’activité de Chabé, apparentée à une activité de VTC par les assureurs. Et ces derniers suivent de très près la sinistralité des flottes (voir aussi le témoignage). Le mode de fonctionnement de Chabé donne à l’outil télématique un rôle central et implique d’optimiser les remontées d’informations. « Comme tout outil informatique, il faut savoir bien l’intégrer dans le fonctionnement de la société », avertit Thierry Butlewski.
… mais pas toutes
Ce responsable fait d’ailleurs appel à plusieurs outils. « À côté de la télématique avec Masternaut, nous exploitons un système de gestion de flotte pour les contrats, les contrôles techniques ou l’entretien. Et pour notre parc Mercedes, Daimler propose des remontées d’informations avec des fonctionnalités redondantes avec celles de Masternaut », détaille Thierry Butlewski. La question se pose de savoir quel dispositif retenir et quelles informations exploiter en priorité. Pour faire un choix, l’outil de Masternaut, installé par l’entreprise avant l’arrivée de Thierry Butlewski, va être dans un premier temps employé de manière plus opérationnelle qu’il ne l’a été jusqu’ici.
Afin de ne pas être « noyé » sous les informations, Thierry Butlewki procède pas à pas : « Aujourd’hui, notre travail consiste à choisir les bons indicateurs qui peuvent se suivre facilement et qui ont un sens, entre autres pour améliorer les comportements de conduite », avance-t-il. Pour l’instant, sur cette question des comportements de conduite, le responsable recourt aux alertes formatées par le dispositif, qui lui sont notifiées par e-mail. Des extractions sont aussi réalisées régulièrement, « sur les freinages, les accélérations brusques mais aussi les moteurs qui tournent à l’arrêt », énumère Thierry Butlewki.
Des cas particuliers
C’est notamment en collaborant avec Masternaut que ce responsable souhaite aller plus loin dans l’exploitation des données pertinentes : « Pour adapter la solution à notre cas particulier, nous voulons bénéficier de la connaissance du sujet par Masternaut par rapport à ses autres expériences avec des clients similaires. » Le but de cette collaboration sera aussi de mieux intégrer les remontées d’informations du dispositif dans le système informatique propre à l’entreprise. Ce qui permettra aux personnels compétents des consultations plus fréquentes : « Nous sommes sur une fréquence trimestrielle mais nous allons passer sur une base mensuelle courant 2020 », anticipe Thierry Butlewski. Car respecter les étapes nécessaires à l’installation de la télématique demande du temps, une autre variable incontournable de la réussite de ce projet.
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