Sujet à la mode, la voiture connectée fait l’objet de nombreuses études. Réalisée par PwC Strategy&, la dernière estime que les applications liées à la gestion de la mobilité généreront un chiffre d’affaires de 5,61 milliards d’euros en 2021 contre 4,39 milliards en 2016. Quant à la gestion du véhicule, son activité devrait passer de 3,56 à 7,10 milliards d’euros de 2016 à 2021.
Selon Emmanuel Mouton, président de Synox Group dont la filiale So Fleet s’est spécialisée dans le véhicule connecté, « chaque jour dans le monde, près de 20 000 nouveaux modèles sont équipés de systèmes télématiques ». À l’entendre, ce marché croît de 30 % par an.
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Sujet à la mode, la voiture connectée fait l’objet de nombreuses études. Réalisée par PwC Strategy&, la dernière estime que les applications liées à la gestion de la mobilité généreront un chiffre d’affaires de 5,61 milliards d’euros en 2021 contre 4,39 milliards en 2016. Quant à la gestion du véhicule, son activité devrait passer de 3,56 à 7,10 milliards d’euros de 2016 à 2021.
Selon Emmanuel Mouton, président de Synox Group dont la filiale So Fleet s’est spécialisée dans le véhicule connecté, « chaque jour dans le monde, près de 20 000 nouveaux modèles sont équipés de systèmes télématiques ». À l’entendre, ce marché croît de 30 % par an.
Les constructeurs à la manoeuvre
La voiture connectée semble bel et bien promise à un avenir en rose. Et dans ce panorama, la télématique telle qu’elle est employée par les entreprises depuis les années 1990 connaît de profonds bouleversements. Les acteurs traditionnels se livrent à une véritable bataille pour atteindre une taille critique qui leur permettra de négocier avec les constructeurs automobiles. Au cours des deux dernières années, ces derniers ont en effet lancé leurs propres solutions et comptent bien s’adjuger ce marché. Sans oublier que les loueurs s’y mettent aussi pour capter les revenus de cette activité.
L’arrivée de l’eCall devrait également faire bouger les lignes. Obligatoire sur les véhicules neufs commercialisés en Europe à partir d’avril 2018, cet appel d’urgence géolocalisé obligera les constructeurs à équiper leurs véhicules de boîtiers en première monte. Dès lors, rien ne les empêchera de commercialiser des services de gestion de flotte à distance et de venir concurrencer les acteurs installés sur ce marché depuis de longues années.
En France, dès le premier semestre 2014, PSA a été le premier constructeur à proposer une offre de télématique aux entreprises. Baptisée Peugeot Connect Fleet Management et Citroën Active Fleet Data selon les marques du groupe, cette prestation s’appuie sur les boîtiers embarqués utilisés pour l’appel d’urgence géolocalisé.
PSA et Renault dans les starting-blocks
Peugeot précise que sa solution accède aux données circulant sur le Can Bus du véhicule et se veut donc plus précise que les systèmes branchés sur la prise OBD. Renault n’a pas attendu longtemps pour répliquer et a lancé Pro+Board fin 2014. Avec un loyer de 8 euros HT par mois sans le coût du boîtier. Mais tous les véhicules de la gamme Business disposent déjà d’un boîtier, ainsi que ceux proposés avec la tablette R-Link, soit la totalité d’entre eux à terme.
Les différentes fonctionnalités de Pro+Board s’articulent autour de trois grands thèmes : mobilité durable (consommation, taux de CO2, etc.), gestion quotidienne (kilométrage, adéquation avec les contrats de location longue durée, activité, etc.) et enfin alertes de sécurité (entretien, niveau d’huile, usure des freins, déclenchement des aides à la conduite, etc.).
D’autres constructeurs proposent depuis de nombreuses années des services télématiques aux particuliers comme aux entreprises. C’est le cas de BMW ou d’Opel avec son offre OnStar commercialisée en France depuis ce premier semestre. Mais, à ce jour, les fonctionnalités se limitent à de l’info-divertissement, à l’appel de secours géolocalisé, à la récupération des véhicules après le vol, aux alertes mécaniques ou encore à l’accès à une plate-forme téléphonique pour réserver une chambre d’hôtel ou un restaurant.
Dans le sillage des constructeurs français, le loueur longue durée Arval a lui aussi lancé sa solution en juin dernier. Sous le nom d’Arval Active Link, elle est facturée 3 euros par mois et par véhicule, et complétée par trois options à 2 euros chacune : Active Journey pour l’analyse détaillée des trajets, Active Routing pour la géolocalisation en temps réel et Active Sharing pour gérer des véhicules en autopartage.
Arval casse les prix de la télématique
Pour proposer ce tarif, Arval prend à sa charge une partie des frais, la télématique le conduisant à réaliser des gains sur ses propres processus. À l’horizon 2020, le loueur espère avoir équipé l’ensemble de sa flotte.
Avant l’arrivée de ces offres, les spécialistes se disputaient le marché. Masternaut, l’un des leaders, revendique 290 000 véhicules équipés. Entre 2014 et 2015, ce volume a progressé de 5 %. « Nous sommes davantage dans une logique de rentabilité que de chasse à l’abonné, précise Nicolas Brequiny, directeur marketing pour la France. Le marché n’explose pas mais connaît une croissance de 10 à 15 % par an. » Pour se différencier des autres acteurs, Masternaut met en avant sa technologie Muxy Fleet, un système de pinces pour lire les informations du Can Bus sans être en contact avec lui. À l’heure où règne une certaine incertitude sur les consommations réelles, Masternaut garantit l’exactitude de ses informations. Et avec Muxy Fleet, Masternaut reste indépendant vis-à-vis des technologies des constructeurs et des loueurs.
« Nous avons été racheté il y a un an et demi par FleetCor Technologies, spécialiste mondial des cartes carburant, explique Nicolas Brequiny. Nous proposons des services à haute valeur ajoutée qui nous apparentent à des consultants en gestion de mobilité. Ce n’est pas l’approche des constructeurs. Nous pourrons difficilement les concurrencer sur des offres basiques à 4 euros par mois. En revanche, nous sommes en discussion avec eux en tant qu’agrégateur des données issues de leurs boîtiers à notre plate-forme », argumente le responsable.
Des consultants et des agrégateurs de données
Et contrairement aux loueurs longue durée, Masternaut met aussi en avant sa capacité à intégrer les informations aux systèmes informatiques des entreprises. « La vente des boîtiers pèse encore dans notre modèle économique, mais d’ici deux à trois ans, nous serons devenus des consultants. L’eCall va accélérer l’équipement des véhicules en boîtiers. Nous nous concentrerons sur le service », poursuit Nicolas Brequiny.
Selon les experts, le marché s’est développé ces deux dernières années grâce à l’intérêt des entreprises spécialistes des interventions sur site et des dépannages. La télématique équipe alors les véhicules des techniciens pour réduire les distances parcourues et les délais d’intervention. Les clients concernés sont majoritairement à la tête de flottes de 10 à 20 véhicules.
« Les demandes des grands comptes portent davantage sur l’éco-conduite et l’organisation du travail », souligne Serge Lardy, directeur commercial de Masternaut France. Les grandes entreprises se heurtent aux réticences des représentants du personnel sur les fonctionnalités de géolocalisation. Pour contourner ces freins sociaux, elles développent la télématique autour de l’éco-conduite sans localiser leurs collaborateurs.
Parallèlement, la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) a élargi la liste des motifs légitimes de la géolocalisation au contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par l’entreprise. Et ouvre le marché aux employés qui ont la liberté d’organiser leurs déplacements comme les visiteurs médicaux, les VRP, etc.
Préserver la vie privée des collaborateurs
De plus, la Cnil réaffirme la nécessité de pouvoir désactiver le système embarqué en dehors des heures de travail pour préserver la vie privée. Ce dernier avis a conduit les spécialistes à créer un bouton vie privée pour bloquer la géolocalisation. Masternaut a par exemple développé une fonctionnalité spécifique pour continuer à enregistrer les kilomètres parcourus sans localiser le véhicule, et ainsi calculer l’avantage en nature.
Entité du groupe Traqueur, Fleet Technology revendique 76 000 véhicules équipés. Pour ces dirigeants, après les contrats signés avec de grandes entreprises au cours des deux dernières années, le marché stagne. « Avec des organisations plus larges, le déploiement se heurte à des problématiques plus complexes et prend davantage de temps », constate ainsi Marc Verdet, président de Traqueur et de Fleet Technology.
Autre phénomène, alors que les constructeurs automobiles et les entreprises étaient réticents à l’idée que des fournisseurs indépendants se connectent aux prises OBD de leurs véhicules, ce frein est levé. « Désormais, il devient idiot de mettre un boîtier sur des véhicules déjà équipés, continue Marc Verdet. Il faut intégrer les applicatifs d’un constructeur à son système et restituer les données au client dans le même format que pour les autres constructeurs. » Fleet Technology est déjà référencé chez Peugeot et devrait l’être d’ici peu chez Citroën.
Pour Fleet Technology, les constructeurs peuvent proposer des prix très attractifs en matière de gestion de flotte car les véhicules sont déjà équipés de boîtiers utilisés pour d’autres fonctionnalités. Quoi qu’il en soit, ces tarifs agressifs poussent les prix vers le bas. Mais Marc Verdet fait valoir qu’aucune flotte n’est monomarque.
Des intégrateurs pour les parcs multimarques
« Les entreprises doivent s’adresser à un intégrateur pour gérer des parcs multimarques, observe Marc Verdet. Or peu d’acteurs de la télématique peuvent nouer des partenariats avec les constructeurs. Il faut disposer d’une connaissance approfondie de la sécurité, jouer un rôle à part entière et apporter une dimension internationale. Les constructeurs ne noueront pas d’accords avec l’ensemble des acteurs de la télématique. Ils vont limiter leur nombre. Pour survivre, il faudra avoir franchi une barrière et posséder une taille suffisante pour traiter des phénomènes de plus en plus complexes », détaille ainsi le responsable.
Pour atteindre une taille critique, des prestataires n’hésitent pas racheter les concurrents. Il y a deux ou trois ans, le marché était disputé par 50 à 60 acteurs. Aujourd’hui, la concentration s’accélère. En décembre 2014, TomTom Telematics, la filiale du fabricant néerlandais de GPS, a pris le contrôle de Fleetlogic, premier fournisseur aux Pays-Bas.
En 2014, le groupe ABcom s’est constitué un trésor de guerre en rachetant coup sur coup quatre acteurs (Sedimap, S@mobility, Car Telematics et ITC) qui opèrent maintenant sous le nom de Locster. De son côté, Fleetmatics, le leader mondial, a racheté le français Ornicar en février dernier. Dernière opération en date, Thermo King, fabricant de solutions de contrôle de la température, a absorbé Celtrack, implanté dans trente pays à travers le monde.
La concentration du marché est en route
Face à ces prestataires installés, start-up et nouveaux acteurs essaient de tirer leur épingle du jeu. C’est le cas d’Ellis-Car, d’Eliocity, de MyCar Innovation, de 3A Mobilité ou encore de Lostnfound. « Certaines startup apportent un regard neuf avec des interfaces conducteurs particulièrement intéressantes, reconnaît Marc Verdet, pour Fleet Technology. Les acteurs venus du numérique amènent une autre vision qu’il convient de surveiller. »
Sur le marché français, Orange Business Services s’est porté acquéreur du français Océan en avril dernier. Les 45 000 véhicules et 2 000 clients d’Océan sont ainsi réunis à l’activité fleet management d’Orange Business Services qui compte 60 000 véhicules équipés. La nouvelle entité, qui rassemble 110 personnes, est placée sous la direction de Jacques Rivière, ancien président d’Océan.
« Même si Océan occupait une position forte en France, l’entreprise avait besoin de se renforcer à l’international, explique le dirigeant. Ce rachat s’inscrit dans la logique de consolidation du marché. Au sein d’Orange, nous bénéficions d’une taille et d’une capacité suffisantes pour nous poser les bonnes questions face à la concurrence des constructeurs, des loueurs longue durée et des nouveaux acteurs. Pour sa part, Orange bénéficie de la version 3 de notre plate-forme informatique. »
À la tête de 105 000 véhicules, cette alliance figure dans les premiers européens avec des positions solides en France. Pour Océan et Orange, la progression est forte sur le segment des TPE et PME avec + 75 %, les grands comptes connaissant une croissance inférieure à 10 %.
Outre une refonte de son offre GéoPro pour rendre les informations plus lisibles, Orange-Océan a lancé une solution d’autopartage en septembre et dévoile actuellement une offre spécifique pour les collectivités territoriales. Et l’ensemble des fonctionnalités d’Orange est en train de migrer sur la plate-forme Géo- Pro pour que les clients puissent bénéficier du meilleur des deux partenaires.
Orange et Océan : l’union fait la force
Comme l’ensemble des acteurs, Océan et Orange Business Services assistent à un éclatement du marché de la télématique. De la technologie embarquée à la restitution des informations en passant par leur collecte, leur stockage, leur transformation et leur mise en forme, les domaines d’intervention restent larges. Dans l’avenir, prestataires acteurs se partageront le bénéfice final. Le marché devient protéiforme et chacun devra se positionner sur l’un ou l’autre maillon de la chaîne de valeur en partenariat ou en concurrence avec les autres acteurs.
La CNIL recadre la géolocalisation
Avec la norme simplifiée n° 51, la Cnil a récemment précisé l’usage de la géolocalisation dans une délibération publiée au JO. En apportant une autre finalité à la géolocalisation : le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule, qui est venu s’ajouter à des motifs comme la sécurité ou la gestion des urgences. La Cnil a aussi mis en avant la possibilité pour les salariés de couper le système hors du temps de travail. Tout en spécifiant que « Le responsable au sein de l’entreprise sera en droit de demander des explications au conducteur en cas de désactivations trop fréquentes ou trop longues sur son temps de travail ». Enfin, dernier point mis en avant par la Cnil dans sa délibération : les entreprises ont douze mois pour s’équiper du système permettant de ne pas collecter les données de géolocalisation hors du temps de travail.
Télématique embarquée - La nouvelle donne du marché
- Télématique embarquée – La nouvelle donne du marché
- Témoignage : Jean-Luc Celotto, responsable de flotte, Dalkia