
Si l’intérêt de la télématique ne semble plus à démontrer, le taux de pénétration des systèmes embarqués reste bas dans les entreprises françaises par rapport à leurs consœurs européennes. Selon une étude de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE, Arval), ce taux s’élève à 14 % dans l’Hexagone contre 19 % en moyenne en Europe (voir l’encadré ci-dessous). « Il reste des freins en France, relatifs à la nouveauté : la crainte de la réaction des conducteurs et les questionnements quant à la finalité de l’usage des données », commente Karen Brunot, directrice marketing d’Arval France. Mais ce taux grimpe à 19 % dans les plus grandes entreprises...
Si l’intérêt de la télématique ne semble plus à démontrer, le taux de pénétration des systèmes embarqués reste bas dans les entreprises françaises par rapport à leurs consœurs européennes. Selon une étude de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE, Arval), ce taux s’élève à 14 % dans l’Hexagone contre 19 % en moyenne en Europe (voir l’encadré ci-dessous). « Il reste des freins en France, relatifs à la nouveauté : la crainte de la réaction des conducteurs et les questionnements quant à la finalité de l’usage des données », commente Karen Brunot, directrice marketing d’Arval France. Mais ce taux grimpe à 19 % dans les plus grandes entreprises françaises. Ce sont elles en effet qui ont le plus grand intérêt à automatiser cette remontée d’informations.
Rationaliser les déplacements
Mais alors que les télématiciens cherchent à réduire leurs coûts et que les constructeurs équipent leurs modèles de boîtiers en première monte (voir notre article), le déploiement d’une solution télématique s’en trouve facilité et de plus petites structures pourraient se laisser tenter. C’est vrai des secteurs du transport et du BTP pour qui la télématique est devenue un outil tant pour la gestion de l’activité que pour celle des véhicules. À la clé : la possibilité de rationaliser les trajets grâce à la géolocalisation.
« Pour notre activité, ce système était évident. Avec 7 000 km parcourus par mois et par agent, le carburant figure dans le top 10 de nos charges. Nous avions donc besoin d’une solution pour optimiser les tournées », souligne Céline Commeureuc, directrice logistique de La Collecte Médicale, spécialiste de la collecte des déchets d’activités de soins à risques infectieux (voir le témoignage).
APF Entreprises France Handicap – Vosges se sert aussi de la télématique pour optimiser les tournées des 150 véhicules destinés aux activités de transport : « Avec cinq ans d’utilisation sur nos véhicules, j’ai de nombreux points d’intérêt enregistrés pour définir les meilleurs tracés et donc réaliser des économies de carburant », expose Adrien Fombaron, responsable QSE de ce réseau national d’entreprises adaptées et d’établissements et services d’aide par le travail (voir le témoignage). Plus rare, JG Électricité, spécialiste des installations électriques, a équipé ses cinq VUL pour gérer son personnel et les déplacements sur les chantiers (voir le témoignage).
Mais au-delà des tournées, c’est l’ensemble des trajets qui peuvent mieux s’organiser. « Les conducteurs ont pris conscience que leurs trajets pouvaient être suivis avec un retour sur les deux derniers mois, ils les ont donc optimisés petit à petit », remarque Benoît Rousseau, responsable informatique de Maisons Socoren. La soixantaine de véhicules de ce constructeur de maisons individuelles sont géolocalisés et 50 % sont conduits par des commerciaux (voir le témoignage).
Renforcer le suivi technique des véhicules
Remonter des données en temps réel contribue aussi à renforcer le suivi technique des véhicules. Depuis cette année, le Groupe Eurofeu fait installer en première monte sur tous ses nouveaux véhicules des boîtiers connectés au bus CAN. « Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’alertes dans le système de gestion de flotte, basées sur les informations entrées manuellement », décrit Alain Motz, secrétaire général de ce spécialiste de la sécurité incendie (voir le témoignage).
Chez La Collecte Médicale, c’est une connexion à la prise OBD (On-Board Diagnostic) du véhicule qui remonte les informations utilisées pour les alertes. « Comme nous avons de nombreux agents à distance, nous sommes ainsi au courant de tous les entretiens à prévoir. Le système prend en compte la marque et le modèle : les camions sont donc mieux suivis et nous avons beaucoup moins de pannes. Or, une panne, c’est une tournée qui reste sur le carreau avec vingt clients à reprogrammer et une perte pour l’entreprise », explique Céline Commeureuc.
Là encore, avec leurs entretiens plus rapprochés, les flottes de transport sont pionnières : « Nous sommes soumis à un contrôle technique annuel et à des contrôles périodiques entre autres pour les appareils de levage. De plus, les entretiens traditionnels tels les vidanges ou le changement des pneus reviennent vite, presque tous les ans pour certains véhicules, précise Adrien Fombaron d’APF Entreprises – Vosges. J’ai donc des alertes personnalisables pour tous les entretiens mesurables en temps et en kilomètres. »
Des atouts et des limites
La télématique est aussi pratique pour des structures organisées en pôles décentralisés. « Nous suivons les entretiens avec des données plus fines et une gestion facilitée pour notre garage », confirme Frédéric Forsans, responsable des achats de l’établissement public de santé (EPS) de Ville-Évrard, dont les unités de soins se répartissent en Seine-Saint-Denis (voir le témoignage).
Pour APF Entreprises – Vosges, Adrien Fombaron regrette toutefois de ne pas disposer d’un historique de maintenance de chaque véhicule, « une fonctionnalité qui existait mais qui a disparu depuis. Je ne peux contacter les chauffeurs que par e-mail, or certains y sont encore réfractaires. Je souhaiterais pouvoir les alerter sur leur téléphone portable », regrette-t-il pareillement.
Pour le Groupe Eurofeu, Alain Motz déplore des limitations des outils de suivi technique qui pourraient éviter des déperditions : « Les témoins d’usure des pneus n’existent que sur les gammes supérieures, alors que ce système me semble essentiel pour la sécurité des VU, indique-t-il. Actuellement, nous ne pouvons anticiper les changements de pneus, cela dépend du bon vouloir du conducteur. »
Des données pour une conduite plus apaisée
La télématique aide aussi à établir un suivi des comportements de conduite. « Même si ce n’était pas l’objectif principal au début, la télématique nous fournit des scores d’éco-conduite. Nous nous rapprochons ensuite des conducteurs qui ont régulièrement des comportements non vertueux pour les sensibiliser et donc diminuer les frais de restitution. Potentiellement, nous pourrons par la suite prévoir des formations d’éco-conduite, lorsque nous aurons mené une analyse assez fine des données », anticipe Frédéric Forsans pour l’EPS de Ville-Évrard.
Le Groupe Eurofeu compte aussi se mettre à l’éco-conduite, mais pour limiter la consommation de carburant. « Les motorisations récentes sont très économes, à l’image du dernier Trafic de Renault. Réduire la consommation relève donc maintenant de la responsabilité du conducteur via l’éco-conduite, et de la maîtrise des informations du véhicule remontées sur son smartphone », avance Alain Motz. Alain Motz planche depuis quelques années sur ce projet. Seul problème : « Nous n’avions pas d’informations immédiates pour sensibiliser le collaborateur à sa conduite, seulement des informations remontées en fin de mois et pas assez fiables. Mais c’est chose faite avec les nouveaux boîtiers. Dès qu’ils seront déployés sur tous les véhicules, nous allons définir des indicateurs, telle la consommation moyenne de chaque véhicule, avec pour objectif de créer des incentives et des concours. »
Pour La Collecte Médicale, Céline Commeureuc envisage aussi un système de primes : « Une formation d’éco-conduite sera lancée en 2019 pour entrer dans le label Objectif CO2. Dans ce cadre, nous voulons créer un tableau d’honneur. Chaque chauffeur aura un code personnel à entrer dans son camion le matin afin de remonter ses données de conduite. L’intérêt : fidéliser et garder nos agents de collecte dans un objectif de service client. Et cela reste intéressant bien que nous reversions entièrement aux agents ce que l’on peut gagner sur le carburant. »
La France encore rétive à la télématique
Selon une étude de l’Observatoire du véhicule d’entreprise (OVE, Arval) menée auprès de 3 313 gestionnaires de parc dans 12 pays européens, 19 % des entreprises ont en moyenne déjà mis en œuvre des solutions télématiques. Ce chiffre varie selon le nombre d’employés et la taille de la flotte : il grimpe à 30 % pour les plus grandes entreprises et descend à 8 % dans les sociétés avec moins de 10 employés. De même, seules 10 % des flottes de moins de 10 véhicules sont équipées, contre 37 % des flottes de 50 véhicules et plus.
Si la géolocalisation n’est plus qu’une option parmi d’autres, elle reste la première raison du recours à la télématique (74 % des cas), suivie de près par l’optimisation des tournées (61 %) et l’amélioration de la sécurité routière (60 %). La réduction des coûts de la flotte n’arrive qu’en quatrième position (59 %).
Dans ce contexte, la France reste à la traîne, avec seulement 14 % des entreprises qui ont déployé la télématique, loin derrière le Royaume-Uni (33 %), la Pologne (28 %) et les Pays-Bas (28 %). Seules 9 % des entreprises de moins de 100 salariés et 19 % des entreprises de plus de 100 salariés sont équipées en France, contre respectivement 11 % et 28 % en moyenne en Europe.
Faire reculer la sinistralité
Remonter les données de conduite peut enfin servir à diminuer la sinistralité. « Les accidents sont surtout liés aux conditions climatiques et aux autres utilisateurs. Néanmoins, la télématique aide à sensibiliser les chauffeurs qui font plus attention, notamment aux limitations de vitesse. J’ai déjà eu quelques records de vitesse et les chauffeurs concernés ont eu un entretien pour les sensibiliser à la sécurité routière », relate Adrien Fombaron pour APF Entreprises – Vosges.
Et là encore, la baisse des coûts est à la clé. Les boîtiers télématiques de la mairie de Joué-lès-Tours (37) s’équipent d’un système de reconnaissance par badge, la majorité des véhicules étant multiconducteurs. « Avec ce système, nous pourrons identifier et sensibiliser les conducteurs les plus accidentogènes ou les plus énergivores, anticipe le responsable de parc Laurent Blais. La majorité des sinistres découlent de petits accrochages et de manœuvres malhabiles, mais cela finit par coûter relativement cher car les véhicules ne sont pas toujours assurés tous risques, et cela se reporte de toute façon sur la police d’assurance » (voir le témoignage).
La télématique embarquée peut aussi avoir des effets positifs pendant la conduite : « Nous pouvons envoyer des messages aux chauffeurs en cours de tournée directement sur la tablette, sous forme vocale, ce qui est aussi un plus pour la sécurité routière, note Céline Commeureuc. Et les tournées sont calculées en fonction des limitations de vitesse pour s’assurer que les chauffeurs auront le temps de les effectuer entre l’heure d’ouverture du premier client et l’heure de fermeture du dernier. »
Après le sinistre, la télématique rend aussi service face aux assureurs. « En cas d’accident, et nous en avons pas mal, la télématique permet de prouver à l’assurance que le véhicule a bien été employé dans un contexte professionnel, reprend Adrien Fombaron pour APF Entreprises – Vosges. Nous avons été confrontés à une accusation de délit de fuite suite à une collision et la géolocalisation nous a aidés à démontrer qu’aucun de nos véhicules n’était en cause et que l’accident était du fait d’une autre entreprise au logo semblable au nôtre. »
Impliquer aussi les conducteurs
Un point confirmé par les prestataires : « Si les conducteurs savent que les frais d’assurance sont reliés à leur comportement de conduite et à l’usage du véhicule, cela a un véritable impact sur la sinistralité, affirme Jad Tabet, directeur France du prestataire Targa Telematics. L’une des flottes que nous avons équipées a observé un recul de 18 % de sa sinistralité la première année, puis de près de 30 % en deux ans, avant une stabilisation. » Mais attention, certains boîtiers sont éteints à l’arrêt, alors qu’ils peuvent servir à démontrer l’absence de responsabilité du conducteur en cas d’accrochage ou de collision. La preuve que les potentialités des outils de télématique ne sont pas encore pleinement exploitées.
Dossier - Télématique embarquée : quel outil pour les flottes ?
- Télématique embarquée : un outil à tout faire
- Adrien Fombaron, APF Entreprises France Handicap – Vosges : « Je ne me passerais plus de la télématique »
- Benoît Rousseau, Maisons Socoren : « Mettre en place la connexion avec le CRM »
- Outils de gestion : une gestion embarquée
- Frédéric Forsans, établissement public de santé de Ville-Évrard : « Des données fiables sur l’utilisation des véhicules »
- Alain Motz, Groupe Eurofeu : « La télématique pour maîtriser les coûts de carburant »
- Véhicules connectés : vers la fin des boîtiers aftermarket ?
- Télématiciens : les données dans le viseur
- Laurent Blais, mairie de Joué-lès-Tours (37) : « Adapter la flotte aux besoins »
- Céline Commeureuc, La Collecte Médicale : « Rapprocher les données entre le réel et l’objectif »
- Jérémy Ghienne, JG Électricité : « La télématique pour le suivi de chantier »