
Données fiscales, dates d’entretien, lois de roulage, etc. : la liste des informations à traiter pour gérer une flotte est déjà longue. Ajout le plus récent : les données de la télématique embarquée. Longtemps cantonnées à la géolocalisation, ces dernières intéressaient jusqu’ici prioritairement les entreprises soucieuses d’organiser leurs tournées d’intervention ou de livraison.
Mais les sociétés qui souhaitaient les employer pour garder un œil sur l’usage fait de leurs véhicules s’en sont le plus souvent détournées, face à la résistance de leurs salariés ou de leurs représentants soucieux d’éviter le « flicage » des déplacements.
Toutefois,...
Données fiscales, dates d’entretien, lois de roulage, etc. : la liste des informations à traiter pour gérer une flotte est déjà longue. Ajout le plus récent : les données de la télématique embarquée. Longtemps cantonnées à la géolocalisation, ces dernières intéressaient jusqu’ici prioritairement les entreprises soucieuses d’organiser leurs tournées d’intervention ou de livraison.
Mais les sociétés qui souhaitaient les employer pour garder un œil sur l’usage fait de leurs véhicules s’en sont le plus souvent détournées, face à la résistance de leurs salariés ou de leurs représentants soucieux d’éviter le « flicage » des déplacements.
Toutefois, cette situation évolue. Avec des informations sur des éléments aussi variés que le comportement de conduite ou la pression des pneus, la télématique embarquée ne se cantonne plus à l’organisation des trajets mais concerne plus largement la gestion du parc dans sa globalité. Les entreprises qui faisaient prioritairement appel à cet outil pour organiser leurs tournées l’ont bien compris.
Du suivi des tournées au comportement
Chez Linet, spécialiste de la location de lits et de mobilier pour les hôpitaux, la solution télématique du prestataire Suivideflotte.net a été intégrée en 2015 pour les 45 utilitaires Transporter Volkswagen. L’intérêt était alors surtout d’améliorer l’efficience des tournées et de contrôler les horaires de travail. « Nous voulions savoir où étaient nos installateurs et à quels moments, et répondre rapidement aux besoins urgents des hôpitaux », explique Philippe Binet, directeur général de Linet.
Mais cette première fonction remplie, le recours à la télématique tend à évoluer. À court terme, elle va permettre de veiller à une meilleure utilisation des véhicules. « Nous allons embaucher un DRH dont les attributions seront entre autres de suivre les comportements de conduite et plus généralement de veiller à l’amélioration des performances environnementales de la flotte », poursuit Philippe Binet.
De fait, la nature des informations remontées par la télématique est variée. Mais dans la hiérarchie des gains potentiels pour les entreprises, c’est le meilleur suivi des kilométrages qui s’impose. « La télématique apporte des remontées permanentes des kilométrages, ce qui contribue à optimiser la gestion des contrats en les ajustant au réel », pointe Patricia Caulfuty, directrice de la performance commerciale chez Arval.
Moins d’abus mais aussi plus d’entretien
« La meilleure surveillance des kilométrages diminue les abus », complète Brigitte Mesure, gestionnaire de la flotte de la Caisse d’Épargne CEPAC, soit environ 200 véhicules équipés (voir le reportage).
À la clé également, un meilleur suivi de l’entretien des voitures. Avec les solutions les plus complètes du marché, l’ensemble des indicateurs du tableau de bord (pression des pneus, alertes entretien, consommation, etc.) deviennent accessibles en temps réel pour le gestionnaire de flotte (voir aussi l’article sur les outils de la télématique). « La télématique donne aussi une indication du pourcentage d’encrassement des filtres à particules, illustre Julien Rousseau, directeur général de Suivideflotte.net. Le responsable de parc peut alors intervenir en amont de l’affichage du témoin lumineux pour l’entretien du FAP et non pour son changement. »
Autre point mis en avant : l’information sur l’état des pneus se fait plus précise. « L’outil alerte sur leur usure qui était jusqu’ici estimée par rapport au nombre de kilomètres parcourus. Aujourd’hui, cela se fait grâce la remontée des données réelles d’usure du CANbus », indique Olivier Picard, directeur général du télématicien Ocean.
Les outils les plus poussés remontent aussi des informations sur les comportements de conduite. Des données essentielles pour une meilleure maîtrise du TCO. « Leur analyse représente un enjeu important pour baisser la consommation de carburant et renforcer la sécurité. Le conducteur peut en effet majorer jusqu’à 40 % le coût d’usage de son véhicule », estime Patricia Caulfuty pour Arval.
Avec ces informations, la télématique se fait une place dans la politique de gestion d’une flotte. Chez Bonglet, spécialiste du second œuvre du bâtiment à la tête de 350 véhicules multimarques, ces données alimentent la démarche de prévention pour contribuer à l’image de l’entreprise : « Nous y travaillons beaucoup. Lorsqu’il y a une incivilité routière, cela revient vers nous, sous forme d’e-mails ou de coups de téléphone. À chaque fois qu’un conducteur nous a été signalé, nous le convoquons après avoir retracé son comportement de conduite », relate Hervé Peutot, responsable des achats et de la démarche environnementale (voir son témoignage).
La télématique pour la prévention
Chez LS Services, qui effectue des relevés de compteurs et des interventions pour Enedis et GRDF, la meilleure connaissance des comportements routiers s’intègre dans une démarche de réduction des risques. « La flotte est notre second poste de dépenses. Nous commençons à récolter les économies générées par le dispositif, notamment pour le traitement d’amendes : feux rouges, stop, stationnement dangereux, etc. », avance Jérôme Bissuel, directeur administratif et financier.
Même si le recul du nombre d’amendes n’est pas immédiatement imputable à la télématique : « Rappeler tout de suite les salariés lorsque nous constatons, grâce à l’outil, des comportements dangereux a des répercussions sur leur conduite en général », reprend Jérôme Bissuel (voir aussi son témoignage et l’encadré ci-dessous).
Des référentiels et du conseil pour les flottes
Optimisation du TCO, des comportements de conduite, de l’entretien : ces axes d’analyse et d’exploitation des données de la télématique sont bien sûr rendus possibles par les dispositifs sans cesse améliorés par les prestataires du marché. Pour faciliter le travail des gestionnaires de flotte, ces derniers élaborent aussi des indicateurs simplifiés sur la base des informations récoltées par les dispositifs embarqués : mesure de la vitesse, freinage, virage, etc. Consultables le plus souvent sous forme de pictogrammes de couleur, ils alertent les responsables sur les comportements à risques.
« Nous avons créé des référentiels pour apprécier le comportement responsable d’un conducteur », souligne Patricia Caulfuty pour Arval. Cette simplification de l’outil se prolonge dans les reportings : « Sur Free To Move Connect Fleet, nous avons des rapports très simples. Il ne faut pas apporter trop de complexité aux responsables de parc ou aux managers. Nous pouvons envoyer des rapports, les exporter sous format Excel pour donner en trois clics les kilométrages par exemple », argumente Olivier Emsalem, responsable des solutions de mobilité pour les clients entreprises du Groupe PSA.
La possibilité d’exploiter les données issues des boîtiers embarqués amène logiquement certains acteurs à s’orienter vers le conseil. Arval, qui projette l’équipement en télématique embarquée sur tous les véhicules de sa flotte d’ici 2020, décline ses conseils dans plusieurs directions : depuis la suggestion de formations pour les conducteurs repérés comme « à risques », jusqu’à l’élaboration des car policies.

Des véhicules adaptés aux missions
Sur la base des remontées d’informations sur les tournées des véhicules ou sur leur usage, un nouveau venu comme Antsway propose, lui, des conseils sur la car policy ou l’usage au quotidien des véhicules. Le prestataire s’appuie sur un logiciel qui suggère au gestionnaire les véhicules de son parc les mieux adaptés aux tâches envisagées.
« Nous partons du constat que dans les entreprises, les responsables de parc sont aveugles sur l’utilisation métier du véhicule », explique Marc Grojean, président d’Antsway. Pour arbitrer entre les véhicules, l’ensemble des contraintes métiers (matériels, poids ou dimension du véhicule) sont pris en compte par le logiciel qui intègre aussi les lois de roulage. Ceux en début de contrat sont ainsi plus exploités que ceux en fin de contrat. « Nous faisons en sorte que la flotte coûte le moins cher possible au vu des objectifs de roulage du gestionnaire », résume ainsi le responsable d’Antsway.

Mais croiser les données de la télématique (kilométrage, consommation, comportement, etc.) avec celles de la flotte (contrats, entretien, utilisation, etc.) constitue aussi une tâche incontournable du gestionnaire. Un exercice indispensable pour tirer profit des informations disponibles et orienter la gestion selon les objectifs poursuivis. Car l’outil capable de synthétiser toutes les informations ‒ issues de véhicules de différents constructeurs, de différents loueurs ou de différents prestataires ‒ n’est pas encore d’actualité.
« Le gestionnaire est potentiellement face à plusieurs sources d’informations, rappelle Jean-Charles Martin, directeur commercial du prestataire Chevin ; un de ses problèmes de base est qu’il a besoin de ces informations dans un seul outil. »
Des interfaces entre les outils
Aussi, l’agrégation de données pertinentes pour le gestionnaire se fait le plus souvent à son initiative. Chez Flexi-Fleet, grâce à un interfaçage pointu entre les outils de la gestion du parc, des alertes sont déclenchées auprès des conducteurs sur les entretiens. « Pour la maintenance, nous intégrons les seuils de déclenchement des vidanges dans le logiciel de suivi de flotte. Cet outil recueille les données de Mapping Control et celles de notre partenaire de maintenance : le kilométrage est remonté de Mapping Control et le système vérifie sur l’intranet de l’enseigne de maintenance si le chauffeur est passé pour effectuer l’entretien. Si ce n’est pas le cas, une alerte est déclenchée et un SMS envoyé via Mapping Control », détaille Claude George, président de ce spécialiste de la location de véhicules aux chauffeurs de VTC (voir son témoignage).

Chez Bonglet, une remontée régulière des informations, notamment de kilométrage, permet de s’assurer du respect des délais d’entretien. « Nous nous servons des remontées des tableaux de bord pour les paies et les fiches d’heures. Nous vérifions à cette occasion les entretiens et le tableau de bord global du véhicule de manière hebdomadaire », indique Hervé Peutot.
Demain, un outil unique traitera-t-il l’ensemble des informations pour en sortir automatiquement des indicateurs ou des alertes, gérer les contrats d’entretien ou de location comme les comportements de conduite ? Du côté des acteurs de la télématique en tout cas, un tel projet n’est pas d’actualité.
« En tant que télématicien, nous n’éditons pas de factures et quand bien même nous le ferions, ce n’est pas l’attente de nos clients », répond Olivier Picard chez Ocean. Pour ce responsable, les outils tels que les logiciels de gestion et la télématique embarquée restent deux activités différentes, « ce sont deux métiers complémentaires », pointe-t-il.
Vers un système unique de gestion ?
Ce qui n’exclut pas des passerelles. « Nous avons des discussions avec des sociétés spécialisées dans la gestion de flotte. Elles sont intéressées par notre capacité à faire parler le véhicule et nous par leur capacité à chercher des données connexes au véhicule », précise Olivier Picard.
Déjà, d’autres ponts se dessinent pour rendre les outils plurivalents : « L’intégration dans notre outil des informations des cartes essence est toute récente. Jusqu’à maintenant, nous étions monomarque, aujourd’hui nous sommes multimarques », souligne le responsable d’Ocean.
Des prestataires alignent, eux, des packages de services qui marient gestion de parc et traitement des informations de la télématique. C’est vrai de Suivideflotte.net : « Nous commercialisons une offre de gestion de parc où nos clients peuvent renseigner tous les véhicules, géolocalisés ou non. Sur un tableau de bord, ils peuvent ensuite connaître les lois de roulage par rapport aux contrats. Il est aussi possible de saisir les dépenses effectuées pour obtenir un TCO, des comparatifs de coûts de revient entre véhicules, ou bien de gérer les amendes grâce à l’interfaçage avec l’Antai », avance Julien Rousseau.
Des solutions qui préfigurent les outils de gestion de flotte de demain ? Une telle éventualité reste soumise à autre une condition essentielle : que tous les constructeurs rendent possible l’accès aux données issues de leurs véhicules. Une étape qui n’est que très partiellement franchie pour l’instant (voir aussi notre article sur la gestion des données télématiques).
Dossier - Télématique embarquée : la gestion en ligne de mire
- Gestion : une nouvelle roue pour les flottes
- Claude George, Flexi-Fleet : « Un accompagnement pour les chauffeurs »
- Jérôme Bissuel, LS Services : « Un outil de sécurisation et de remontée kilométrique »
- Hervé Peutot, Bonglet : « Un intérêt pour le back-office »
- Gestion des données : la bataille du cerveau
- Sécurité : la télématique au service de la prévention