
L’avènement de la voiture connectée ouvre la voie à des scènes dont la description pourrait s’apparenter à de la science-fiction. Il suffit en effet de se projeter dans 5, 10, 15 ou 20 ans pour voir apparaître une mobilité entièrement redessinée. Et la question ne porte pas sur la possibilité de voir de nouvelles fonctionnalités apparaître, mais sur le rythme auquel elles se démocratiseront. Peu ou prou, les technologies existent, certaines proposées par les constructeurs, d’autres à l’état de prototype.
« Il n’y a aucun frein au développement de la voiture connectée, confirme Hadi Zablit, directeur associé senior du cabinet de conseil Boston...
L’avènement de la voiture connectée ouvre la voie à des scènes dont la description pourrait s’apparenter à de la science-fiction. Il suffit en effet de se projeter dans 5, 10, 15 ou 20 ans pour voir apparaître une mobilité entièrement redessinée. Et la question ne porte pas sur la possibilité de voir de nouvelles fonctionnalités apparaître, mais sur le rythme auquel elles se démocratiseront. Peu ou prou, les technologies existent, certaines proposées par les constructeurs, d’autres à l’état de prototype.
« Il n’y a aucun frein au développement de la voiture connectée, confirme Hadi Zablit, directeur associé senior du cabinet de conseil Boston Consulting Group, en charge de l’automobile pour l’Europe de l’Ouest. La courbe d’adoption va se dessiner avec des phases d’accélération. La vitesse à laquelle la voiture connectée s’imposera dépendra du rythme de développement chez les constructeurs. »
Connecter pour l’auto-partage et le covoiturage
Pour le concurrent Roland Berger, la voiture connectée s’organise autour de quatre grandes familles de fonctionnalités dont, pour les deux plus connues, l’infotainment et les fonctions liées à la voiture et à la conduite. Mais au-delà, la connectivité ouvre la voie à une infinité de solutions pour, par exemple, développer l’autopartage et le co-voiturage. Ces capacités de communication constituent aussi un prérequis pour d’autres avancées décisives comme le véhicule autonome.
« Pour développer ce dernier, deux solutions sont possibles, explique Sébastien Amichi, partner industrie automobile au sein de Roland Berger. Soit le véhicule est vraiment intelligent comme avec la Google Car et ses 200 000 euros de technologies embarquées, soit l’intelligence est débarquée et accessible par le biais d’une connectivité. Sous l’angle économique, cette seconde architecture reste plus simple à déployer. »
Selon les différentes étapes de la chaîne de valeur de la voiture connectée, plusieurs types d’intervenants coexistent. « Outre les fabricants de matériel, à savoir les boîtiers de télématique ou TCU (Telematic Control Unit), les constructeurs automobiles fournissent les éléments pour se déplacer, conduire et générer les données ; les opérateurs de téléphonie mobile transmettent et agrègent ces informations et les derniers acteurs, des SSII, les organisent et les interprètent », détaille Hadi Zablit.
Un modèle économique à construire
Pour le consultant du Boston Consulting Group, les revenus sont générés en amont par la vente des équipements et non par la vente de services. À ce jour, seuls les applications et les services BtoB offrent une valorisation des données qui peut se monnayer. « Avec l’optimisation du TCO, le bénéfice des entreprises est réel et tangible, reprend Hadi Zablit. Sur le marché BtoC, les arguments de vente restent flous à l’exception des services offerts par les constructeurs premium. L’accès aux données contribue bel et bien à améliorer la maintenance, mais la monétisation du service ne se fait pas en direct. »
La physionomie des différents modes de connexion aide à mieux appréhender la bataille économique entre les acteurs. La transmission des données est assurée soit par le boîtier embarqué, soit par le smartphone, soit par une combinaison des deux avec une intelligence localisée dans le véhicule et une transmission par le téléphone. « Qui porte cette intelligence ?, s’interroge Sébastien Amichi pour Roland Berger. C’est sur cette question que se focalise la bataille entre les constructeurs et les autres acteurs. »
Constructeurs et acteurs internet face à face
En Europe, le déploiement de l’eCall, l’appel d’urgence géolocalisé, va constituer une étape importante dans l’avènement de la voiture connectée. Obligatoire à partir d’avril 2018 sur les véhicules neufs, l’eCall va contraindre les constructeurs à équiper leurs productions de boîtiers de télématique. « Aujourd’hui, 100 % des conducteurs sont équipés de smartphone. À partir de 2018, 100 % des véhicules neufs seront équipés d’un boîtier connecté », résume Hadi Zablit. À partir de cet équipement et pour quelques euros de plus, le conducteur aura accès à une multitude de services.
Dès lors, deux logiques vont s’affronter : celle des constructeurs et celle privilégiée par Google et Apple avec Google Auto et Apple Car Play. « Si l’objet reste identique, la finalité et les stratégies divergent. Quand un constructeur se concentre sur l’amélioration de l’expérience et du plaisir de conduite. Google considère le véhicule comme un service de mobilité parmi d’autres et cherche à entrer dans la voiture, seul lieu où il n’est pas encore présent, pour proposer des services de mobilité (radio, musique, vidéo, etc.) », précise Hadi Zablit.
Mais les deux modèles ne s’opposent pas forcément et, parallèlement à leur propre environnement, les constructeurs s’ouvriront à Google. Pour Hadi Zablit, la capacité de ces derniers à renouveler leur marque passera par la manière dont ils assureront la connexion avec l’extérieur. « La connectivité doit être différenciante », complète-t-il.
Un cheval de Troie pour Google et Apple
L’arrivée de Google et d’Apple dans l’automobile ne doit rien au hasard. « Dans l’écosystème de la voiture connectée, l’OS fait figure de cheval de Troie, pointe Sébastien Amichi, pour Roland Berger. Les systèmes d’exploitation de Google et d’Apple ne coûtent pas cher et créent un canal pour prendre possession du client. Ensuite, ces acteurs de la nouvelle économie peuvent commercialiser des applications et vendre des données géolocalisées aux annonceurs. »
Les constructeurs doivent donc cohabiter avec les acteurs de l’informatique et de l’internet, les spécialistes du big data, les opérateurs téléphoniques, les spécialistes de la gestion des données, etc.
La voiture prend le train de l’informatique
L’automobile en est encore au début de l’intégration informatique et le véhicule connecté permet de tester un nouveau modèle pour de futurs développements. « Actuellement, l’automobile traite 1 000 lignes de code informatique. Avec un boîtier connecté, ce nombre passe à 1 million. Quant à la voiture autonome, elle génère 10 millions de lignes de code », avance Sébastien Amichi.
Pour maîtriser cette complexité, rester dans la course et préserver leurs modèles économiques, les constructeurs se dotent de compétences issues de l’informatique. C’est le cas de BMW ou encore de Ford qui a créé un centre de R&D à Palo Alto au cœur de la Silicon Valley.
Au-delà des compétences techniques, la propriété des données reste l’enjeu autour duquel va s’organiser l’écosystème de la voiture connectée (voir l’encadré ci-contre). « Tous les acteurs vont se bagarrer sur ce sujet, affirme Hadi Zablit. Qui possède la donnée générée par le client et comment va-t-elle être monétisée ? C’est la question centrale et le nerf de la guerre. Le modèle payant des constructeurs s’oppose à la gratuité promue par Google, approche aujourd’hui la plus efficace. »
La propriété des données soulève aussi des questions techniques, légales et éthiques. « Les données sont censés appartenir à l’utilisateur, note Sébastien Amichi. Mais il peut signer un contrat de cession à un tiers de confiance qui peut être Apple, Google ou le constructeur. Il n’en reste pas moins que l’utilisation des données se heurte au principe de protection de la vie privée ».
La propriété des données au cœur de la bataille
Si la propriété des données reste à préciser, rien ne semble arrêter la marche en avant vers la voiture connectée. Seule la cybersécurité freine son avènement. « Les voitures de Tesla ont été piratées », rappelle Sébastien Amichi. L’accès au système informatique du véhicule doit donc être sécurisé. Ce point reste primordial et les constructeurs doivent trier les informations en fonction de leur importance en matière de risque. « Des opérations simples telles que l’activation de la climatisation seraient à classer comme critiques pour la sécurité car elles donnent accès au système central de la voiture, résume Hadi Zablit. De ce fait, de nombreux éléments sont liés à la sécurité et doivent donc être découplés d’une ouverture vers l’extérieur. À l’exception de Tesla, les constructeurs restent conservateurs sur ce sujet. »
Enfin, le développement de la voiture connectée et, plus tard, de la voiture autonome, soulève des défis d’ordre juridique. La convention internationale de Vienne impose en effet que le conducteur ait le contrôle de son véhicule et les deux mains sur le volant. Demain, si une application provoque un accident, à qui en imputer la responsabilité ? Différents groupes de travail réunissant États et acteurs du marché planchent déjà sur le sujet. À plus ou moins brève échéance, une législation verra le jour. La feuille de route du véhicule connecté et de la voiture autonome, son prolongement, est tracée. Et si le mouvement peut être ralenti ponctuellement, rien ne l’arrêtera.
Télématique : la voiture connectée trace sa route
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