Télématique poids lourds : davantage de services avec moins de boîtiers

Tout connecter, c’est peut-être trop connecter. Pourquoi ne pas faire du tachygraphe numérique, seul dispositif communicant obligatoire, la plaque tournante de l’information ?
868
Télématique poids lourds
Le télépéage utilisant le DSRC du tachy 1C est déjà une réalité. L’étape suivante est l’extension des capacités de communication de cet appareil afin qu’il se charge de tous les échanges de données d’un poids lourd. (© Continental)

Les transporteurs croulent-ils sous les boîtiers de télématique ? Entre maintenance connectée, connexion au TMS de l’exploitation, surveillance à distance des conditions de transport ou encore intégration au système d’information du chargeur, les services de télématique se font nombreux. Malgré les promesses d’intégration de services tiers par les systèmes « première monte » à travers des applis disponibles sur leurs « market places », ces dispositifs montés d’origine tardent à s’ouvrir. Et ils perpétuent le cloisonnement dont souffre l’informatique du transport. En conséquence, les transporteurs doivent multiplier les boîtiers à bord. Et avec eux, les abonnements et les portails web à consulter pour suivre la flotte.

Le montage d’un boîtier télématique sur tous les tracteurs neufs est déjà la norme. Certains constructeurs de semi-remorques suivent cette tendance. Ceci entraîne une évolution du métier des télématiciens (Astrata, Ekolis, Transics, Trimble, etc.). En effet, leur métier consiste désormais à intégrer et à coordonner des données et des services tiers plutôt qu’à vendre des boîtiers communicants.

Chaque boîtier ayant sa carte SIM, voire sa batterie, il provoque des coûts (abonnements, maintenance, intégration informatique). Eviter de multiplier les boîtiers télématiques, voire éviter tout montage en seconde monte, reste donc dans l’intérêt du gestionnaire de flotte. Si cela, bien sûr, ne pénalise pas son recours aux services connectés.

Depuis un véhicule en mouvement, les forces de l’ordre peuvent consulter les données d’un tachy 1C par DSRC, mais en restant dans le cadre du RGPD. (© Continental)

Télématique poids lourds : utiliser les capacités techniques du chronotachygraphe numérique

Depuis son apparition en 2006, le chronotachygraphe numérique a vu ses capacités s’étendre au fil des réglementations européennes successives. Surnommée « tachy 1C », la génération actuelle est géolocalisée (au minimum par Galileo). Les forces de l’ordre peuvent aussi l’interroger à distance. Elles utilisent pour cela un dispositif de communication (DSRC) semblable à celui des badges de télépéage. Forts de ce constat, Continental (fournisseur de tachygraphes) et Axxès (spécialiste du télépéage poids lourds) associent leurs compétences pour proposer un système de télépéage sans boîtier dédié, en utilisant le matériel obligatoirement installé en même temps qu’un tachy 1C.

Seul boîtier communicant obligatoire à bord d’un poids lourd, le tachy 1C devrait devenir l’unique boîtier communicant. Mais il doit pour cela s’ouvrir à l’échange de données tierces. Il est déjà possible de récupérer les fichiers légaux du tachy et ceux de la carte conducteur pour les transmettre. Mais il s’agit désormais d’aller bien au-delà. Chaque acteur de la télématique poids lourds tente d’être celui qui agrège les données des autres acteurs et non celui dont les données sont agrégées. Car c’est en traitant les données que l’on peut créer des services à forte valeur ajoutée au bénéfice du transporteur.

Motivée par la lutte contre le cabotage abusif, l’évolution du chronotachygraphe numérique en a fait un appareil géolocalisé et communicant, ce qu’il n’était pas à l’origine. (© Continental)

Une mesure simplificatrice pour la gestion de flotte

Hors systèmes « première monte », tous les boîtiers des télématiciens doivent être installés lors de l’arrivée d’un véhicule dans la flotte, puis démontés lors de sa revente ou restitution. Un chronotachygraphe reste associé à son véhicule et évite ces manipulations. Si la tendance actuelle se confirme, le tachy deviendra la plaque tournante de l’information à bord du véhicule. Après, bien sûr, ajout de quelques fonctions pour lui permettre les échanges de données tierces. De façon inattendue, cela permettra aux fournisseurs de tachys (principalement Continental-VDO et Stoneridge) de devenir des canaux d’échange de données incontournables. En cela, ils pourraient réussir là où les télématiques première monte des constructeurs tardent à triompher faute d’ouverture aux tiers.

Hégémonique en première monte et issu d’un groupe équipementier automobile pluridisciplinaire, le tachy Continental pourrait s’imposer comme la plate-forme d’échange de données et faire de son fournisseur un opérateur de télécommunications. Néanmoins, le marché refuse autant que possible les monopoles et exclusivités synonymes de captivité. Il faut donc laisser une place à la concurrence. Le gestionnaire de flotte a intérêt à disposer d’autant de services que nécessaire à partir du seul boîtier communicant obligatoire. Pour que cela fonctionne techniquement et commercialement, la plate-forme d’échange de données doit se montrer totalement ouverte aux données tierces, neutre vis-à-vis d’elles et protégée face aux actions malveillantes.

PARTAGER SUR