
La piste du constat amiable
Dans ce domaine des circonstances indéterminées, le constat peut apporter de la clarté mais, bien souvent, il entretient la confusion : le fait d’être complété par deux conducteurs tend de fait à lui retirer toute cohérence, chacun « racontant » son accident sur son côté de formulaire.
Il faut savoir que le constat, chez l’assureur comme devant les tribunaux, s’interprète globalement sur la base du seul recto. La rubrique 14 (observations) permet de rédiger une déclaration (exemples : je roulais à droite ; l’autre conducteur a changé de file) retenue comme exacte si elle n’est pas contredite par une mention...
La piste du constat amiable
Dans ce domaine des circonstances indéterminées, le constat peut apporter de la clarté mais, bien souvent, il entretient la confusion : le fait d’être complété par deux conducteurs tend de fait à lui retirer toute cohérence, chacun « racontant » son accident sur son côté de formulaire.
Il faut savoir que le constat, chez l’assureur comme devant les tribunaux, s’interprète globalement sur la base du seul recto. La rubrique 14 (observations) permet de rédiger une déclaration (exemples : je roulais à droite ; l’autre conducteur a changé de file) retenue comme exacte si elle n’est pas contredite par une mention dans la même zone de l’autre côté de l’imprimé. Pour le reste, l’interprétation repose sur les cases cochées, le croquis et l’emplacement et la direction des points de choc sur les véhicules.
À défaut de s’entendre sur le schéma, les conducteurs peuvent se partager le rectangle quadrillé et faire chacun un dessin qui aura au moins la vertu de constater les versions divergentes. Des explications au verso du constat contribueront peut-être à éclairer les circonstances mais comme elles ne sont pas établies de façon contradictoire, elles ne possèdent pas de caractère probant.
Les témoignages
Il est souvent difficile d’obtenir un témoignage, les autres usagers tendant à s’échapper, fâchés d’être retardés par l’accident, pendant que les conducteurs constatent les dégâts et s’invectivent. Pourtant, une attestation bien rédigée d’un témoin est de nature à clarifier les circonstances.
Le conducteur qui s’estime non responsable a intérêt à relever l’identité du témoin et son adresse (ou au moins son téléphone) et de les porter sur le constat (rubrique 5) afin que sa qualité de témoin soit reconnue par la signature des deux conducteurs. Ce témoin sera contacté par les assureurs mais sa déclaration n’est retenue que s’il confirme l’une ou l’autre version. S’il ajoute à la confusion en relatant d’autres circonstances, son témoignage est écarté (voir ci-dessous).
Les conditions de recevabilité d’un témoignage par les assureurs selon la Convention IRSA (Convention d’indemnisation et de recours entre sociétés d’assurance automobile) :
Ceux émanant des personnes non liées à l’un des conducteurs y compris les collègues et co-préposés
Ceux rédigés sur l’imprimé adressé par l’assureur à cet effet et convenablement complété
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Ceux émanant des passagers d’un des véhicules, les parents et alliés des conducteurs, les collaborateurs, associés, salariés, employeurs, propriétaires ou gardiens des véhicules
Ceux formulés ou recueillis par les autorités plus de trois mois après les faits
Ceux exprimés par téléphone
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Lorsque la survenance même de l’accident est contestée, les assureurs utilisent un modèle d’attestation conforme au code de procédure civile (art. 202).
Le rapport des autorités
Il est normalement établi un rapport de police ou un procès-verbal de gendarmerie en cas d’accident corporel. Son contenu l’emporte sur le constat amiable et les témoignages qui y sont portés sont à retenir s’ils diffèrent de ceux des personnes notées sur le constat. Une main courante ou un récépissé de dépôt de plainte (en cas de délit de fuite) ne sont pas considérés comme assimilables à un rapport d’accident.
Le rapport offre l’avantage de reconstituer la scène de l’accident en la décrivant, en présentant un plan coté sur lequel figurent les véhicules et les traces sur la chaussée, en reproduisant l’audition des témoins et des conducteurs. Les officiers de police donnent, si cela est possible, leur version des faits en avançant si besoin des présomptions.
Quoique cela soit difficile, un assureur ou un conducteur peut obtenir la rectification d’un rapport s’il parvient au moyen d’autres éléments à démontrer que celui-ci comporte une erreur.
Les responsabilités de droit commun
La loi Badinter, qui régit les accidents dans lesquels se trouvent impliqués des véhicules, ne recherche pas la faute du responsable. Elle considère que la simple intervention d’un véhicule suffit à identifier un responsable potentiel à 100 %. C’est au niveau de la victime que la faute doit être prouvée pour que l’on puisse réduire ou exclure son indemnisation.
Dans une collision entre deux véhicules, l’implication est réciproque et l’indemnisation de chacun des conducteurs, tant pour le corporel que pour le matériel, est fonction de la gravité des fautes réciproques que l’on peut démontrer. L’absence de faute de l’un n’entraîne pas la responsabilité de l’autre et on ne parvient pas nécessairement à un partage des responsabilités dont la somme des taux soit égale à 100 %.
Lorsque les circonstances restent inconnues et que l’on est incapable de déterminer les fautes respectives, chacun des conducteurs dispose d’un droit à indemnisation à 100 %. Transposé sous forme de partage des responsabilités, cela signifie que chacun des automobilistes a une responsabilité nulle. La conduite sous l’emprise de l’alcool ou d’un stupéfiant n’est considérée comme une faute que si cet état a participé à la réalisation de l’accident (Cass. ass. plén. 6 avril 2007, n° 05-15950).
Les juges face à des circonstances indéterminées
Exemple 1 :
Une collision frontale survient entre deux voitures, causant des blessures aux occupants des véhicules. Le croquis du rapport de police positionne les véhicules chacun dans sa voie de circulation, n’indique pas d’emplacement du point de choc et mentionne des témoignages non concordants. Le conducteur circulant à gauche selon certains témoins est relaxé en correctionnelle, les circonstances étant indéterminées. Jugeant au civil, la cour d’appel n’est pas tenue de la décision au pénal et retient que le conducteur relaxé a commis une faute l’excluant de toute indemnisation (Cass. 2° Civ, 24 mai 2012, n° 11-17268).
Exemple 2 :
Deux voitures circulant de nuit, en sens inverse, sur une route rectiligne avec une bonne visibilité, se percutent violemment sans qu’aucun témoin n’assiste à l’accident. Tous les occupants sont blessés mortellement. Aucune faute précise ne peut être retenue contre l’un ou l’autre conducteur, qui aurait pu être opposée aux ayants droit des victimes. Ces derniers sont en conséquence indemnisés sans abattement (Cass. 2° Civ. 9 décembre 1992, n° 91-11409).
Exemple 3 :
L’indétermination des circonstances ne fait pas non plus obstacle à l’indemnisation en cas de transmission d’un incendie d’un véhicule à un autre dans un parking souterrain. L’expertise situe l’origine de l’incendie dans deux véhicules mais considère que deux autres, bien que touchés par l’incendie, ne se trouvent pas impliqués dans les dommages causés à l’immeuble. La décision d’appel qui valide les conclusions de l’expertise est cassée ; le fait que l’incendie se soit propagé à ces deux derniers véhicules suffit à ce qu’ils soient également impliqués dans le sinistre (Cass. 2° Civ. 3 mars 2016, n° 14-24965).
Circonstances indéterminées et convention IRSA
Les instructions d’utilisation de l’IRSA précisent que les assureurs doivent rechercher parmi les treize cas figurant au barème celui qui correspond à l’accident qu’ils ont à traiter en s’appuyant sur les éléments de preuve admis conventionnellement, et en procédant par assimilation si nécessaire.
Si l’indétermination des circonstances ne permet pas de rattacher l’accident à un cas, il leur faut se rabattre sur celui numéroté 56 qui prévoit un partage des responsabilités par moitié. Ce cas constitue un pis-aller et ne peut être retenu qu’à défaut de tout autre dans les accidents de même sens, de sens inverse ou de véhicules venant de chaussées différentes. Ainsi, s’il est démontré qu’un des véhicules se trouvait en stationnement, on retiendra le cas 40 (stationnement régulier) ou 43 (stationnement irrégulier), bien que l’on ignore ce que faisait le second véhicule.
L’assureur qui retient les circonstances indéterminées sur la base de la Convention estime à 50 % la responsabilité de son assuré. Cela entraîne un demi-malus (+ 12,5 % ou + 10 % en cas d’usage « tous déplacements ») si le contrat est mono-véhicule, et une application de la franchise à 50 % le cas échéant.
Exemple 1 :
Le constat amiable est signé par les deux conducteurs et les points de choc sur les véhicules sont indiqués en rubrique 10. Toutefois, aucune case n’est cochée (rubrique 12), aucun schéma n’a été tracé (rubrique 13) et aucune observation n’a été portée en rubrique 14. Par exception aux pratiques habituelles, les assureurs s’échangeront les constats et retiendront les éléments communs aux déclarations figurant le cas échéant au verso. Ils détermineront alors le cas de barème applicable et si les assurés demeurent en désaccord sur les circonstances, ils retiendront un partage des responsabilités par moitié au titre du cas 56. Certains autres cas conduisent à une répartition identique lorsqu’on ne parvient pas à démontrer la faute de l’un des conducteurs : 13 (changement de file) ou 21 (empiètement sur l’axe médian).
Exemple 2 :
Deux voitures sont stationnées l’une derrière l’autre. Lorsque les conducteurs reviennent les prendre, ils constatent qu’elles se sont déplacées et qu’elles se sont heurtées (voir le schéma ci-dessous). Pourtant, A déclare qu’il avait serré son frein à main et B que sa voiture n’a pas bougé. La case 1 (en stationnement) est cochée pour l’un et l’autre véhicule. Cette situation (rare) relève aussi du cas 56 et d’un partage par moitié des responsabilités. Bien sûr, la déclivité probable du sol devrait amener à présumer lequel des véhicules a bougé mais le maintien de leurs déclarations par les automobilistes conduit à opter pour le cas 56.
Fiche technique de l’accident avec circonstances indéterminées
Définition : collision entre véhicules sans qu’il soit possible de connaître son déroulement parce que soit les versions des conducteurs divergent, soit ils ne sont plus en mesure de fournir les circonstances, soit il n’y a pas de témoins ou ceux-ci présentent des déclarations contradictoires.
Règle de droit commun : si l’on ne peut déterminer les fautes des conducteurs impliqués, chacun doit être indemnisé à 100 % par l’autre partie ou l’assureur de celle-ci (art. loi Badinter 5 juillet 1985).
Cases du constat amiable à cocher : en général, aucune case permettant de déterminer les circonstances n’est cochée. Case 1 si les deux véhicules se trouvaient en stationnement.
IRSA : cas 56 (circonstances indéterminées)
Responsabilités conventionnelles : A : 50 % – B : 50 %
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