Premier article d’une série consacrée au traitement des accidents par les entreprises : les changements de file. En cas de dépassement ou non, ces derniers occupent une place prépondérante dans les contentieux. Au-delà du principe connu de tous que, dans un accident, celui qui change de file a au moins une part de responsabilité, il y a matière à discussion.
par Lionel Ray -
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Qu’est-ce qu’un changement de file ?
Le changement de file est l’action consistant à se déporter en infléchissant sa direction à droite ou à gauche. Un coup de volant entraînant un faible déport ou un léger chassé de l’arrière du véhicule lors d’un virage répondent à la définition. Il importe peu de savoir la raison du changement de file : dépassement, préparation à un changement de chaussée, respect d’un marquage au sol, prise d’un stationnement ou entrée dans un parking. Le changement de file est une manœuvre perturbatrice dont la réalisation n’est pas interdite mais qui doit être menée avec prudence afin de ne pas générer un danger pour...
Qu’est-ce qu’un changement de file ?
Le changement de file est l’action consistant à se déporter en infléchissant sa direction à droite ou à gauche. Un coup de volant entraînant un faible déport ou un léger chassé de l’arrière du véhicule lors d’un virage répondent à la définition. Il importe peu de savoir la raison du changement de file : dépassement, préparation à un changement de chaussée, respect d’un marquage au sol, prise d’un stationnement ou entrée dans un parking. Le changement de file est une manœuvre perturbatrice dont la réalisation n’est pas interdite mais qui doit être menée avec prudence afin de ne pas générer un danger pour les autres usagers.
LES TROIS CAS DE CHANGEMENT DE FILE DU BARÈME IRSA
Comment changer de file ?
Le Code de la route est très précis sur le comportement à adopter. D´abord, il convient de prévenir préalablement les autres automobilistes (art. R 412-10 C. route), du changement de file, sans que ce signalement confère une quelconque priorité de réalisation. Il faut ensuite s´assurer que l´on peut effectuer sans danger ce changement de file en consultant ses rétroviseurs et en adoptant une vitesse compatible avec la circulation et la visibilité. Bien évidemment, le conducteur s´abstient de violer une interdiction telle que le franchissement d’une ligne continue. Le maître-mot reste l’anticipation et l’accident survient généralement pour ne pas avoir su prévoir le comportement d’un autre usager.
Lorsque l’accident n’a occasionné que des dégâts matériels, c’est le constat amiable qui décide de l’imputation d’une responsabilité quelquefois supportée par un témoin identifié en rubrique 5 sur le constat. Pris ensemble ou séparément, quatre éléments sont déterminants :
La reconnaissance du changement de file en cochant la case 10 du côté de l’auteur de la manœuvre. Cette précision est loin d’être superflue, nombre de conducteurs estimant que la formulation à la troisième personne signifie que la mention cochée se rapporte à l’adversaire. La case 10 (doublait) établit que les deux véhicules étaient sur deux files distinctes. Les cases 12 (virait à droite) ou 13 (virait à gauche) peuvent aussi démontrer le changement de file (rubrique 12 : circonstances).
Le point de choc (rubrique 10) marqué d’une flèche visualisant sa direction et les dégâts apparents (zone 11) indiquent où le véhicule a été heurté. Cet élément est validé ensuite par l’expertise.
Les observations (rubrique 14) : une mention est prise en considération si elle n’est pas contredite par l’autre conducteur. Par exemple, A indique : « B a changé de file ». B ne contredit pas en zone 14. Le changement de file est démontré.
Le croquis (rubrique 13) : il suffit souvent à attester du changement de file. Aussi doit-il être réalisé d’un commun accord. Le tracé d’une flèche directionnelle non équivoque établit la manœuvre.
Ce croquis démontre à lui seul le changement de file de B et sa responsabilité à 100 %.Changement de file ou choc arrière ? Le constat, selon la manière dont il est rempli, fournit la réponse.
Le soin apporté à la rédaction du constat et à son exactitude est capital car, signé par les conducteurs et les deux feuillets étant séparés, il fait foi et ne peut être contesté sauf à ce que les parties s’accordent sur une version différente. Si l’accident a eu des conséquences corporelles, la police doit normalement intervenir et rédiger un rapport dont la valeur probante l’emporte sur celle du constat.
Les circonstances ne sont pas établies
Dans ce cas, les véhicules se sont heurtés latéralement sans que le changement de file de l’un d’eux soit établi. L’application stricte du droit (art. 4, L. 5 juill. 1985) ne prévoit d’abattement d’indemnisation qu’en cas de faute avérée (CA Paris 17° ch. sect. A, 6 oct. 2008, n° 06/10042) et les droits à indemnisation de chaque conducteur restent entiers. En d’autres termes, chacun est indemnisé en totalité par l’assureur adverse ou du fait des pratiques des assureurs, par sa propre compagnie disposant d’un recours contre l’autre assureur. Fréquemment, les assureurs règlent selon le barème IRSA (Convention d’Indemnisation directe de l’assuré et de Recours entre Sociétés d’assurance Automobile) en retenant une responsabilité partagée à 50 % chacun (cas 13).
Double changement de file
Le cas visé est celui où les deux véhicules circulant dans le même sens, sur deux voies différentes, changent l’un et l’autre de file et se heurtent. Cette situation intervient sur les routes à trois voies dans le même sens lorsque deux voitures veulent simultanément gagner la voie centrale, l’une venant de la droite, l’autre venant de la gauche. Il peut être retenu contre le conducteur de chacun des véhicules une manœuvre exécutée sans précaution, valant à chacun, en droit, un abattement sur son indemnisation. Les assureurs retiendront le barème IRSA conduisant souvent à une solution identique mais plus aisée à expliquer, dans laquelle chacun est responsable pour moitié (cas 13).
avoir une bonne visibilité et ne pas se trouver dans une situation d’interdiction,
pouvoir se réinsérer dans la circulation normale après la manœuvre,
effectuer cette manœuvre suffisamment rapidement pour qu’elle soit brève,
ne pas être soi-même dépassé,
ménager au moins un mètre latéralement avec le véhicule dépassé. Il appartient au conducteur effectuant un dépassement de respecter les règles de prudence car il adopte un comportement perturbateur pour les autres usagers.
Le fait de dépasser (case 11 cochée : doublait) entraîne nécessairement un changement de file au moins au début de la manœuvre. Bien que la case 10 (changeait de file) ne soit pas cochée, le changement de file peut ainsi être démontré.
La queue de poisson
Une situation plus délicate intervient si un véhicule en dépasse un autre pour se rabattre devant lui et être heurté à l’arrière. Le constat va alors se révéler crucial car va-t-on retenir le changement de file ou le choc arrière ? Dans le premier cas, le véhicule qui dépasse est responsable, dans le second cas, le véhicule qui est dépassé supporte tous les torts.
Les assureurs ont défini dans l’IRSA comment trancher cette alternative. Le changement de file est retenu si la case 10 (changeait de file) du constat est cochée ou si le véhicule dépassant est heurté au côté droit même si c’est à l’arrière des roues.
Pour que le choc arrière soit avéré (barème cas 10), il faut qu’il soit établi que les deux véhicules circulent sur une même file (case 8 : heurtait à l’arrière, en roulant dans le même sens et sur la même file), l’un se trouvant au moins partiellement dans le prolongement de l’autre.
En outre, le choc doit être plein arrière et non latéral arrière. Dès lors que le véhicule ayant effectué le dépassement se place devant celui dépassé, le changement de file est achevé et ce ne peut être qu’un choc arrière.
Sous l’angle juridique, la démonstration du non-respect des règles de dépassement (art. R. 414-4 C. route) suffit à établir la responsabilité (pénale et civile) de l’automobiliste (Cass. Crim. 23 juin 1999, n° 97-85267).
Motocyclette remontant une file de voiture : qui est responsable ?
Cette manœuvre est tolérée et il est même envisagé qu’elle soit reconnue. Pour le présent, elle reste fautive car en s’insinuant entre deux rangées de voitures, le motocycliste en dépasse nécessairement une sur la droite, ce qui est interdit (art R. 414-6 C. route). On trouve là une cause fréquente d’accidents découlant de la différence de vitesses. Le motard circule à une allure nettement plus rapide que les voitures qui, souvent, roulent au pas. L’automobiliste qui, voulant accéder à une voie plus dégagée ou se préparant à emprunter une chaussée latérale, met son clignotant, regarde dans son rétroviseur, ne voit rien et engage le changement de file à faible vitesse. Il est alors percuté latéralement par un motocycliste dont la vitesse est supérieure et qu’il n’avait pu voir s’approcher.
Lorsqu’une telle circonstance est soumise à la justice, le motocycliste peut se voir opposer un abattement sur son indemnisation, voire une exclusion complète si sa vitesse était inadaptée (CA Paris P2, ch. 3, 8 juin 2009 ; Cass. 2° Civ. 7 juill. 2011, n° 10-16781). L’automobiliste à qui aucune faute ne saurait être reprochée, peut prétendre à une indemnisation complète (art. 4, L 5 juill. 1985). Le Code de la route (art. R. 414-15) autorise le doublement y compris à droite lorsque, la circulation étant établie en file, une file dépasse l’autre. Cet article, souvent invoqué par les motocyclistes, n’est pas applicable car ils n’occupent pas alors une place dans une file.
Dans cette situation, les règles conventionnelles de l’assurance retiennent contre l’automobiliste le changement de file (cas 15, responsabilité 100 %), ce raisonnement ne devant prévaloir que pour les recours que les assureurs s’exercent entre eux et qu’ils ne peuvent opposer aux assurés.
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