
Suis-je sur une voie ouverte à la circulation publique ?
La réponse est évidente lorsque l’on circule sur la voie publique, elle l’est moins avec une voie privée. Aucun texte ne définit cette dernière avec précision et seule la jurisprudence a pu trancher.
Le caractère de la voie privée est explicite lorsque le ou les propriétaires en ont interdit l’accès, à l’exception de celui des riverains, par des panneaux, une barrière, un portail ou tout autre obstacle. La prise en charge de l’entretien et de l’aménagement de la voie par la commune ne présume pas que les propriétaires aient abandonné leurs droits.
Cette voie est réputée ouverte à la...
Suis-je sur une voie ouverte à la circulation publique ?
La réponse est évidente lorsque l’on circule sur la voie publique, elle l’est moins avec une voie privée. Aucun texte ne définit cette dernière avec précision et seule la jurisprudence a pu trancher.
Le caractère de la voie privée est explicite lorsque le ou les propriétaires en ont interdit l’accès, à l’exception de celui des riverains, par des panneaux, une barrière, un portail ou tout autre obstacle. La prise en charge de l’entretien et de l’aménagement de la voie par la commune ne présume pas que les propriétaires aient abandonné leurs droits.
Cette voie est réputée ouverte à la circulation publique si aucune signalisation n’indique le contraire. Dans ce cas, les services de la voirie sont seuls habilités à poser des panneaux relatifs à la circulation (art. L 411-6 C. route).
La commune peut imposer le transfert, sans indemnité, de la voirie privée, comprise dans un ensemble d’habitations, laissée libre à la circulation publique, à charge par elle d’en assurer l’entretien (art. L 118-3 C. urbanisme, Q n° 11029, JO Sénat 31/08/1995, p. 1676).
En cas d’accident corporel, l’assureur trouvera la qualification de la voie dans le rapport des autorités de police se référant au cadastre, le rattachement à une parcelle numérotée disqualifiant l’ouverture à la circulation publique (Cass. Civ. 2, 31 janvier 1973, n° 71-13863).
Dans le cas contraire, la voie est alors soumise aux dispositions du Code de la route et notamment aux règles de priorité (Cass. Ass. plén. 5 février 1988, n° 86-96407).
Pour décider des torts en cas d’accident à une intersection, ce caractère déterminant est du ressort des juges du fond qui peuvent se baser par exemple sur le défaut d’asphaltage de la chaussée pour apprécier s’il s’agit d’une voie placée hors du réseau communal et donc non prioritaire (art. R 110.1 C. route).
Du côté des assureurs et de la Convention IRSA
On conçoit que face à ce flou juridique, les assureurs aient opté pour des définitions précises lors de l’application des conventions.
Lieux non ouverts à la circulation publique
- lieu où un panneau interdit la circulation de tout véhicule ;
- accès exclusif d’une propriété privée ne faisant pas partie de la voirie communale, départementale ou nationale ;
- présence d’un panneau restreignant la circulation à une catégorie de personnes (exemple : riverains) ;
- lieu interdit par une chaîne ou par une barrière ;
- lieux réservés au stationnement, les chaussées ne débouchant pas de plain-pied sur une autre chaussée, les voies piétonnes, les cours de gare, stations-service, etc.
Sur le croquis du constat, un trait plein ininterrompu (le trait est considéré comme représentant un bateau) prolongeant le bord de la chaussée sur laquelle débouche la voie d’où provient le véhicule, indique que celle-ci n’est pas ouverte à la circulation publique.
Chemin de terre
Trois conditions cumulatives :
- ne pas être présignalé par un panneau réglementaire ;
- aucun revêtement (empierrement, pavage, goudronnage, bitumage) ;
- ne pas faire partie de la voirie communale, départementale ou nationale.
Ces conditions doivent être démontrées par le constat signé des conducteurs, le rapport des autorités ou par les déclarations des témoins figurant au constat. Une attestation de la mairie n’est pas recevable au titre de l’IRSA. Ce qui ne doit pas nuire aux intérêts de celui qui circule sur la chaussée principale, établissant après coup sa priorité, car l’IRSA ne concerne que les recours entre assureurs (IRSA § 1.1).
Que dit le Code ?
Lorsqu’une intersection n’est pas pourvue de feux tricolores, ni dotée d’un panneau réglant la priorité, cette priorité appartient au véhicule venant de la droite SAUF si ce véhicule débouche sur une chaussée ouverte à la circulation publique « en franchissant un trottoir (entendre un « bateau ») ou à partir d’un accès non ouvert à la circulation publique, d’un chemin de terre ou d’une aire de stationnement » (art. R415-9 C. route). Souvent, un « cédez le passage » (AB3A) ou un stop (AB4) vient confirmer cette règle. Le même article précise que le débiteur de la priorité ne peut s’engager qu’avec précaution et à petite vitesse de manière à permettre un arrêt sur place.
Le prioritaire, hors agglomération, peut être avisé de son statut par un panneau AB2 à l’approche de l’intersection ou, de façon plus permanente, par un AB6 au début de la route. Fréquemment, l’intersection lui est seulement signalée (quand elle l’est) par une balise J3. De part et d’autre, il convient de se montrer vigilant.
Véhicule venant d’un chemin de terre
Faute d’une définition du chemin de terre dans le Code, il appartient aux magistrats de statuer sur cette qualification et, surtout, d’indiquer si la voie est ouverte ou non à la circulation publique. La jurisprudence du 5 février 1988 précitée remplit ce rôle en accordant le bénéfice de la priorité de droite à un usager venant d’un chemin de terre ouvert à la circulation publique et débouchant sur une route.
L’incorporation dans la voirie communale atteste que, quel que soit son revêtement ou l’absence de celui-ci, ce chemin peut être considéré ouvert à la circulation publique (Cass. Crim., 5 mars 1985, n° 84-90354). Il n’appartient pas à celui qui circulait sur le chemin de terre de démontrer que celui-ci était ouvert à la circulation publique car la charge de la preuve revient à la partie adverse ou au ministère public pour le pénal.
Cette solution est aussi celle des assureurs avec la Convention IRSA (p. 124) qui précise que, sauf preuve contraire, l’ouverture à la circulation se présume sauf si est cochée la case 4 du constat (« sortait d’un parking, d’un lieu privé, d’un chemin de terre »). Cependant, un conducteur dans cette situation et peu versé dans les arcanes de l’assurance peut cocher cette case, sans pour autant vouloir reconnaître qu’il circulait sur une voie non ouverte à la circulation publique.
Un accident au débouché d’un chemin de terre risque de se résoudre aux torts de celui qui y circulait. Ainsi, cette conductrice sortant d’un chemin de terre privé qui a tourné à gauche et coupé la route à un motocycliste dépassant une file de voitures (voir le schéma ci-dessous). Les deux véhicules se sont heurtés chacun sur leur côté gauche. Vu le caractère privé du chemin, les magistrats n’ont pas voulu reconnaître la priorité à la conductrice et ont retenu son entière responsabilité (Cass. Crim. 7 juillet 1993, n° 92-85748).

La solution a été similaire pour un cyclomotoriste sortant d’un chemin de terre et heurté par un camion. Le fait que celui-ci circulait sur l’accotement ne lui a pas fait perdre la priorité mais le cyclomoteur avait un « cédez le passage » (Cass. Civ. 2, 7 octobre 2010, n° 09-11259). Dans ces circonstances, l’IRSA propose une solution identique par le moyen du cas 51 du barème (voir le schéma ci-dessous).

Véhicule sortant d’un lieu privé
Le véhicule qui débouche d’une habitation et qui franchit le trottoir au moyen d’un bateau est évidemment débiteur de la priorité, tout comme celui qui sort d’un parking. La question est plus délicate lorsqu’il s’agit d’une voie desservant un ensemble immobilier.
L’accès à une résidence était signalé par deux plots en béton et une pancarte indiquant son caractère privé qui l’excluait de la circulation publique sans que la voirie municipale s’y soit opposée. Sortant par cette voie, un automobiliste renverse le pilote d’un deux-roues et le blesse, engageant sa responsabilité totale (Cass. Crim., 21 octobre 2003, n° 02-88363). Même solution avec le barème IRSA.
Cela ne signifie pas que celui sortant d’un lieu privé supporte toujours tous les torts, l’autre usager pouvant avoir aussi commis une faute. Ainsi, une automobiliste (A) quittait une propriété privée et s’engageait sur une départementale lorsqu’elle est percutée et blessée par un usager (B) circulant à une vitesse excessive (voir le schéma ci-dessous). La présence d’un virage n’a permis ni à l’une ni à l’autre de s’apercevoir avant d’aborder l’intersection. Les magistrats ont retenu le défaut de maîtrise de B pour effectuer un partage des responsabilités par moitié (Cass. Crim., 18 juin 2002, n° 01-87703).

Pareillement, un motocycliste est tué dans une collision avec une voiture débouchant d’un ensemble résidentiel ; ce motocycliste circulait en état d’ébriété à une vitesse estimée à 150/160 km/h, la limite se situant à 50 km/h. Un abattement d’un tiers est venu sanctionner ces très graves fautes pour ses ayants-droit (Cass. Crim., 13 mars 2009, n° 08-82480). En cette circonstance, le barème IRSA, ignorant la notion de vitesse, concentre tous les torts sur le débiteur de la priorité.
Une impasse est-elle une voie non ouverte à la circulation publique ?
Une impasse n’est pas une voie soumise à un régime particulier quant à la priorité. Le panneau (F45) qui la signale n’a d’autre objectif que d’indiquer qu’elle est sans issue. Donc, la personne qui y circule bénéficie de la priorité à droite, sauf signalisation contraire et sauf démonstration qu’elle n’est pas ouverte à la circulation publique. Sa dénomination dans la voirie communale lui confère le statut inverse.
Les assureurs avec la Convention IRSA considèrent qu’un bateau à son débouché avec la voie principale lui ôte son caractère prioritaire. La poursuite du caniveau de la chaussée principale au débouché de l’impasse ne peut être interprété comme une signalisation au sol, ni un bateau.
Un accident est survenu entre une motocyclette circulant dans une rue et une voiture débouchant sur sa droite d’une impasse desservant deux maisons. Cette voie ne pouvait qu’avoir une fonction de desserte mais elle était dénommée et les juges ont pu décider qu’elle se trouvait ouverte à la circulation publique. La responsabilité à 100 % est supportée par le motocycliste (Cass. Civ. 2, 20 avril 2000, n° 98-17793). Sous la réserve de satisfaire au régime conventionnel de preuve, l’IRSA parvient à une conclusion identique (cas 51).
Voulant s’engager dans une impasse située sur sa droite, un conducteur se déporte à gauche pour virer à droite. Le motocycliste qui le suivait freine brusquement, ce qui le projette sur la voiture effectuant la manœuvre. Quoique cette manœuvre puisse être qualifiée de perturbatrice, il n’est pas démontré qu’elle a été exécutée en commettant une faute. Seul demeure le défaut de maîtrise du motocycliste qui supporte 100 % de responsabilité (Cass. Civ. 2, 14 mai 1996, n° 94-20670). Là aussi, l’IRSA parvient à la même conclusion (cas 10, voir le schéma ci-dessous).

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