Lorsque la manœuvre de sauvetage n’évite pas l’accident
Ignorée du Code de la route et niée par les assureurs, la manœuvre de sauvetage, exécutée lors de l’accident même qu’elle visait à éviter, constitue un cas plutôt malaisé à traiter. Pourtant, c’était bien l’ultime recours du conducteur voulant éviter l’accident. Mais les responsabilités de chacun n’en demeurent pas moins à définir précisément.
Faute d’une définition fournie par le Code de la route, nous pouvons avancer qu’il s’agit d’une manœuvre d’évitement prise dans l’urgence afin d’échapper à une situation d’accident imminent. Si le choc n’a pas eu lieu, on peut prétendre qu’elle a réussi et aucune question de responsabilité n’est à rechercher sauf si elle a créé les circonstances d’un autre accident concomitant. Si elle n’a pas pu éviter la collision, on la qualifiera facilement d’inappropriée et on recherchera la responsabilité de son auteur. Mais ce n’est pas si simple…
Comment définir la manœuvre de sauvetage ?
Faute d’une définition fournie par le Code de la route, nous pouvons avancer qu’il s’agit d’une manœuvre d’évitement prise dans l’urgence afin d’échapper à une situation d’accident imminent. Si le choc n’a pas eu lieu, on peut prétendre qu’elle a réussi et aucune question de responsabilité n’est à rechercher sauf si elle a créé les circonstances d’un autre accident concomitant. Si elle n’a pas pu éviter la collision, on la qualifiera facilement d’inappropriée et on recherchera la responsabilité de son auteur. Mais ce n’est pas si simple…
Compléter le constat amiable
Aucune case à cocher ne se prête précisément à la manœuvre de sauvetage qui, par nature, intervient dans des circonstances variables et qui se traduit par un parcours spécifique, souvent difficile à décrire.
Toutefois, l’automobiliste dont le comportement justifie la manœuvre de l’autre protagoniste pourra cocher, de son côté et selon le cas, la case 2 « quittait un stationnement, ouvrait une portière » ou 4 « sortait d’un parking, d’un lieu privé, d’un chemin de terre » ou 10 « changeait de file » ou 15 « empiétait sur la partie de la chaussée réservée au sens inverse » ou 16 « venait de droite » ou 17 « n’a pas observé un signal de priorité ou un feu rouge ».
L’auteur de la manœuvre d’évitement a intérêt à ne cocher aucune case et à s’en remettre au schéma avec un souci d’exactitude, et à la rubrique 14 (observations) pour expliquer son comportement. La rubrique 3 au verso du constat est conçue de manière à ce qu’il puisse commenter pour son assureur les circonstances de l’accident, sans que cela ait un caractère probant.
Tribunaux contre Convention IRSA
A circule à gauche. B voulant l’éviter se déporte sur sa gauche et le heurte. Il y a des dommages avant droit sur les deux voitures.
Illustrons ce titre provocateur par un accident banal. Sur une route rectiligne, à double sens, un conducteur voit arriver face à lui une voiture circulant dans son couloir de marche. L’automobiliste distrait persiste dans son erreur et continue de circuler à gauche ; l’autre conducteur ne trouve d’autre moyen d’éviter le choc frontal qu’en braquant brusquement à gauche. Les deux véhicules se heurtent au milieu de la route, chacun étant à gauche dans son sens de circulation (selon schéma du constat, voir ci-contre) et ayant des dommages à l’avant droit.
L’IRSA des assureurs élimine les difficultés d’interprétation des circonstances en indiquant que la manœuvre « ne fait pas obstacle à l’application stricte du barème ». Ce qui conduit à retenir dans ce cas un accident de sens inverse dans lequel les deux conducteurs empiètent sur l’axe médian : cas 21 du barème – responsabilités 50/50. Cette solution inéquitable n’est pas critiquable si elle se borne à régir le recours que les assureurs se font mutuellement. Elle le devient si elle est retenue pour déterminer les droits à indemnisation de l’auteur de la manœuvre d’évitement.
En droit, la manœuvre de sauvetage n’est pas forcément une faute, mieux encore, les tribunaux considèrent comme tel le fait de ne pas l’entreprendre (Cass 2° Civ, 11 septembre 2014, n° 13-24673). Cependant, deux circonstances peuvent notamment entraîner une responsabilité, au moins partielle :
• le défaut d’anticipation : le conducteur aurait dû pouvoir prévenir l’accident. Exemple : un motocycliste doublant une file de voitures exécute une manœuvre pour éviter une voiture venant en sens inverse et tournant à gauche, il heurte un cyclomoteur. Il manquait de visibilité et aurait dû se montrer plus prudent (CA Bordeaux, ct0028, 24 novembre 2006, n°06/00851) ;
• la manœuvre inappropriée : un comportement plus judicieux aurait évité l’accident mais encore faut-il aussi apprécier le caractère d’urgence de la situation. Exemple : un motard heurte un camion venant en sens inverse et entre dans un lieu privé situé sur sa droite. Il a puissamment freiné et a perdu le contrôle de la moto bien qu’il aurait eu la place de passer en serrant à droite. La manœuvre du motard est inadaptée et sa responsabilité est entière (CA Aix-en-Provence, ct0023, 26 septembre 2007, n° 06/5051).
Un cas de force majeure se démontre
Pour que la manœuvre soit considérée comme adaptée, il faut d’abord que la situation imprévisible alléguée par le conducteur soit démontrée. Ainsi, un conducteur roulant à droite voit un chevreuil sur le bas-côté droit se préparant à traverser. Surpris, il se déporte à gauche, franchit la ligne continue et percute une voiture venant en sens inverse. La conductrice de celle-ci et les témoins n’ont pas aperçu l’animal et le tribunal indique que, même si sa présence avait été avérée, la manœuvre d’évitement n’était pas pertinente. Le conducteur ne peut donc prétendre à aucune indemnisation pour la destruction de son véhicule, ce qui lui aurait été acquis si sa réaction avait été justifiée par la présence certaine du chevreuil. Il faut aussi ajouter qu’il avait contre lui d’être anglais et donc soupçonné d’avoir, un instant, repris sa conduite habituelle (CA Paris Pôle 2 Ch. 3, 8 juin 2009, n° 06/09213).
La position adoptée par les magistrats rejoint celle qu’auraient retenue les assureurs en vertu de la Convention IRSA quoique celle-ci, en présence, d’une compagnie d’assurances étrangère, n’a pas d’application. Ils auraient considéré le déport à gauche comme fautif et décidé de la pleine responsabilité du conducteur (cas 20 barème IRSA).
Manœuvre de sauvetage et carambolage
De nuit, deux ensembles routiers circulant sur autoroute se percutent, imposant aux autres poids lourds qui les suivaient de s’arrêter. Quatre trains routiers se trouvaient partie sur la voie d’arrêt d’urgence, partie sur la chaussée de circulation arrêtés et, pour certains, en situation d’accident. Derrière, une voiture survient et sa conductrice voulant éviter par la gauche les poids lourds, perd le contrôle de son véhicule et vient s’encastrer sous une semi-remorque.
Devant le tribunal, la pleine responsabilité de l’accident est imputée à l’ensemble routier dont le manque de maîtrise se trouvait à l’origine du carambolage. Son assureur plaide la vitesse inadaptée de la conductrice et la maladresse de sa manœuvre d’évitement. En appel les juges relèvent qu’un excès de vitesse n’est pas démontré et que l’on ne peut le présumer des circonstances de l’accident. En second lieu, le caractère inattendu de l’obstacle constitué par le groupe de poids lourds arrêtés dans un lieu mal éclairé, expliquait l’échec de la manœuvre. Il est donc tenu compte du caractère imprévisible de la situation et l’insuccès de l’évitement tenté s’en trouve excusé (Cass. 2° Civ., 16 décembre 2004, n° 02-14085).
Un titre de l’IRSA traite spécifiquement des carambolages de 3 à 7 véhicules, y compris s’il y a des véhicules étrangers, comme dans ce cas. Son mécanisme consiste à segmenter l’accident en plusieurs collisions de deux véhicules et à relever dans chacune les responsabilités selon le fameux barème IRSA. En l’occurrence, il est probable que la conductrice aurait été reconnue responsable de la collision avec la semi-remorque, ce qui aurait réduit de moitié son droit à indemnisation. Rappelons une nouvelle fois que son assureur, dans le respect de l’IRSA, ne doit utiliser la Convention que pour son recours.
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