
Quelles que soient leur taille ou leur implication dans la transition énergétique, toutes les entreprises sont désormais amenées à poser un regard nouveau sur leur car policy. Elles y sont poussées par les évolutions récentes que l’on connaît : loi d’orientation des mobilités (LOM), fiscalité du véhicule d’entreprise, WLTP, etc. Mais aussi par l’évolution des propositions des constructeurs.
« Dans les car policies, ce qui fait beaucoup bouger les choses, notamment pour les TPE-PME, c’est la modification du taux de récupération de TVA sur l’essence. Ce taux est désormais au niveau de celui du diesel », note à juste titre Fabien Dieu,...
Quelles que soient leur taille ou leur implication dans la transition énergétique, toutes les entreprises sont désormais amenées à poser un regard nouveau sur leur car policy. Elles y sont poussées par les évolutions récentes que l’on connaît : loi d’orientation des mobilités (LOM), fiscalité du véhicule d’entreprise, WLTP, etc. Mais aussi par l’évolution des propositions des constructeurs.
« Dans les car policies, ce qui fait beaucoup bouger les choses, notamment pour les TPE-PME, c’est la modification du taux de récupération de TVA sur l’essence. Ce taux est désormais au niveau de celui du diesel », note à juste titre Fabien Dieu, directeur général et fondateur du fleeteur Ask, spécialiste des petites flottes. En soulignant l’arrêt de la commercialisation de la Clio en version diesel ‒ comme c’est déjà le cas, un segment en dessous, pour la quasi-totalité des citadines. Un arrêt certes temporaire pour l’incontournable des parcs de véhicules d’entreprise, avec une reprise en juillet, le temps de mettre le 1.5 dCi en conformité avec la norme Euro 6d Full.
Du diesel roi…
Mais de façon générale, l’avenir du diesel n’en reste pas moins très compromis, particulièrement dans les agglomérations urbaines. Ce qui ne va pas sans conséquences pour la pérennité de ces modèles sur le marché de l’occasion et leur attractivité auprès des entreprises. « Le WLTP, la réglementation européenne CAFE, la LOM et l’arrivée de nouveaux produits des constructeurs nous amènent vers une transition énergétique », résume Gérard de Chalonge, directeur commercial et marketing d’Athlon. Chez ses clients, ce loueur observe ainsi que « les véhicules électrifiés pèsent entre un quart et un tiers des commandes », alors que ces chiffres ont longtemps stagné autour des 1 % à 1,5 %.
Mais toutes les TPE-PME ne vont pas substituer du jour au lendemain à leurs Clio diesel des équivalents hybrides ou électriques. Plus sûrement, elles devraient s’orienter dans un premier temps vers des modèles essence de même catégorie. Si la transition énergétique des flottes des TPE-PME est en cours, l’adaptation des motorisations aux usages demeure la règle. « Dans les TPE, le véhicule employé reste souvent la voiture du dirigeant qui réalise de nombreux déplacements, ou bien encore l’utilitaire de l’artisan. Dans ce contexte, le diesel reste plébiscité, constate Gérard de Chalonge. Pour les plus grosses PME, comme pour les grands comptes, les motorisations sont adaptées en fonction des trajets », poursuit ce responsable.
… à la fée électricité
Un constat que valide Olivier Forge pour Richel Group, spécialiste de la construction métallique pour le secteur agricole. À la tête de 70 véhicules (65 véhicules de fonction et cinq utilitaires), ce directeur des achats reconsidère actuellement les motorisations employées dans sa flotte. « Nous n’envisageons pas l’électrification ou l’hybridation pour les conducteurs qui roulent de 5 000 à 6 000 km par mois. Nous nous sommes penchés sur la solution hybride mais elle n’est pas adaptée à de longs déplacements. Pour ces trajets, avec la crise sanitaire, nous disposons de moins de solutions de substitution, avec moins d’avions et des trains plus aléatoires, note Olivier Forge. Pour les motorisations alternatives, nous visons surtout les voitures de fonction supports de direction qui roulent entre 1 000 et 3 000 km par mois. Certaines sont d’ailleurs déjà passées en essence pour limiter la taxation », rappelle-t-il (voir le reportage).
Cette relative facilité des TPE et PME à se mettre aux nouvelles motorisations tient à plusieurs raisons. Chez les professions libérales par exemple, le comportement d’achat, proche de celui des particuliers avec une notion de conduite plaisir, favorise l’adoption des dernières innovations du marché. Les gammes hybrides sont alors largement commandées parce qu’elles peuvent aussi alléger la fiscalité.
Autre élément en faveur d’une évolution vers les motorisations alternatives : en 2020, les TPE-PME, moins enclines que les grands comptes à faire appel à la location longue durée, ont maintenu les renouvellements prévus dans les flottes, à l’opposé des plus grandes entreprises qui ont souvent prolongé leurs contrats.
Le TCO s’impose
Et pour ces renouvellements, ces petites structures se sont logiquement orientées vers les dernières offres des constructeurs (voir l’encadré ci-dessous). D’autant que nombre d’entre eux ont renforcé les compétences de leurs réseaux en matière d’accueil des professionnels : pour informer des changements des règles fiscales, des contraintes de circulation, etc. Ces réseaux contribuent aussi à vulgariser la notion de TCO. « Le calcul du TCO n’est plus le privilège des grandes entreprises, assure Boris Ilic, responsable des ventes sociétés d’Audi France. Il entre dans les mœurs des TPE-PME qui intègrent désormais dans le prix du véhicule l’ensemble des coûts. » Et la diffusion de cette notion participe aussi à l’engouement pour les motorisations alternatives.
« Avec le WLTP, il y a eu une prise de conscience que le loyer ne représente qu’une composante du coût qu’il faut suivre, avalise Fabien Dieu pour Ask. Les entreprises se positionnent de plus en plus sur une approche du TCO et du coût global de la flotte. Ce qui fait bouger les lignes : elles se rendent compte qu’un hybride n’entraîne pas forcément de surcoût. Mais, nuance ce responsable, cette approche est surtout valable pour les plus gros véhicules. » Quant au choix de l’électrique, il resterait encore réservé à des pionniers capables de s’accommoder des contraintes d’autonomie et de recharge.
Pocheco mise sur l’électrique
C’est le cas de Pocheco, une PME de la métropole lilloise qui produit des enveloppes de gestion recyclables, biodégradables et zéro déchet. Pocheco n’utilise plus de voitures thermiques mais uniquement des modèles électriques : quatre Nissan Leaf et trois Zoé, soit respectivement quatre voitures de fonction et trois de service.
« Nos déplacements professionnels s’effectuent dorénavant soit en voiture électrique, soit en transports en commun. Le parc de voitures de service est récent puisqu’il date de 2018. Auparavant, les salariés se déplaçaient avec leur propre voiture et étaient indemnisés au kilomètre, pour des montants parfois importants. Les voitures de fonction sont mises à disposition toute la journée pour l’ensemble des salariés si nécessaire », exposent Édouard Sellier et Kévin Franco, tous deux chargés de mission au sein d’Ouvert, le bureau d’études de Pocheco.
Et Pocheco est allé plus loin : ses conducteurs ont la possibilité de recharger les véhicules par le biais de 1 500 m2 de panneaux solaires installés sur les toits de l’entreprise. « Nous avons trois bornes sur notre parking de dix places. La première pour la première génération de Zoé. Nous avons ensuite visé les bornes rapides capables de recharger en trente minutes. Nous avons aussi la possibilité de branchements sur secteur », poursuivent Édouard Sellier et Kévin Franco (voir le témoignage).
LOA et achat plutôt que LLD
Si la conjoncture a amené les TPE-PME à reconsidérer les motorisations employées dans leurs parcs, elle n’a pas encore bousculé de manière flagrante leurs choix de financement. On sait les plus petites entreprises réticentes à se tourner vers la LLD, et plus enclines à s’orienter vers la LOA ou l’achat. Les causes qui les détournent de la LLD sont connues. Les artisans préfèrent acquérir un véhicule, surtout un utilitaire souvent équipé par leurs soins, avec un achat amorti en plusieurs années, plutôt que payer un loyer pour un véhicule qui ne leur appartiendra pas en fin de contrat (voir aussi l’encadré ci-dessous).
C’est vrai pour Pocheco qui a ainsi préféré l’achat à la location pour ses voitures de fonction électriques, soit trois Leaf dont deux ont dépassé les 100 000 km en moins de trois ans. « En raison du coût environnemental important de la voiture, il est nécessaire de la faire durer le plus longtemps possible et de l’amortir sur le long terme. Alors que la renouveler en location implique son remplacement et la production d’une nouvelle unité », justifient Édouard Sellier et Kévin Franco.
Avec cette précision : « Nous ne sommes pas tout à fait convaincus par l’électrique en raison de l’épuisement des ressources lié à l’utilisation des batteries. Mais si nous n’investissons pas maintenant dans cette technologie, nous ne finançons pas la recherche pour développer demain des solutions plus performantes écologiquement. De plus, après un certain nombre de kilomètres parcourus, le bilan écologique est favorable à la voiture électrique », ajoutent Édouard Sellier et Kévin Franco.
Les limites de la location longue durée
Pour d’autres, comme le spécialiste de l’implantation de parc éoliens Kallista, ce sont les valeurs de revente des véhicules électriques estimées par les loueurs qui restent encore trop basses et poussent à s’orienter vers d’autres modes de financement. Kallista est à la tête d’une flotte de quatorze véhicules dont neuf électriques et cinq thermiques. « Nous avons des véhicules achetés et loués avec des contrats sur quatre ans. Mais nous nous interrogeons pour basculer ces contrats en achat, avance Johann Tardy, le directeur général. Les loueurs prennent en effet beaucoup de marge de sécurité financière par rapport au prix de revente des batteries. Or, nous avons pu constater que les batteries gardent une bonne autonomie sur la durée. Au bout de 100 000 km, elles perdent peu de leur capacité de charge et nous pourrions diminuer les coûts en achetant les véhicules », note ce dirigeant (voir le reportage).
Mais malgré les résistances exprimées par des TPE-PME, les loueurs restent confiants dans l’avenir de leurs produits. « La LLD progresse année après année auprès des TPE-PME », constate Gérard de Chalonge pour Athlon. Et la diffusion de la LLD repose notamment sur la proposition renforcée de cette solution dans les concessions. « La présentation des produits s’axe plus sur les solutions de LLD, ce qui entraîne des entreprises à y adhérer », poursuit ce responsable. En estimant actuellement à 10 % le taux de pénétration de la LLD auprès de ces entreprises. « Mais il y a encore beaucoup à faire pour évangéliser ce marché. »
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