
En 2017, le parc français roulant comprenait 1 282 poids lourds de plus de 3,5 t roulant au gaz, selon l’Observatoire du véhicule industriel (OVI). Ce chiffre est passé à 2 282 porteurs ou tracteurs en 2018, contre 94 camions électriques et 12 camions à essence (statistiques RSVERO). Pour 2019, l’OVI pense que le nombre de VI au GNV va s’accroître encore de 1 500 unités, atteignant 3 782 véhicules. Si ce chiffre est loin des 334 000 poids lourds français roulant au gazole, cette accélération atteste de la préférence marquée des transporteurs routiers pour le gaz.
Premiers tours de roue au GNV
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En 2017, le parc français roulant comprenait 1 282 poids lourds de plus de 3,5 t roulant au gaz, selon l’Observatoire du véhicule industriel (OVI). Ce chiffre est passé à 2 282 porteurs ou tracteurs en 2018, contre 94 camions électriques et 12 camions à essence (statistiques RSVERO). Pour 2019, l’OVI pense que le nombre de VI au GNV va s’accroître encore de 1 500 unités, atteignant 3 782 véhicules. Si ce chiffre est loin des 334 000 poids lourds français roulant au gazole, cette accélération atteste de la préférence marquée des transporteurs routiers pour le gaz.
Premiers tours de roue au GNV
Le premier transporteur français à s’être lancé dans le gaz naturel GNV est sans doute les Transports P. Mendy (40). En 2009, son dirigeant Patrick Mendy a convaincu son client Intermarché de l’accompagner sur le GNV, un choix osé car le gaz conserve alors une réputation de dangerosité. Mais la technologie d’Iveco est fiable, ne coûte que 20 % de plus qu’un véhicule diesel et les stations GNV de l’Espagne toute proche garantissent l’approvisionnement.
« Dès 2009, nous avons expérimenté le GNV, rapporte Patrick Mendy. En 2014, nous avons contribué à créer la première station GNL/C (gaz naturel liquéfié/comprimé) de France à Castets (40), et intégré nos premiers camions GNC dans la flotte, les premiers à être homologués » (voir aussi le témoignage).
Avec les avancées technologiques, le transporteur s’est orienté vers les tracteurs au GNL, essentiellement pour leur autonomie : 1 500 km pour le GNL avec un double réservoir, contre 600 km au maximum pour le GNC.
« La première génération de camions GNV s’équipait de moteurs 330 ch BVM ; peu à peu, nous sommes passés à des Iveco Stralis NP au GNL de 460 ch avec BVA, avec une puissance et un couple accrus. Nous avons aussi amélioré le confort du poste de conduite et la vitesse commerciale, puisque nous avons perdu du poids avec onze cuves en acier pour le GNC contre deux réservoirs en inox sur le GNL. Tout cela a amélioré notre rentabilité », expose Patrick Mendy. Qui complète : « L’usage de tracteurs GNC suffit pour des parcours de distribution régionale de 400 km avec retour au point de départ, mais à condition que les livraisons soient réalisées en double poste (2×8), puisque la rentabilité s’obtient sur le “kilomètre roulé“. Au-delà, il est préférable de passer au GNL. »
Depuis 2018, les Transports P. Mendy comptent 30 Stralis au GNL et en attendent de nouveaux pour fin 2019. En France, cette expérience a fait école, tant pour l’association avec un client et des fournisseurs pour garantir les investissements et augmenter la consommation de GNV, que pour les chiffres collectés par Patrick Mendy. Ceux-ci attestent que par rapport au diesel, le GNV représente une réduction de 45 % de l’oxyde de carbone (CO), de 18 % du CO2, de 68 % de l’oxyde d’azote (NOx) et de 82 % des particules fines (PPM).
De son côté, Pascal Charrier, président du Groupe Transports Barré (44), s’est lancé en 2013. « Comme nous faisons du transport sous température dirigée en longue distance, nous avons démarré directement avec des tracteurs au GNL, explique-t-il. Et alors que notre flotte ne comprend que 200 véhicules moteurs, nous nous sommes appuyés sur nos clients Lactalis, Danone ou Carrefour, mais aussi sur les loueurs Via Location et Fraikin, pour tester en conditions réelles des Volvo et Iveco au GNL. Chargé à 44 t, le Volvo FH ne roulait que sur 900 km. Le Stralis NP de 400 ch offrait une autonomie d’au moins 1 300 km pour une charge identique. »
Le Groupe Transports Barré a intégré 71 Stralis entre 2018 et 2019, avec au total une flotte GNL de 96 véhicules. Engie a fourni une station de gaz mobile au siège du transporteur à Vallette (44).
Une démarche collaborative autour du GNV
Grâce à un partenariat avec Fraikin, le Groupe Transports Barré a intégré 71 Stralis en « full service » entre 2018 et 2019, avec au total une flotte GNL de 96 véhicules. Engie a alors fourni une station de gaz mobile au siège du transporteur à Vallette (44) et à Nancy. Un second partenariat avec Air Liquide a fait bénéficier le transporteur d’un tarif unique du GNL sur toute la France alors qu’il opère sur les régions à l’ouest et à l’est de Paris, la Bourgogne et l’ouest lyonnais, et le Sud-Est.
« Nous sommes totalement convaincus par la motorisation au gaz : elle est puissante et abaisse le bruit en cabine de plusieurs décibels, ce qui fatigue moins les chauffeurs. Nous attendons encore 12 véhicules au GNL pour la fin 2019 et, d’ici la fin 2020, 95 % de la flotte se composera de véhicules au GNL », anticipe Pascal Charrier.
LE GNC s’invite dans le combiné rail-route
Pour la livraison des conteneurs maritimes et des caisses mobiles en combiné rail-route, TAB a pour sa part fait le choix du GNC lorsqu’il a basculé sur le GNV. « Si nous réalisons des trajets de 800 km par chemin de fer, nos livraisons par route depuis nos terminaux ferroviaires s’effectuent dans un rayon de 200 km, justifie Jean-Claude Brunier, président de TAB. Le GNC nous convient donc, même pour des charges de 44 t. Il est moins salissant que le diesel et plus simple que le GNL car nos conducteurs n’ont pas à porter d’équipement de protection individuelle (EPI) pour faire leur plein tous les deux jours. »
C’est en 2016 que Jean-Claude Brunier a décidé de passer au GNC parce que ses clients exigeaient le recours à des véhicules au GNV pour atteindre leurs objectifs environnementaux. « Les premiers tests ont été difficiles : la boîte de vitesses mécanique des Scania était fragile et les moteurs 330 ch d’Iveco trop petits. Mais nous avons persévéré et la réticence des conducteurs a disparu avec l’arrivée du Scania 410 ch à boîte robotisée et des Iveco Stralis de 400 ch », relate-t-il.
Aujourd’hui, TAB compte vingt tracteurs GNC en exploitation et dix autres sont commandés pour la fin de l’année, soit un total de trente véhicules au GNV pour une flotte en propre de 100 tracteurs. « Nous n’achetons plus que des véhicules au gaz et faisons des émules parmi nos sous-traitants dont la flotte réunit 200 véhicules », souligne Jean-Claude Brunier.
Mais TAB n’aurait pu progresser aussi vite sans les aides publiques. Il y a ainsi eu le fait que la SEM (société d’économie mixte) Sigeif Mobilités a lancé en 2016 son projet de station de gaz dans le cadre du terminal ferroviaire de Paris-Valenton (94). « Disposer d’une station de distribution de gaz ouverte 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 est un prérequis pour rouler au GNV », reconnaît Jean-Claude Brunier. Connectée au réseau GRDF, cette station distribuera du biométhane aussitôt que la centrale de méthanisation en construction sera opérationnelle.
TAB a aussi glané les aides publiques : « À l’échelle nationale, la carte grise est gratuite pour les camions au GNV et avec un amortissement de 140 % pour l’achat des véhicules. Nous avons aussi obtenu des aides de 3 000 euros par véhicule de l’Ademe et des régions PACA, et des aides locales à Marseille, Paris et Bordeaux », détaille Jean-Claude Brunier
Le transporteur TAB compte vingt tracteurs GNC en exploitation et dix autres sont commandés pour la fin de l’année, soit un total de trente véhicules au GNV pour une flotte en propre de 100 tracteurs.
Des aides indispensables pour le GNV
À travers Fraikin, l’Agence d’innovation de l’Union Européenne a aussi apporté un appui à TAB : « En partenariat avec le Sigeif et Fraikin, nous avons participé au projet Blending Call sous le nom “Olympic Energy“ et nous avons remporté une aide de plusieurs milliers d’euros par véhicule. Comme nous conservons nos tracteurs de six à sept ans parce qu’ils parcourent un faible kilométrage, nous sommes sûrs d’amortir nos véhicules », expose Jean-Claude Brunier. « Cette aide, précise Olivier Dutrech, directeur de l’innovation de Fraikin, consiste en une prise en charge par l’UE d’une partie du différentiel de coût entre les VI au gaz et ceux au diesel pour les 300 prochains véhicules au gaz que nous achèterons et louerons dans les cinq années à venir. Nous recevons l’aide et la répercutons à nos clients sous forme de minoration des loyers. »
Posséder sa propre station GNV…
Président de Picq et Charbonnier, Christophe Charbonnier avait une bonne raison de passer au GNL : « Nous sommes un transporteur grand routier et le cumul des kilomètres parcourus chaque jour par nos 130 véhicules équivaut à un tour de la Terre, rappelle-t-il. J’ai donc décidé de réduire notre empreinte carbone. » Une démarche volontariste pour laquelle le transporteur n’a sollicité aucun client.
Comme Picq et Charbonnier avait besoin du GNL pour ses 1 500 km d’autonomie, il a acheté en crédit-bail 17 tracteurs Stralis NP GNL de 400 ch en 2017 pour bénéficier d’un volume suffisant de consommation de GNL. « En m’appuyant sur le réseau coopératif Gaz’UP, j’ai donc ouvert ma propre station publique de GNL/C à Auxerre, dans la zone industrielle de la nationale 6. C’était un vrai risque financier car, pour fiabiliser la station, j’ai doublé les pièces fragiles, ce qui fait qu’elle m’a coûté 1,4 million d’euros (au lieu de 800 000 à 1,2 million en moyenne, ndlr). Mais elle ne tombe jamais en panne, ce qui a fidélisé les transporteurs et les particuliers », décrit Christophe Charbonnier.
Créé par Nicolas Julien et Arnaud Bilek, Gaz’UP fonctionne selon un principe coopératif : ce réseau mobilise des transporteurs pour qu’en se groupant, ils financent la station. Ils en deviennent alors les actionnaires. Gaz’UP gère la station et fournit le GNV en se rémunérant sur le volume de gaz vendu. À l’heure actuelle, Gaz’UP compte 108 abonnés et gèrent trois stations à Auxerre, Toulouse et Montauban. En 2020, le réseau veut ouvrir des stations à Rodez, Bordeaux et au Coudray-Montceaux (91).
… et la rentabiliser
« Nous garantissons aux transporteurs une économie fixe par rapport au gazole et réévaluée mensuellement. En juin 2019, le gain net se situait entre 0,33 et 0,40 euro/kg de gaz. Chaque mois, nous reversons aux actionnaires un loyer qui, sur dix à vingt ans, couvre leurs investissements. Donc, plus les transporteurs actionnaires alimentent de véhicules et plus vite ils rentabilisent leurs stations », argumente Lionel Roux, responsable commercial et marketing de Gaz’UP.
Pour Picq et Charbonnier, Christophe Charbonnier est satisfait : « Nous servons 30 à 40 poids lourds par jour et atteignons un seuil annuel de 1 200 t de GNV, ce qui fait que la station est devenue rentable. Nous avons déjà 41 tracteurs au GNL que nous faisons rouler entre 110 et 120 000 km par an pour les rentabiliser et ils ne consomment que 28 kg/100 km. Nous renouvelons toute la flotte avec des tracteurs au GNL, à raison de 30 véhicules par an achetés en “full service“. »
En juin 2019, le groupe Malherbe, engagé depuis 2010 dans les énergies propres aux côtés de l’Ademe, a lui aussi inauguré une station GNL/C publique sur son site de Carpiquet. Proche du périphérique de Caen et d’un carrefour d’autoroutes, celle-ci reste propriété du fournisseur de gaz Naturgy ; mais en s’engageant à s’avitailler en gaz prioritairement dans les stations Naturgy, le transporteur bénéficie d’un tarif unique.
Un cercle vertueux avec le BioGNV
Directeur des achats et directeur délégué aux opérations, chargé en outre du renouvellement de 250 à 300 véhicules par an pour le groupe Malherbe, Yannick Duval a géré le projet : « Nous recevons une forte demande des clients du secteur agroalimentaire pour transporter leurs produits avec des véhicules propres. Cela fait suite suite à notre expérience avec la SEM Liger qui nous a confié en 2017 l’approvisionnement en matières premières de sa nouvelle usine de production énergétique de Locminé (56) », rapporte-t-il.
Quatre camions au GNC chargent ainsi les lisiers, les boues et les déchets d’usines situées aux alentours et les acheminent sur le site Liger où ils sont transformés en différentes énergies dont le BioGNV. Cette énergie, produite sur le site de Locminé, alimente à son tour les quatre véhicules de Malherbe. « Ces nouveaux véhicules sont techniquement viables et fiables, et adaptés à l’ensemble de nos flux (charges transportées et kilomètres parcourus en moyenne). Mais l’utilisation de camions gaz n’est pas possible sans la présence d’une station GNL/C », reprend Yannick Duval.
Malherbe a donc travaillé avec Naturgy pour installer une station sur son terrain. Le choix de 20 véhicules, soit 12 Volvo, 5 Scania et 3 Iveco, était nécessaire pour que la station soit rentable. Le transporteur a opté pour la location avec option d’achat et les véhicules sont positionnés principalement sur des flux Normandie-Région Parisienne, sur des activités de location pour la grande distribution et pour l’industrie agroalimentaire. Chaque camion parcourra 900 000 km sur cinq ans et sera repris en fin de vie par le constructeur car le marché de l’occasion pour les véhicules gaz reste inconnu.
« Le gaz n’a pas changé notre gestion de la flotte et des livraisons, mais la gestion des conducteurs a nécessité la mise en place de formations obligatoires pour l’approvisionnement. Ce projet GNV nous satisfait car il est fédérateur. Il mobilise nos équipes techniques, opérationnelles et managériales, et suscite un vif intérêt économique et sociétal, tant en interne qu’auprès de nos partenaires privilégiés », conclut Yannick Duval.
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