
Les transporteurs routiers de marchandises aiment les défis technologiques quand ceux-ci débouchent sur une amélioration pour leurs entreprises et leurs clients. Suivant les traces de Deret Transporteur, Jacky Perrenot a par exemple testé l’hybride pour ses clients Carrefour et Casino en 2012-2013. Mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous : « L’entraînement électrique s’arrêtait au-delà de 15 km/h et le camion roulait presque toujours au diesel, avec des nuisances sonores inchangées, rapporte Jonathan Bertin, chef de projet énergies alternatives du transporteur. Et avec la double motorisation, la charge utile restait faible. Nos clients...
Les transporteurs routiers de marchandises aiment les défis technologiques quand ceux-ci débouchent sur une amélioration pour leurs entreprises et leurs clients. Suivant les traces de Deret Transporteur, Jacky Perrenot a par exemple testé l’hybride pour ses clients Carrefour et Casino en 2012-2013. Mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous : « L’entraînement électrique s’arrêtait au-delà de 15 km/h et le camion roulait presque toujours au diesel, avec des nuisances sonores inchangées, rapporte Jonathan Bertin, chef de projet énergies alternatives du transporteur. Et avec la double motorisation, la charge utile restait faible. Nos clients distributeurs n’ont pas été satisfaits et nous avons abandonné le projet. »
Jacky Perrenot de l’hybride à l’électrique
Signataire de la Charte d’engagements volontaires de baisse des émissions de CO2 du transport routier, Jacky Perrenot s’est donc tourné vers l’électrique en s’impliquant dans les tests de probation demandés par les constructeurs pour valider leurs véhicules. « Nous avons acquis et testé des VUL électriques et nous attendons un camion électrique eTGM de MAN de première génération pour la fin 2019 », relate Jonathan Bertin.
Doté d’un PTAC de 26 t, cet eTGM est le premier d’une série destinée à la distribution urbaine des clients de Jacky Perrenot : Franprix et Leader Price, du groupe Casino. « Notre objectif est d’être les premiers à créer le monde du transport de demain. Les contraintes Crit’Air et les épisodes caniculaires inquiètent les chargeurs. Notre volonté est de faire rouler des véhicules qui n’émettront plus de particules fines, ne pollueront plus en ville et seront le plus silencieux possible », expose Jonathan Bertin.
En limitant ses émissions polluantes, le transporteur veut conserver, pour ses clients chargeurs et distributeurs, l’accès aux zones à faible émissions (ZFE) et aux métropoles qui, à l’instar de Paris ou Lyon, interdiront leur centre-ville aux véhicules polluants à partir de 2025. À noter que Jacky Perrenot pousse sa démarche encore plus loin : avec le tracteur électrique Terberg, le transporteur veut se lancer dans le brouettage de remorques sur les parcs urbains.

DB Schenker se lance
De l’autre côté du Rhin, le spécialiste de la logistique DB Schenker s’est engagé dans une démarche similaire. Avec cinq grands groupes européens, il a adressé, le 4 février 2019, un courrier aux institutions européennes demandant de « fixer dès 2025 un objectif ambitieux de ventes de camions zéro émission ». Pour cela, le transporteur a expérimenté de nombreux modèles à batteries 100 % électriques (BEV), depuis des utilitaires eCanter de 3,5 à 7,5 t de Daimler Trucks jusqu’aux VUL et aux camions – en l’occurence deux porteurs de 12 t et 18 t de la série eTruck de MAN. Tous se destinent à la distribution urbaine dans un rayon de 150 km.
Les premiers résultats sont positifs : en consommation d’énergie, les véhicules électriques sont considérablement plus efficients que des diesel et deux fois plus que des GNV, avance DB Schenker. Et selon les normes européennes de la production électrique (0-1,200 mg/kWh), les eTrucks se montrent aussi 10 % moins polluants que les modèles au gaz.
Ces camions électriques interviennent dans les tournées habituelles de DB Schenker en conditions réelles et, à ce stade, rentrent au dépôt avec 50 % de leur capacité électrique encore disponible. « Les performances annoncées des eTrucks sont confirmées en poids transporté, en vitesse de roulage et en temps de recharge des batteries. La plus grande contrainte a été d’implanter des stations de recharge », note le transporteur. Dont l’objectif est désormais d’intégrer davantage d’eTrucks dans sa flotte. Selon le calendrier de production annoncé par MAN, ces prochains eTrucks devraient être de deuxième génération et produits en série pour fin 2019 ou début 2020.
D’autres transporteurs se penchent sur l’électrique. C’est le cas du logisticien allemand spécialiste du froid Nagel, du transporteur suisse Camion Transport ou du groupe suisse de distribution alimentaire Migros. Tous trois travaillent en conditions réelles avec des eActros de Mercedes Benz. Migros et Camion Transport se sont ainsi engagés depuis juin 2019 à tester pendant un an l’eActros de Mercedes. Migros a donc opté pour un porteur eActros de 25 t pour livrer ses supermarchés de Zurich et des environs dans le cadre d’une tournée quotidienne de 150 km. Avec un bénéfice pour le constructeur qui met à l’épreuve du quotidien ses porteurs électriques de 18 à 25 t.

De 3 à 5 ans pour transformer la flotte
Bien qu’ils ne représentent que 1,51 % de la flotte française de véhicules, les poids lourds rejettent 35 millions de tonnes de CO2 par an, soit 6,7 % de l’ensemble du CO2 produit par toute la France, selon les chiffres 2018 de la Fédération nationale du transport routier. Une disproportion entre un nombre de véhicules et un impact écologique difficilement réductible. Outil de travail des transporteurs, le camion a en effet pour vocation d’accumuler les kilomètres, ce qui ne correspond pas nécessairement à ce que peuvent apporter des modèles électriques. Et pour les constructeurs, « il faut dix ans pour renouveler une gamme », rappelle Martin Daum, membre du directoire de Daimler en charge de Trucks & Buses. Les transporteurs, eux, auraient besoin de trois à cinq ans pour transformer leurs flottes en respectant le calcul du TCO. L’heure des premiers bilans n’a donc pas encore sonné.