
Le 18 mai 2021, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté les orientations du rapport d’information rédigé par Rémy Pointereau et Nicole Bonnefoy, rapporteurs de la « mission d’information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux ». Ces derniers ont effectué 40 propositions dont certaines seront traduites en amendements et examinées par les sénateurs dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience ». Plusieurs d’entre elles concernent directement les flottes de véhicules utilitaires et de poids lourds.
Décarboner le transport de marchandises
Pour encourager la décarbonation du secteur du transport de marchandises (TRM), le rapport recommande ainsi de publier au plus vite une « feuille de route relative à la transition du parc de poids lourds » et de renforcer les dispositifs d’aide. Il suggère d’augmenter du plafond du bonus écologique, de l’élargir aux biocarburants, de pérenniser le dispositif de suramortissement ou encore de développer de solutions de prêt à taux zéro. Le rapport propose également de créer une prime à la destruction des véhicules lourds dotés d’un moteur de plus de douze ans et d’accorder aux véhicules lourds électriques un taux réduit pour la contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Enfin, face à l’essor de la logistique urbaine, les rapporteurs conseillent également de renforcer et de prolonger le suramortissement pour l’achat d’un VUL électrique, hydrogène ou GNV jusqu’en 2030. En parallèle, ils incitent le gouvernement à renforcer les contrôles techniques des VUL sur le modèle de ceux applicables aux PL, avec notamment l’instauration d’un contrôle annuel pour les VUL utilisés pour le compte d’autrui, qui disposeraient d’une signalétique spécifique facilitant leur identification. S’y ajouterait l’instauration d’une formation initiale obligatoire des conducteurs des VUL utilisés pour le compte d’autrui comprenant un volet relatif à l’éco-conduite.
Concernant la taxation, le rapport suggère que l’UE supprime l’obligation de maintien de la taxe sur les véhicules routiers (TVSR), aussi appelée « taxe à l’essieu », et harmonise la fiscalité sur le gazole routier. À l’échelle française, les rapporteurs s’inquiètent de la mise en œuvre d’une éventuelle taxation des PL pour l’utilisation d’infrastructures routières gérées par les régions. Ils proposent de privilégier une « écocontribution fondée sur une tarification kilométrique et harmonisée au niveau national ». Le cas échéant, les poids lourds effectuant du transport combiné pourraient bénéficier de taux réduits. Les rapporteurs proposent aussi qu’une part des recettes fiscales supplémentaires issues de l’évolution de la fiscalité des carburants ou de la mise en place d’une écocontribution soient fléchées vers le secteur routier.
Massifier grâce au ferroviaire et au fluvial
Le rapport mise également sur la massification du transport de marchandises (TRM) via notamment le recours au transport combiné entre le routier et le ferroviaire ou le fluvial. Pour cela, les rapporteurs souhaitent fixer le montant annuel des aides au transport combiné – aussi appelées « aides à la pince » – à 80 millions d’euros, contre 47 millions en 2021 et 27 millions auparavant. Le transport combiné pourrait également être mieux intégré dans le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE). La commande publique pourrait en outre servir à « mutualiser les livraisons du dernier kilomètre par quartier dans les communes les plus denses. »
Les rapporteurs suggèrent par ailleurs la mise en place d’une contribution des donneurs d’ordres et des acteurs de l’e-commerce pour les « inciter à privilégier un transport massif et décarboné » et de sanctions pour « les transporteurs qui n’informent pas les chargeurs de l’impact environnemental du transport de leurs marchandises ». La création d’un label est envisagée pour « valoriser les entreprises engagées dans une démarche de logistique durable, y compris concernant le dernier kilomètre. »
Réduire les nuisances
Enfin, le rapport s’intéresse à la réduction des nuisances liées au TRM dans les territoires, telles que le bruit, la congestion, la dégradation de la voirie, l’artificialisation des sols ou encore l’insécurité routière. Les rapporteurs demandent la publication d’une circulaire pour « informer les maires du cadre juridique et de la jurisprudence en matière de régulation du trafic de poids lourds qui traversent leur commune » et d’un arrêté cartographiant les principaux « itinéraires de fuite » que les PL empruntent pour éviter les autoroutes à péages.
Cette cartographie permettrait aux préfets de consulter les parties prenantes et de déterminer un plan d’action visant à réduire les nuisances, et ce avant le 1er janvier 2023. En cas d’échec de cette consultation, les territoires auraient l’obligation de mettre en place d’ici le 1er janvier 2024 des « zones de réduction des nuisances liées au transport routier de marchandises » (ZRN), inspirées du modèle des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Les rapporteurs réclament de plus un renforcement des contrôles et des sanctions en cas de non-respect des arrêtés d’interdiction de circulation des PL pris par les maires. Ces derniers devraient en outre être obligatoirement pris en compte par tous les systèmes de navigation. Le rapport estime par ailleurs que « la création d’une écotaxe dont le montant serait aligné ou proche de la redevance payée aux péages contournés réduirait les tentations de contournement ».
À noter enfin que le rapport propose d’interdire les dépassements de poids lourds sur les routes nationales à deux fois deux voies en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le risque routier.