
L’inertie des véhicules électriques, considérée comme un travers de l’automobile en général, pourrait bien devenir une qualité grâce au V2G. En effet, selon les estimations, la grande majorité des véhicules passeraient plus de 90 % de leur temps immobiles. Mais au milieu des années 90, une idée a émergé : une fois les véhicules électriques à l’arrêt, leurs batteries pourraient servir de ressource électrique d’appoint au réseau. Pour alimenter une maison en électricité par exemple, ou pour apporter au réseau un surplus de ressources si besoin.
Ce qui était au départ une intuition de deux universitaires américains a donné naissance en 2002...
L’inertie des véhicules électriques, considérée comme un travers de l’automobile en général, pourrait bien devenir une qualité grâce au V2G. En effet, selon les estimations, la grande majorité des véhicules passeraient plus de 90 % de leur temps immobiles. Mais au milieu des années 90, une idée a émergé : une fois les véhicules électriques à l’arrêt, leurs batteries pourraient servir de ressource électrique d’appoint au réseau. Pour alimenter une maison en électricité par exemple, ou pour apporter au réseau un surplus de ressources si besoin.
Ce qui était au départ une intuition de deux universitaires américains a donné naissance en 2002 au concept de « V2G » ou « vehicle to grid », ce qui se traduit en français par « véhicule relié au réseau ». Difficile, compte tenu du peu de véhicules électriques alors en circulation, de tester la technologie V2G en grandeur nature. C’est au début des années 2010 qu’ont commencé les expérimentations à plus grande échelle : au Japon, aux États-Unis, au Danemark ou au Royaume-Uni. En France, le déploiement de cette technologie a pris un réel essor avec la création de la Dreev en 2019. Une coentreprise créée par EDF en partenariat avec Nuvve, une start-up californienne spécialisée dans l’exploitation du V2G.
Depuis quelques années maintenant, les projets se multiplient : la Dreev annonce environ 200 bornes V2G en France actuellement, comme avec les déploiements organisés dans le cadre de Flexitanie dès 2020 en Occitanie. Un projet auquel ont participé l’École d’ingénieurs de Purpan, ou des sociétés comme Hotravail, qui travaille principalement dans le paysagisme et l’entretien de l’environnement, avec des véhicules employés par des professionnels de différents corps de métier : peintres, menuisiers, plombiers. Ou bien encore la société D&S, spécialisée notamment dans la prévention des risques nucléaires.
200 bornes V2G en France
Pour les véhicules des entreprises concernées, la mise en place de cette technologie, par le biais de bornes bi-directionnelles spécialement conçues pour recharger les voitures et les décharger selon les besoins du réseau, est quasiment sans conséquence. Seule spécificité, les conducteurs doivent indiquer, sur une application, à quels horaires ils souhaitent se servir de leur véhicule et à quel niveau de charge ils veulent que ce véhicule ait fait « le plein » lorsqu’ils le débranchent pour le faire rouler. Un mode de fonctionnement qui convient à des véhicules de flottes d’entreprises ou de collectivités qui peuvent anticiper les plages horaires d’immobilisation de ces véhicules, le plus souvent la nuit. Avec un bénéfice : l’utilisation de l’énergie par le réseau est rémunérée.
V2G : une batterie géante, agrégat de véhicules électriques
La diffusion de ces bornes demeure pour l’instant limitée par la disponibilité de la technologie sur les véhicules. Seuls ceux dotés d’une prise Chademo autorisent la bi-directionnalité du courant. Mais cette situation est appelée à évoluer. L’extension de la technologie à d’autres véhicules intervient alors que le V2G accroît son potentiel. Car depuis le 1er février, RTE, l’organisme en charge de l’organisation du réseau électrique français, a certifié la participation des véhicules électriques à l’équilibre en temps réel du système électrique. « Dès que la consommation et la production ne sont pas parfaitement équilibrées, un déséquilibre se crée dans le réseau, qui peut aller jusqu’au black-out », explique Éric Mevellec, le directeur général de la Dreev. Jusqu’ici, des structures comme les centrales à gaz ou à charbon pouvaient prendre part au rééquilibrage si besoin. « Désormais, nous sommes certifiés pour participer à la “réserve primaire“ du réseau et prendre part au réglage des équilibres de puissances, indique ce dirigeant. Et la technologie Dreev a montré que la formation d’un agrégat de voitures électriques pouvait se comporter de manière aussi performante qu’une batterie géante », conclut Éric Mevellec.

Le V2G à l’équilibre
Une ressource qui pourrait se révéler précieuse alors que de plus en plus d’incertitudes planent sur l’avenir des ressources d’énergie. Il y a un an encore, Éric Mevellec estimait que la pénétration du V2G pour une utilisation efficiente par le réseau devait atteindre 10 à 20 % du parc de véhicules électriques français.
« Quel que soit le futur mix nucléaire et renouvelable en Europe, il va y avoir d’importants besoins de flexibilité et cette flexibilité sera en grande partie permise par le stockage d’énergie », reprend Éric Mevellec. Dans cette perspective, quelle ampleur atteindra demain la diffusion du V2G ? « Les cartes sont rebattues et il est difficile de savoir dans quelle proportion cette part pourrait augmenter. Mais cela pourrait devenir très significatif », projette ce responsable.
V2G en micro-grid : des véhicules électriques en circuit fermé
Ces incertitudes sur la disponibilité de l’énergie à terme confortent aussi la poursuite d’autres expérimentations autour de l’exploitation de l’énergie des batteries des véhicules électriques à l’arrêt. Celles menées avec le projet Smile, pour Smart Ideas to Link Energies, traduit par « Idées intelligentes pour relier les énergies », lancé en 2016 dans les Régions Bretagne et Pays de la Loire, relèvent plus du « micro-grid ». Autrement dit, de l’utilisation de l’énergie des batteries en circuit fermé pour alimenter des bâtiments d’habitation ou des bureaux. Plutôt que de V2G, pour véhicule relié au réseau, on parle alors de « vehicle to home », V2H, ou « vehicle to building », V2B.

Ces expérimentations favorisent aussi le stockage de l’énergie renouvelable, produite entre autres à partir de panneaux photovoltaïques. À Belle-Île-en-Mer, dans le Morbihan, le projet Flexmob’île teste ainsi, à l’échelle d’un centre de vacances VVF, la possibilité de stocker l’énergie produite par des panneaux solaires d’une puissance de 76 kW dans une armoire où sont rassemblées des batteries de deuxième génération de véhicules électriques, pour une puissance totale de 200 kW.
Cette armoire peut alimenter en énergie non seulement le centre de vacances, mais aussi des véhicules électriques V2G. « En partenariat avec Renault, nous allons avoir des véhicules V2G. Ces Zoé, qui ne sont pas commercialisées, sont adaptées par le constructeur pour fonctionner en décharge », expose Jo Brohan, président de Morbihan énergies, un établissement public de coopération intercommunale. Au même titre que l’armoire électrique, ces Zoé alimenteront le bâtiment du VVF en électricité si nécessaire. « Nous allons voir de quelle façon vont être employés ces véhicules et comment va être produite et stockée l’électricité au vu des consommations sur le site et des besoins de mobilité. C’est un apprentissage en cours », détaille Jo Brohan.
Soulager le réseau électrique grâce aux véhicules en V2G
Une telle expérimentation amène à envisager, à l’échelle d’une île, la possibilité d’une production d’énergie renouvelable, de son stockage et de sa restitution si nécessaire par des véhicules électriques. Plus généralement, ces dispositifs de micro-grid peuvent eux aussi participer à soulager le réseau électrique en cas de tensions sur la demande. « Demain, ce n’est pas la quantité d’énergie consommée qui va poser problème, mais le moment de sa consommation », anticipe Jo Brohan. Et pour y répondre, il n’y aura sans doute jamais trop de véhicules électriques à l’arrêt…
Dossier Véhicule électrique et V2G : l’immobilité productive
- V2G : les vertus du véhicule électrique immobile
- École d’ingénieurs de Purpan : « Un branchement en V2G de 18 h 00 à 6 h 00 le matin »