
La voiture autonome est-elle un véhicule terrestre à moteur ?
La réponse à cette question est positive puisque la législation européenne définit le véhicule terrestre à moteur comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée » (art. L211-1 C. assur.). Une définition non contredite par le Code de la Route (art. L110-1). Le véhicule autonome se glisse donc bien dans cette description qu’il n’est pas utile de reformuler pour accueillir ce mode de déplacement.
Toutefois, la jurisprudence y a ajouté un élément...
La voiture autonome est-elle un véhicule terrestre à moteur ?
La réponse à cette question est positive puisque la législation européenne définit le véhicule terrestre à moteur comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée » (art. L211-1 C. assur.). Une définition non contredite par le Code de la Route (art. L110-1). Le véhicule autonome se glisse donc bien dans cette description qu’il n’est pas utile de reformuler pour accueillir ce mode de déplacement.
Toutefois, la jurisprudence y a ajouté un élément : le véhicule doit transporter son conducteur (Cass. 2° Civ. 22 mai 2014, n° 13-10561). Si, pour le présent, il faut donc toujours qu’une personne occupe la place du conducteur, prête à prendre les commandes pour suppléer les algorithmes dirigeant l’engin, c’est bien une autonomie complète (catégorie 5, voir l’encadré) qui est envisagée avec comme finalité le véhicule qui vient chercher seul son passager à son domicile. Il conviendra donc d’aménager l’obligation d’avoir un conducteur dans ce type de véhicule (art. R412-6 C. route).
La fin des conducteurs ?
L’autre question sera de savoir si l’occupant du véhicule devra être titulaire d’un permis et dans la probable affirmative, quelles seront les modalités de l’examen. Enfin, ce permis comportera-t-il des points ? Sans doute si l’occupant du véhicule est en mesure de lui donner des directives transgressant les règles du Code de la route sans encourir la censure de l’ordinateur de bord. Ce pourrait être le cas lors d’un dépassement avec franchissement d’une ligne continue. En outre, il restera des environnements atypiques où le véhicule, ne pouvant évoluer avec sécurité, rendra la conduite à son « passager » ou à défaut se garera.
Déterminer les responsabilités en cas d’accident
Avec le véhicule autonome, les experts promettent à terme une baisse de 80 % du nombre d’accidents, partant du constat empirique que 90 % de ceux actuellement recensés sont imputables à des erreurs humaines. Les 20 % d’accidents inévitables proviendraient donc, pour l’essentiel, d’erreurs et de défauts techniques ou de phénomènes extérieurs. Il faut également prendre en considération les irréductibles de la conduite humaine, en commençant par les 230 000 possesseurs français de véhicules de collection et ceux que leurs moyens financiers contraindront à se satisfaire de voitures anciennes – l’âge moyen du parc français est supérieur à 8 ans.
C’est la loi Badinter (5 juillet 1985) qui régit la responsabilité du fait des accidents de circulation dans lesquels interviennent des véhicules à moteur. Son mécanisme repose sur l’« implication » du véhicule comme base de la responsabilité, avec la faute de la victime pour seule exonération possible.
Un projet en suspens concernant les victimes-conducteurs vise à restreindre à la faute inexcusable, cause exclusive de l’accident (donc très grave), l’exonération de responsabilité du conducteur impliqué. Cela accroîtra significativement le nombre des indemnisations complètes de victimes d’un accident où intervient un autre usager.
Cette modification législative interviendrait en 2018 et majorerait, progressivement mais de façon importante, la part de cotisation destinée à l’assurance obligatoire, pour le moment taxée à 35 % pour les voitures. Voilà qui entamera le gain que l’on peut attendre d’un recul drastique du nombre d’accidents.
Partager la responsabilité
La loi Badinter apporte une protection très favorable aux victimes, notamment en cas de dommages corporels, et son abandon ne paraît pas envisageable. Cependant, avec le véhicule autonome, la recherche de responsabilité touchera aussi les constructeurs et tout professionnel intervenant sur les véhicules mais aussi, sans que cela soit une innovation, les autorités en charge de l’entretien de la voirie routière et urbaine.
L’autonomie de la conduite est guidée par une analyse constante de l’environnement et par la « lecture » de la signalisation. La dégradation dont se plaignent les élus locaux en la matière laisse à penser que les infrastructures ne sont pas partout en mesure de répondre aux impératifs des véhicules autonomes.
On peut donc prévoir que la loi Badinter et les structures de gestion de sinistres mises en place par les assureurs assumeront, en première ligne, les indemnisations, avec une faculté de recours en contribution sur la base de la faute prouvée ou présumée contre :
• les constructeurs automobiles, équipementiers et autres professionnels dont certains (tels Volvo ou Mercedes) ont déjà accepté le principe de leur responsabilité. Cette responsabilité pourrait être transférée à des assureurs en capacité de fournir une couverture « responsabilité produit » et de créer des programmes de garantie susceptibles de supporter les sinistres sériels que provoquerait un organe vicié monté de série ;
• les autorités publiques ou privées chargées d’installer et de maintenir en état les infrastructures permettant la circulation.
Ce montage doit être précédé par une adaptation législative, entre autres pour les équipements routiers qui relèvent généralement d’une responsabilité administrative, droit essentiellement jurisprudentiel, donc plus flou. Les assureurs, très adroits pour établir des conventions, devront compléter cet ensemble par des règles optimisant les délais et recours.
Les nouvelles garanties d’assurance
La sécurité renforcée des voitures autonomes va limiter le nombre d’accidents et les assureurs vont devoir diminuer les tarifs pour ces véhicules. Le risque automobile essentiellement lié au comportement des conducteurs se muera donc en un risque technique. Allianz a ainsi déjà appliqué une baisse aux véhicules équipés de moyens d’assistance à la conduite tels le limiteur de vitesse dans le trafic.
Toutefois, les assureurs supporteront l’inflation des coûts résultant de causes nombreuses : la réforme de la loi Badinter, l’augmentation des coûts de réparation, l’inflation sur l’indemnisation des corporels, la dégradation des comportements au volant, la hausse probable de la contribution au Fonds de garantie (1 %), celle certaine de la taxe attentats (+ 1,60 euro par contrat à compter du 1er janvier 2017), ou celle envisagée du taux normal de TVA proposée par certains présidentiables. Toutes causes agissant quels que soient la nature du véhicule et son usage privé ou bien professionnel.
Le bonus-malus devra être aussi adapté ou simplement supprimé pour les véhicules autonomes de type 5 puisqu’il n’y aurait aucun mérite à ne pas avoir d’accident, ni de faute à être impliqué dans un accrochage dû à un défaut technique.
La sécurisation de la conduite va bonifier le risque de dommages au véhicule lui-même et la cotisation correspondante devrait s’en trouver réduite. Mais l’électronique embarquée se montrera sensible aux chocs et sa réparation ou le remplacement des organes influeront sur le coût de remise en état et donc sur la cotisation équilibrant le gain de sinistralité.
La garantie des pannes a déjà pénétré l’assurance automobile sans concerner les flottes dont les véhicules bien entretenus et conservés quelques années seulement n’apparaissaient pas éligibles. La sensibilité et la multiplicité des organes des voitures autonomes peuvent amener les assureurs à offrir ce type de couverture à moins, et c’est probable, que les constructeurs procurent à leurs clients une garantie commerciale de durée suffisante.
L’assurance des accessoires de la voiture sera, comme maintenant, incluse dans les garanties de « dommages ». Mais il faudra tenir compte du fait que, libérées de la conduite, les personnes transportées pourront se livrer à des activités professionnelles (rédaction d’un rapport, vidéo-conférences, etc.) ou de loisir (visionnage d’une vidéo, jeux, etc.) grâce à une liaison wi-fi. La garantie du contenu du véhicule devra porter sur ces éléments pour le vol et la casse.
Des garanties telles que le bris de glace et les événements naturels resteront utiles mais en tenant compte des nouveautés technologiques. Si les pare-brise peuvent se montrer plus résistants aux chocs de gravillons, ils vont être plus onéreux, surtout s’ils sont dotés d’une fonction opacifiante.
Peu de nouveautés à attendre du côté des catastrophes naturelles – à l’exception de la réforme complète du régime en projet – contre lesquelles aucun véhicule n’est efficacement protégé. La nouveauté résidera dans les moyens d’alerte grâce au wi-fi embarqué. Axa a déjà pu avertir des risques d’inondation ses clients localisés en leur adressant un message et des conseils sur smartphone.
Des services connectés pour les assurés
Sans attendre la voiture autonome, un vaste champ de services s’ouvre devant les assureurs avec les véhicules connectés. La plupart s’y sont déjà introduits soit directement, soit par l’intermédiaire de leur filiale d’assistance. Ils ne sont pas les seuls et il leur faut trouver des domaines où ils apparaissent légitimes pour apporter des services et de la communication.
La sécurité reste certainement le plus évident. Si le véhicule gère instantanément cette sécurité, l’assureur demeure le plus compétent pour mettre en œuvre les mesures lorsque l’assuré et ses passagers sont immobilisés par un accident, une panne ou un vol. Informé par la voiture, l’assureur peut dépêcher une dépanneuse et mettre immédiatement à disposition un véhicule de remplacement. En cas d’accident corporel, il localise le véhicule et diligente les secours.
Depuis décembre 2014, il est possible d’établir un e-constat amiable sur smartphone. Cette application peut se transférer sur l’ordinateur de bord qui, grâce à ses capteurs, sera en mesure de réaliser un pré-diagnostic des conséquences du choc et le transmettra au garage choisi par l’assuré et à l’assureur.
Tant que l’assuré a une part dans la conduite de la voiture, la sécurité peut être également évaluée avant tout accident avec une fonction d’appréciation du comportement du conducteur (ou du donneur d’ordres) reportée en temps réel. Collationnée sur la durée, cette information, si elle est jugée positive, peut déboucher sur une réduction tarifaire de l’assurance et venir ainsi succéder au bonus-malus dont le caractère de sanction est critiqué.
Les assureurs auront aussi avantage à se positionner sur des services rendant les déplacements plus agréables et moins monotones : informations touristiques et météorologiques, localisation sur le trajet programmé, suggestions argumentées de déviation, etc. Avec les services, la limite n’est pas technique car les solutions existent déjà, elles résident dans la créativité et les assureurs n’en manquent pas.
Dans ce cadre, le smartphone, qui constitue le truchement indispensable entre l’utilisateur et sa voiture, conservera un rôle important en permettant d’être connecté sans interruption
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