
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les accidents de la route génèrent chaque année 1,2 million de morts et 50 millions de blessés dans le monde. Avec un coût estimé de cette sinistralité d’environ 518 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
La seule France dépenserait pour sa part 12,5 milliards d’euros pour la sécurité routière, d’après une étude du cabinet Roland Berger publiée en novembre 2015 (Who will Control Automated Driving).
Ce bilan extrêmement lourd pourrait être évité. Et pour cause, 95 % des accidents de la route sont dus à un facteur humain : erreur de conduite ou non-respect du Code de la route. On pense entre...
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les accidents de la route génèrent chaque année 1,2 million de morts et 50 millions de blessés dans le monde. Avec un coût estimé de cette sinistralité d’environ 518 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
La seule France dépenserait pour sa part 12,5 milliards d’euros pour la sécurité routière, d’après une étude du cabinet Roland Berger publiée en novembre 2015 (Who will Control Automated Driving).
Ce bilan extrêmement lourd pourrait être évité. Et pour cause, 95 % des accidents de la route sont dus à un facteur humain : erreur de conduite ou non-respect du Code de la route. On pense entre autres à la conduite sous l’emprise de la drogue, de médicaments ou de l’alcool. Mais aussi à la fatigue et à la somnolence, bien connues des gros rouleurs et des professionnels.
Face à ces fléaux, la voiture autonome porte en elle une grande promesse. En supprimant l’erreur humaine, elle réduirait par dix le nombre d’accidents et rendrait les routes plus sûres. À l’instar du transport aérien où les pilotes ont depuis longtemps cédé les commandes à la machine, avec à la clé une moindre accidentologie. C’est donc l’argument choc de la sécurité qui pourrait accélérer l’avènement de la conduite autonome.
Particulièrement sensibles à la question sécuritaire, les entreprises auraient tout à y gagner. La conduite automatisée diminuerait drastiquement le risque professionnel lié à l’usage de l’automobile, et dégagerait donc des économies considérables sur le poste assurance – lequel pèse une part non négligeable du TCO d’un véhicule.
Une opportunité pour les entreprises
Rappelons aussi que les accidents de la route restent la première cause de mortalité au travail. Ce sujet constitue donc un enjeu majeur pour les sociétés, tenues par le Code du Travail à « mettre en œuvre toutes les mesures propres à garantir la santé et la sécurité de leurs collaborateurs, notamment lorsqu’ils se trouvent au volant d’un véhicule. »
Pour les États et les pouvoirs publics, la voiture autonome se présente donc comme une opportunité pour améliorer la sécurité routière. Et si la législation demeure le frein principal, les lignes commencent à bouger.
La Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (Unece) vient ainsi d’adopter, le 23 mars dernier, une révision de la Convention de Vienne de 1968 qui impose la présence d’un conducteur responsable de son véhicule en tout temps et en regard du Code de la route.
Dorénavant, « les systèmes de conduite automatisée seront explicitement autorisés sur les routes, à condition qu’ils soient conformes aux règlements des Nations Unies sur les véhicules ou qu’ils puissent être contrôlés, voire désactivés par le conducteur. »
Une étape réglementaire vient donc d’être franchie. D’autres systèmes pourraient suivre prochainement, à l’image de la fonction Autopilot chez Tesla ou DrivePilot chez Daimler, pour évoluer en mode autonome dans certaines conditions de circulation.
Les Google Cars accumulent de l’expérience
Sans doute le plus avancé en la matière, Google travaille sur le véhicule autonome depuis plus de six ans et met régulièrement en avant l’argument sécuritaire pour faire valoir ses Google Cars. Dotée d’une flotte de 23 véhicules, la firme de Mountain View accumule l’expérience de terrain. Et profite d’une législation favorable dans plusieurs États américains où la conduite autonome est autorisée (Californie, Nevada, Michigan et Floride).
Les Google Cars ont déjà parcouru plus de 1,6 million de km, sans rencontrer d’incidents majeurs, et continuent de rouler entre 30 000 et 40 000 miles par mois en moyenne (soit 48 270 à 64 360 km). À ce jour, quatorze accidents ont été enregistrés, la plupart causés par des véhicules fautifs percutant les Google Cars par l’arrière.
Le géant de l’internet a investi plus de 3 milliards de dollars pour son programme de conduite autonome, en rachetant à grands frais plusieurs start-ups et technologies du secteur, dont l’application communautaire Waze. Chaque Google Car coûte environ 150 000 dollars, la moitié accaparée par le système de télédétection laser Lidar, une technologie encore très onéreuse mais qui pourrait à terme se démocratiser.
En attendant, ces engins ne sont pas encore infaillibles et restent en cours de perfectionnement. Google a récemment rendu public un rapport instructif sur les dysfonctionnements rencontrés par ses voitures depuis septembre 2014 et 425 000 milles parcourus (soit 683 825 km).
Dans près de 90 % des cas, l’incident est survenu en milieu urbain, soit l’environnement le plus complexe à appréhender pour le véhicule autonome. Sur les 341 cas observés, 272 sont dus à des défaillances matérielles (équipement ou logiciel) ou à des erreurs de perception des capteurs.
L’autonomie encore en phase d’apprentissage
Chaque incident est systématiquement corrigé pour qu’il ne se reproduise pas, ce qui contribue à enrichir la base de données et à améliorer le comportement des véhicules au fur et à mesure. Mais l’expérience montre que le conducteur à bord demeure indispensable afin de reprendre la main en cas de problème.
Autre entreprise emblématique, la firme américaine Tesla, par la voix de son patron Elon Musk, se dit déjà prête à relever le défi de la voiture autonome. « Nous savons exactement ce qu’il faut faire et nous serons là dans quelques années », a asséné Elon Musk.
Pour ce dernier, la conduite automatisée se veut le prolongement naturel de la voiture électrique et communicante dont Tesla s’est fait une spécialité. La marque mise déjà sur la fonction Autopilot pour sa Model S, un mode semi-autonome pour se laisser conduire dans les embouteillages ou sur les voies à sens unique. Et Tesla proposera dès 2018 un système 100 % autonome, si la législation l’autorise.
Lors du dernier Fleet Meeting organisé au salon de Genève, Jon McNaill, directeur des ventes et services de Tesla, a longuement insisté sur la sécurité pour convaincre les gestionnaires de parc de l’intérêt de la conduite autonome. Outre l’erreur humaine, il a rappelé que dans la moitié des accidents, les conducteurs n’ont même pas le temps de mettre le pied sur le frein avant un choc. Pas de doute pour lui, un logiciel de conduite se montrera toujours plus efficace que n’importe quel conducteur pour éviter certains accidents.
Les constructeurs montent au créneau
Face à ces nouveaux entrants sur le marché, les constructeurs traditionnels se livrent tous à une course technologique en multipliant prototypes, programmes de recherche et alliances stratégiques. Ils s’appuient notamment sur les équipementiers (Valeo, Delphi, Continental, etc.) pour développer leurs propres systèmes de conduite autonome. Et se positionner sur un marché porteur qui pourrait peser 90 milliards de dollars d’ici 2030, selon Roland Berger.
Dans un entretien accordé à l’OVE, Carlos Tavares, P-DG du groupe PSA, estime ainsi que la voiture autonome constituera une avancée fondamentale pour la sécurité : « Le pilotage automatique nous apportera des comportements prévisibles et reproductibles, sans les erreurs humaines. La sécurité routière va énormément progresser avec la prise en charge par la machine des situations délicates. »
De son côté, Carlos Ghosn s’est engagé à lancer des véhicules autonomes sur les routes dès 2020. « Une étape décisive qui permettra de rendre les routes beaucoup plus sûres en moins d’une génération », selon le président de Renault-Nissan.
L’Alliance franco-japonaise a récemment soutenu la déclaration européenne d’Amsterdam en faveur du véhicule autonome, signée par les 28 ministres des Transports de l’Union Européenne. L’objectif : promouvoir un cadre législatif favorable au véhicule autonome et rendre la route plus sûre et moins stressante.
Les premiers systèmes opérationnels
La marque Renault entend jouer un rôle actif dans ce domaine, en collaborant étroitement avec les législateurs, constructeurs et partenaires industriels. Elle a récemment présenté trois démonstrateurs sur la base de l’Espace, qui ont déjà à leur actif plusieurs centaines d’heures de roulage sur routes ouvertes en Europe. Ces véhicules marquent une étape dans le développement des technologies de conduite autonome après le prototype Next Two révélé en 2014.
Volvo se veut également un pionnier dans le développement de systèmes de conduite autonome. Le constructeur s’apprête d’ailleurs à lancer une grande expérimentation en Chine : une centaine de véhicules autonomes seront testés en conditions réelles par des conducteurs locaux. La marque sino-suédoise engagera ces prochains mois les négociations avec les villes concernées. À noter que Volvo mène déjà un projet semblable, Drive Me, en Suède à Göteborg, et lancera en 2017 Drive Me London, une série de tests menés au Royaume-Uni.
Ce projet s’inscrit dans l’engagement de Volvo de réduire à zéro le nombre de morts et de blessés graves dans ses nouveaux modèles à l’horizon 2020. « La conduite autonome pourrait révolutionner la sécurité automobile, a affirmé Hakan Samuelsson, président de Volvo Car Group, lors d’un séminaire organisé à Pékin en avril. Plus tôt les voitures autonomes arriveront sur les routes, plus vite nous pourrons sauver des vies. »
Mercedes travaille aussi sur la voiture autonome, comme en témoigne le concept F015 mis en avant au dernier salon de Francfort. Un salon roulant préfigurant l’automobile en 2030, où le conducteur peut délaisser le volant et se retourner face aux passagers arrière.
Pour Jean-Édouard Appeyroux, responsable marketing produit chez Daimler France, « la technologie avance plus vite que la réglementation ». Pour l’instant, la marque se contente « d’accompagner le conducteur dans sa conduite et ses réactions avec des assistances toujours plus intuitives. » Objectif : diminuer le stress au quotidien et apporter du confort.
C’est dans cet esprit qu’a été conçu le DrivePilot sur la dernière Classe E. Cet assistant à la conduite autonome n’a pas vocation à remplacer le conducteur, mais à le soulager dans des phases de roulage comme les embouteillages ou sur des voies à sens unique.
Volvo, Mercedes et Audi en pole position
Audi suit la même démarche avec son programme de conduite autonome Piloted Driving. « Notre but est de développer des systèmes pour mieux protéger le conducteur, le plus efficacement et le plus souvent possible. Nous cherchons aussi à réduire la charge de travail et de concentration nécessaire à la conduite, afin de la rendre moins stressante », relate un communiqué de la marque.
Pour Audi, la conduite autonome possède une double casquette : chauffeur pour relayer le conducteur dans certaines situations, et ange-gardien pour anticiper les situations dangereuses. La marque aux anneaux proposera un système complet d’ici 2020, capable de gérer la circulation dans les embouteillages, des manœuvres dans les parkings, mais aussi les trajets autoroutiers avec la possibilité de se laisser conduire entre deux péages.
« Les technologies utilisées demain découleront de celles d’aujourd’hui, explique Xavier Benoît, responsable de la communication chez Audi. Les radars, capteurs et autres caméras, qui permettent maintenant de faire fonctionner les aides à la conduite, offriront juste beaucoup plus de précision et de puissance de calcul. »
Une voiture intelligente et communicante
Et pour les constructeurs, la prochaine étape vers la conduite autonome passera aussi par une interaction accrue de la voiture avec l’environnement extérieur : la communication avec les autres véhicules « car to car » et celle avec l’infrastructure « car to X » (voir l’encadré).
Mais si l’avenir semble radieux, des incertitudes entourent encore la voiture autonome. Dans une étude réalisée par l’université du Michigan (UMTRI), deux chercheurs ont tenu à relativiser la portée de la conduite automatisée sur la sécurité routière. Sans contester le fait que les automatismes puissent éviter les accidents liés au comportement humain, ils pointent du doigt plusieurs problèmes.
D’abord, écrivent-ils, les voitures sans conducteur ne seront pas épargnées par des problèmes techniques ou électroniques. Au contraire, leur sophistication pourrait les rendre plus vulnérables et donc augmenter le risque de pannes et d’incidents.
Leur bon fonctionnement sera aussi très dépendant de la qualité des informations fournies par les logiciels de cartographie. De mauvaises indications GPS pourraient de fait avoir des conséquences fatales sur les actions d’un véhicule programmé pour rallier une destination. Par exemple : l’absence d’une signalisation pour prévenir un chantier ou un rond-point.
Ensuite, les véhicules autonomes ne pourront pas toujours s’arrêter ou éviter un véhicule dangereux conduit par un humain, ce qui pose la question de la cohabitation entre voitures ordinaires et autonomes. Les conducteurs humains, pour leur part, ne pourront plus compter sur les interactions d’usage entre automobilistes : faire un signe d’approbation de la tête ou de la main pour accorder une priorité, ou signaler un problème n’auront guère d’effet sur un engin sans conducteur…
Les limites de la voiture autonome
Autre écueil à prendre en compte par les constructeurs et équipementiers, le risque de cyber attaques. Toujours plus connectée et informatisée, la voiture autonome pourrait faire l’objet de piratage, comme c’est régulièrement le cas des réseaux informatiques des entreprises (voir l’encadré).
Avant d’accorder sa confiance totale à la voiture autonome, il reste encore à construire un écosystème pour assurer des conditions de sécurité optimale sur l’ensemble des réseaux routiers. Vaste programme en perspective.
Véhicule autonome : la promesse du 100 % sécurité
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