
C’est une nouvelle génération de salariés qui révolutionne la gestion de flotte des entreprises, voire l’industrie automobile. Ils ont un écran tactile entre les mains et pour leurs trajets préférèrent troquer la traditionnelle voiture de fonction contre un smartphone dernier cri qui leur permet d’accéder à un véhicule en autopartage, à un billet de train, d’avion ou bien à un taxi ou un VTC. Qui sont-ils et où travaillent-ils ? En fait, c’est difficile à dire…
Pour Ubeeqo, spécialiste de l’autopartage et du crédit mobilité, Emmanuel Nedelec, directeur général France et Benelux, reconnaît que les usages ne vont pas être révolutionnés à brève...
C’est une nouvelle génération de salariés qui révolutionne la gestion de flotte des entreprises, voire l’industrie automobile. Ils ont un écran tactile entre les mains et pour leurs trajets préférèrent troquer la traditionnelle voiture de fonction contre un smartphone dernier cri qui leur permet d’accéder à un véhicule en autopartage, à un billet de train, d’avion ou bien à un taxi ou un VTC. Qui sont-ils et où travaillent-ils ? En fait, c’est difficile à dire…
Pour Ubeeqo, spécialiste de l’autopartage et du crédit mobilité, Emmanuel Nedelec, directeur général France et Benelux, reconnaît que les usages ne vont pas être révolutionnés à brève échéance. Il prévoit néanmoins des changements de comportement : « Les commerciaux itinérants auront toujours besoin d’un véhicule de fonction et certaines personnes préféreront toujours rouler dans un véhicule statutaire. Dans les prochaines années, il n’y aura pas de diminution drastique du nombre des véhicules de fonction sur la route, projette-t-il, mais plutôt une baisse progressive. »
Le véhicule de fonction reste incontournable
Un constat nuancé par Fabrice Denoual, directeur de la stratégie et du développement d’ALD Automotive France : « Les véhicules de fonction appartiennent directement à la rémunération des salariés ; il est donc difficile de les partager ou de les tracer. Il y aura toujours des véhicules entre les mains d’une seule personne. Mais d’autres peuvent être intéressées par une capacité à se déplacer plutôt que par un véhicule, par exemple sous la forme d’un crédit mobilité. »
De fait, à l’heure des voitures et vélos en libre-service, des alertes pollution de plus en plus fréquentes dans les grandes villes, l’image valorisante de la voiture peut se retourner : « L’utilisation d’un véhicule statutaire dans un environnement inadéquat peut parfois même donner une image négative », reprend Emmanuel Nedelec. Qui entrevoit les prémices d’un changement de comportement chez sa clientèle : « Cela touche une minorité mais les choses s’accélèrent depuis 12 ou 18 mois. »
Le crédit mobilité creuse son sillon
Emmanuel Nedelec poursuit en évoquant la formule d’Ubeequo : « Le choix d’alternative à la voiture de fonction doit être renouvelé par le collaborateur tous les douze mois et ceux-ci le font à quasiment 100 %. » Et tandis que certains adoptent définitivement la solution, d’autres y arrivent peu à peu : ils commencent par prendre une voiture plus petite puis basculent vers un véhicule en autopartage, voire décident d’abandonner totalement l’option véhicule.
Si la prise de conscience des dérèglements environnementaux et la multiplication des solutions de voitures en libre-service dans les villes ont un effet incitatif, les politiques menées pour l’autopartage dans les entreprises contribuent aussi à sensibiliser les salariés aux alternatives aux voitures de fonction.
Chez Orange, cette finalité est clairement annoncée à propos des 300 véhicules de service mis à disposition des salariés en autopartage : « Notre préoccupation est de faire passer le véhicule d’une notion de bien à une notion de service, insiste Hélène Billon, directrice de la mobilité de l’opérateur. On emploie le bon véhicule par rapport au besoin que l’on a. »
Dans ce but, le parc partagé de l’opérateur téléphonique compte aussi bien des modèles deux places que des voitures familiales ou des utilitaires. Et ce fonctionnement n’a pas pour seul bénéfice de sensibiliser les conducteurs à de nouveaux comportements ; il les familiarise aussi avec les motorisations alternatives. « Nous nous attachons à faire entrer dans ce parc des électriques et des hybrides », pointe Hélène Billon.
Pour ALD, Fabrice Denoual est d’accord avec ce constat : « Dans tous les cas, le critère de choix du véhicule reste bien de répondre au plus près à un besoin de déplacement. Ainsi, un pool électrique correspondra à un centre urbain au stationnement difficile, comme Paris avec son équipement en bornes. » Dans cet esprit, le loueur vient d’ailleurs de lancer une offre de LMD pour véhicules électriques.
Élargir l’autopartage aux usages privés
Conséquence indirecte, l’autopartage contribue à rendre la frontière plus floue entre véhicules de service et de fonction : « Alors que certains n’avaient pas de voiture, ils ont l’opportunité d’en emprunter », décrit Hélène Billon pour Orange. Et au-delà du cadre professionnel, le véhicule de service en autopartage peut remplir le rôle d’un véhicule de fonction dans le cadre privé. Chez Orange, les salariés peuvent louer les véhicules le soir et le week-end. « La flotte est à disposition des salariés et ils peuvent réserver via une application, souligne Hélène Billon. On élargit le nombre des bénéficiaires du parc ».
Après les voitures, les vélos contribuent aussi à sensibiliser les salariés à des modes alternatifs de déplacement. Et la solution de vélos en libre-service a pris une autre dimension avec les vélos à assistance électrique (VAE) qui peuvent se substituer à des véhicules de fonction, notamment dans des environnements urbains.
« La gestion de parc évolue vers de nouveaux moyens de mobilité, confirme Jean-Christophe Broggini gérant et fondateur de Cyclables Entreprises, spécialiste de la location de flottes de vélos à usage professionnel. Le VAE devient complémentaire. Des professions libérales comme les architectes, les infirmiers laissent tomber la voiture pour ne rouler qu’en VAE. »
En ville, le recours aux VAE est soutenu par les aménagements de pistes cyclables et les dispositifs de parkings pour les deux-roues. Et tout comme les mesures fiscales ont contribué à développer les voitures plus vertueuses écologiquement, des textes législatifs sont en réflexion pour favoriser le vélo en entreprise.
Des salariés à sensibiliser en interne
Autopartage, vélos en libre-service, crédit mobilité : la capacité des salariés à se tourner vers ces solutions tient aussi à l’effet d’entraînement en interne. Et cet effet se veut d’autant plus fort que les utilisateurs occupent un poste élevé. « Un des directeurs exécutifs est prêt à entrer dans ce système avec véhicule électrique et crédit mobilité », se réjouit Hélène Billon qui anticipe une évolution rapide des comportements au sein d’Orange : « Dans cinq ans, cela va commencer à se transformer », prédit-elle.
Mais si diverses incitations peuvent motiver les changements de comportement, un travail de sensibilisation reste à fournir de la part des prestataires et des gestionnaires de flotte. « Il sera toujours plus simple de prendre un taxi ou un VTC plutôt qu’une voiture en autopartage », rappelle Arnaud Villéger, directeur marketing d’Arval France qui propose une solution d’autopartage. Une facilité contre-productive qui doit pousser les responsables – ressources humaines, mobility manager ou travel manager – à suivre les dépenses de taxis et les IK pour identifier les salariés qui ne jouent pas le jeu. Cette stratégie est suivie par Arval où la solution d’autopartage maison a été implantée avant le lancement commercial chez les clients. « Avec le contrôle de gestion, nous regardons les IK et nous incitons les collaborateurs avec les montants les plus élevés à employer l’autopartage. Nous dispensons aussi des formations aux véhicules électriques et hybrides pour les salariés qui ne conduisaient que des modèles thermiques », explique Arnaud Villéger.
Accompagner pour réussir le changement
Cette démarche d’accompagnement se retrouve chez les loueurs de vélos : « Notre contrat comprend l’équipement et le service intégré : dès l’installation, nous lançons un support de communication fort, pour entraîner les gens à essayer, avec des challenges à la clé. Nous voulons que les vélos soient employés par tous les salariés et pas seulement les cyclistes qui y verraient un effet d’aubaine », indique Charles Poretz, dirigeant de Cyclez, loueur de VAE pour les entreprises.
Pour ces prestataires, accompagner l’installation de l’autopartage n’est pas neutre : à défaut de réduire à court terme le nombre de véhicules de fonction dans l’entreprise, les véhicules en autopartage se substituent à d’autres moyens de transport utilisés jusqu’ici, comme les transports en commun ou la location courte durée. « Avant de faire appel à l’autopartage, les salariés prenaient le taxi ou les transports en commun, ce qui représentait une perte d’énergie et de temps », se souvient Hélène Billon chez Orange.
Il n’en reste pas moins une question à résoudre : dans ce contexte, comment évoluera la fiscalité, tout particulièrement avec les avantages en nature des salariés ? À suivre.