
Intitulé « Développement des véhicules autonomes : Orientations stratégiques pour l’action publique », ce rapport a été rédigé suite à une consultation nationale. Il aborde l’ensemble des enjeux liés à la conduite automatisée et établit une feuille de route. Le gouvernement souhaite en effet permettre la circulation en France dès 2020-2022 de véhicules particuliers, de transport public et de transport de marchandises hautement automatisés. Seul souci : il n’existe pour l’instant aucune règle concernant la production et la circulation de ces véhicules.
1. Adapter le cadre législatif à la circulation des véhicules autonomes
Le premier objectif consiste à faire évoluer le cadre législatif. Des groupes de travail pilotés par le ministère de l’intérieur proposeront une adaptation du code de la route et des règles de responsabilité au plus tard d’ici fin 2018, ainsi que des évolutions pour la formation à la conduite. Sur ce dernier sujet, la future loi d’orientation des mobilités devrait établir un principe d’information des conducteurs lors de l’achat d’un véhicule neuf. En attendant, un cadre de responsabilité doit être proposé au deuxième trimestre 2018 pour permettre les expérimentations impliquant des infractions au code de la route.
2. Établir un cadre réglementaire à l’échelle nationale, européenne et internationale
En parallèle, la France militera auprès de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-ONU). Son but : encourager l’adoption au plus tôt d’une nouvelle approche orientée « systèmes » pour l’homologation des véhicules, centrée sur des cas d’usages. L’État souhaite également que les véhicules puissent être facilement identifiés par les forces de l’ordre lorsqu’ils sont en mode totalement autonome. La France soutient en outre le déploiement des enregistreurs de données d’accidents (EDR) sur tous les véhicules neufs. À plus court terme, l’Hexagone travaillera à l’élaboration de règles d’homologation à l’échelle européenne ; et un cadre réglementaire national sera élaboré d’ici fin 2018 pour les transports publics autonomes.
3. Intégrer les enjeux de cybersécurité
Un autre enjeu majeur concerne la cybersécurité. Déjà à l’ordre du jour avec l’eCall, le sujet va gagner en importance à mesure que la connectivité va se généraliser et le nombre d’acteurs augmenter. « Cela multiplie les possibilités d’attaques informatiques qui pourront impacter directement la sûreté de fonctionnement du véhicule », avertit le rapport. Un risque qui actuellement n’est pas pris en compte dans le processus d’homologation des véhicules.
Pour limiter ce risque, la France compte en partie sur le règlement général de protection des données (RGPD) qui impose le principe de « privacy by design ». Elle prévoit également de mettre en place « une structure d’échange dédiée au secteur automobile sur l’état de la menace et les réponses à apporter aux cyber-attaques. », si possible à l’échelle européenne. Enfin, elle entend « peser sur la récente proposition de la Commission européenne relative à un schéma européen de certification en matière de cyber-sécurité. »
4. Définir des règles de mise en commun des données, outils et méthodes
L’interopérabilité des systèmes représente également un point clé. « Le développement de l’automatisation va s’accompagner d’un développement de la gestion coordonnée de flottes de véhicules, probablement diverses dans leurs caractéristiques techniques, leurs degrés d’automatisation, leurs fonctions et leurs domaines d’emploi », alerte le rapport. Des règles de mise en commun des briques technologiques, des données ainsi que des outils d’évaluation et de validation doivent ainsi être mises au point d’ici la fin du deuxième trimestre 2018.
5. Structurer un programme national d’expérimentation
Le gouvernement français s’est aussi donné pour objectif d’accélérer la recherche et les expérimentations en favorisant la collaboration entre acteurs publics, territoires et entreprises. Il fixera d’ici la fin du premier trimestre des orientations prioritaires. En tête de file : les impacts sur la sécurité, la fluidité, la mobilité et l’environnement ; ou encore les interfaces homme-machine et la gestion des transitions automatisation-reprise en main.
Suivra ensuite la mise en place au deuxième trimestre d’un cadre de financement. « Le programme d’investissements d’avenir (PIA) sera mobilisé pour financer des projets collaboratifs permettant de produire […] des méthodes et des outils de validation des systèmes », annonce d’ores et déjà le rapport.
6. Construire un cadre favorable aux échanges des données
Le gouvernement veut en outre « construire d’ici 2019 un cadre favorable aux échanges des données produites par les véhicules ». L’objectif : améliorer la sécurité routière, la gestion des trafics et l’entretien des infrastructures ; mais aussi développer des services de mobilité. Pour cela, il sera nécessaire de « clarifier les conditions économiques et concurrentielles d’accès à ces données. »
Selon le rapport, la future loi d’orientation des mobilités cadrera les échanges et les conditions d’accès aux données des véhicules, tant concernant les activités économiques que les missions de service public ou encore l’investigation des accidents.
7. Préparer un plan de déploiement des infrastructures connectées
Le gouvernement s’est aussi intéressé à la connectivité V2I, entre véhicules et infrastructures. « Il doit revenir au véhicule de reconnaître, avec l’appui de ses capteurs, et éventuellement de sa connectivité, de sa cartographie et de sa supervision, s’il est dans son domaine d’emploi et d’adapter en conséquence les modes de délégation de conduite », affirme le rapport. Une décision qui peut toutefois être facilitée par les informations fournies par l’infrastructure, dont la signalisation et la cartographie.
Une étude sera donc lancée au quatrième trimestre afin de savoir sur quels axes routiers il est pertinent d’assurer la connectivité des véhicules, notamment en 5G. « Deux objectifs seront identifiés comme prioritaires : la détection du chantier ou du péage pour la reprise en main, le franchissement automatisé de ces zones », ajoute le rapport.
8. Accompagner le développement de la cartographie numérique de précision
Au troisième trimestre, le gouvernement veut d’ailleurs que soient établies les priorités de cartographie du réseau routier pour les véhicules autonome, en commun avec l’ensemble des acteurs. L’objectif : compléter les informations collectées par les capteurs du véhicule, voire prendre le relais en cas de dysfonctionnement (intempéries, marquage effacé, etc.), mais aussi offrir une meilleure capacité d’anticipation au véhicule. Des travaux d’expérimentation sur site fermé sont prévus en partenariat avec l’Institut géographique national (IGN).
9. Mettre en place un observatoire des perceptions et de l’acceptabilité
L’État s’inquiète de la réception de la technologie par les usagers : « L’acceptabilité du véhicule automatisé conditionne son développement, et ne doit pas être considérée comme acquise, affirme le rapport. On observe d’ores et déjà un défaut de familiarisation avec les technologies de délégation de conduite, voire une absence complète de connaissance, ce qui laisse présager de difficultés à s’approprier des systèmes encore plus complexes, surtout lorsque les transitions entre phase de conduite et phase de délégation seront nombreuses et variées. »
La France prévoit donc de lancer un séminaire de réflexions et d’échanges, ainsi qu’un « observatoire des perceptions et de l’acceptabilité » qui mènera des enquêtes régulières après des conducteurs et autres usagers de la route.
10. Analyser les impacts sur les emplois et les compétences
Dernier enjeu : la transformation des emplois. Selon le rapport, les véhicules autonomes auront un impact non seulement sur les 700 000 emplois du secteur des transports, mais également sur ceux de l’industrie et notamment les 500 000 emplois de la filière automobile. « Le développement de l’automatisation va probablement conduire à des transferts de qualifications et d’emploi, avec des opportunités de créer de nouveaux emplois et de nouvelles compétences, probablement plus qualifiées, à l’interface des transports et du numérique », estime le rapport. L’objectif consiste donc à anticiper l’évolution des métiers et des compétences, un travail qui sera confié aux ministères de l’éducation et de la formation professionnelle pour un retour d’ici la fin de l’année.