
La prospective reste un exercice périlleux. Prévoir l’avenir expose à l’erreur. Seuls les voyants s’y adonnent sans craindre le ridicule devant une réalité pour le moins mouvante. Et pourtant les professionnels du VO que nous avons interrogés ont joué le jeu. S’appuyant sur le bilan de l’année écoulée et sur leur expérience, ils tracent à grands traits la physionomie du marché en 2013.
Directeur de l’exploitation d’ALD Automotive France, Hugues de Monteville fait partie de ces professionnels. En 2012, la filiale française de la Société Générale a vendu 47 000 VO contre 45 500 en 2011, soit une progression de 2,5 points. « Ces volumes...
La prospective reste un exercice périlleux. Prévoir l’avenir expose à l’erreur. Seuls les voyants s’y adonnent sans craindre le ridicule devant une réalité pour le moins mouvante. Et pourtant les professionnels du VO que nous avons interrogés ont joué le jeu. S’appuyant sur le bilan de l’année écoulée et sur leur expérience, ils tracent à grands traits la physionomie du marché en 2013.
Directeur de l’exploitation d’ALD Automotive France, Hugues de Monteville fait partie de ces professionnels. En 2012, la filiale française de la Société Générale a vendu 47 000 VO contre 45 500 en 2011, soit une progression de 2,5 points. « Ces volumes plus importants reflètent les prolongations de contrat et les mises à la route plus importantes de 2008 et 2009 », explique Hugues de Monteville. Les clients d’ALD souscrivent des contrats sur 36 mois, mais restituent leurs véhicules à 44 mois. Parallèlement, devant la hausse des prix du carburant, les kilométrages mensuels moyens sont passés de 2 465 km en 2011 à 2 266 km en 2012. Le recul atteint 8 %.
Des volumes de véhicules d’occasion sous contrôle
Si les volumes augmentent, les prix se tassent. « Sur le marché VO des véhicules fortement kilométrés issus de la LLD, l’offre est redondante, constate Hugues de Monteville. Bien qu’installées dans les mentalités, les prolongations de contrats de 2008 et 2009 s’avèrent de fausses bonnes idées car elles écornent la compétitivité. » Quant aux véhicules en location moyenne durée, ils sont revendus après 18 mois et affichent 40 000 km au compteur. Selon Hugues de Monteville, « très rares sur le marché VO, ces véhicules se revendent à des prix assez élevés ».
Sur le marché VO dans sa globalité, le directeur d’exploitation d’ALD établit un constat rassurant : « Tous les professionnels ont encore en tête la crise de 2008 et les volumes sont désormais sous contrôle. 2013 devrait ressembler à 2012 avec des volumes stables et des prix dans une fourchette basse. » Cela étant, les prix de vente restent nettement inférieurs à ceux qui prévalaient avant 2008. La bulle a bel et bien éclaté et les professionnels jouent la prudence.
Reste une incertitude de taille pour Hugues de Monteville : la politique tarifaire des constructeurs sur le véhicule neuf (VN). « Les variations influent directement sur l’ensemble des segments du VO. Cela étant, les constructeurs pourront difficilement réduire des prix déjà très étudiés. »
Spécialiste de l’information automobile, Autovista (Groupe EurotaxGlass’s) a développé de nombreux outils pour aider les distributeurs automobiles à évaluer précisément les prix de leurs VO et à les écouler le plus rapidement possible. Selon Autovista, en 2012, le marché des VO a connu une baisse de 1,3 % de ses volumes ; une performance à comparer au VN et à sa chute spectaculaire de 13,9 %. « Un transfert s’est opéré en faveur du VO, souligne Dominique Allain, directeur général de la filiale française. En 2012, il s’est vendu 2,1 VO pour 1 VN. En 2011, ce ratio était de 2,8 pour 1. »
Un transfert du véhicule neuf vers l’occasion
Mais la stabilité du marché VO dans son ensemble masque des disparités. Les véhicules de moins d’un an ont souffert des promotions des constructeurs sur le VN et accusent une diminution supérieure à la moyenne. Les véhicules d’un à deux ans ont bénéficié de cette situation et ont vu leurs volumes de vente s’accroître. « Si l’on considère le segment de 0 à 2 ans dans son ensemble, les volumes sont restés stables par rapport à 2011 », précise Dominique Allain.
Quant aux véhicules de 3 à 4 ans, leurs volumes se sont réduits davantage que ceux du marché dans sa totalité. Enfin, les VO de plus de 5 ans enregistrent un léger retrait de 0,3 %. Ce dernier segment représente entre 60 et 65 % des immatriculations de VO en France.
Autre statistique éloquente, les ventes entre particuliers pèsent 65 % du marché VO. « Avec 35 %, les professionnels ont des progrès à réaliser, note Dominique Allain. Et ce d’autant plus que pour les réseaux, le VO peut générer de la marge et favoriser les ventes de VN en assurant de meilleures reprises. »
Pour Autovista, la stabilité des volumes s’est accompagnée de celle des valeurs de revente. « Si les prix des VO récents ont souffert des promotions sur le neuf, ceux des véhicules de 3 à 7 ans se tiennent bien », reprend Dominique Allain.
Les distributeurs à la traîne
Pour ce dernier, les labels VO des constructeurs permettent de gagner 2 points sur les prix de vente. « Cela étant, ces labels ne doivent pas occulter la faible part de marché des professionnels sur le marché VO. Les concessions pratiquent des prix trop élevés pour espérer capter les volumes réalisés sur le marché des particuliers. Or, le VO est prometteur pour les concessionnaires. Les prix doivent être calculés au plus juste pour assurer une rotation dans des délais plus courts. Stocker un VO fait perdre 12 à 15 euros chaque jour au concessionnaire. Chez les distributeurs, cette activité souffre d’un déficit de professionnalisation. »
Pour 2013, Autovista estime la baisse du marché VN à 7 ou 7,5 % et prévoit un marché VO stable. « Le transfert du VN vers le VO va se poursuivre, affirme Dominique Allain. En outre, les différents acteurs ont tiré les leçons de la crise de 2008 en pratiquant une politique tarifaire proche de la réalité. » En d’autres termes, la bulle a bel et bien éclaté et ne s’est pas regonflée depuis.
Reste une inconnue de taille : la politique des constructeurs sur le neuf. Pour écouler les stocks, ils pourraient être tentés par des promotions importantes dont pâtirait le marché du VO récent. « Autre évolution, les flottes d’entreprises vont être moins actives sur le marché VN, prévoit Dominique Allain. Les contrats vont être prolongés. »
Quelle politique des constructeurs en 2013 ?
Implanté dans 52 pays, le groupe Dekra réalise 2,15 milliards de chiffre d’affaires. La ligne métier Dekra Automotive Solutions compte trois départements avec des activités autour des VO. Fleet Operation assure les retours des 550 000 véhicules issus des flottes en Europe avant commercialisation sur le marché VO. Le deuxième département est dévolu au remarketing pour valoriser les VO des clients et commercialiser 100 000 véhicules en direct en Europe et 200 000 à travers les sites internet spécialisés.
Enfin, Networks accompagne constructeurs, marques automobiles et distributeurs dans leur démarche de revente. « Nous optimisons la gestion des VO sur l’ensemble du cycle, explique Didier Payen, directeur marketing. Nos solutions améliorent les processus et le retour sur investissement. »
Selon Dekra Automotive Solutions, en 2012, le poids des VO récents dans les ventes de ses clients professionnels est resté stable avec 10 % des volumes réalisés. « Mais le marché global s’est contracté au second semestre. » Sur l’ensemble du marché, la baisse enregistrée s’élève à 1,5 %. « Dans un contexte économique morose, le marché VO s’est maintenu en France alors qu’il a diminué de 20 % en Italie et de 40 % au Portugal », constate Didier Payen.
Un marché aux influences multiples
Sur sa propre activité VO concentrée sur le marché b to b, Dekra Automotive Solutions note un marché allemand prépondérant pour absorber les volumes de VO récents. Cela étant, l’économie s’est rétractée Outre-Rhin à l’automne, avec un volume de VN en recul de 3 %.
Pour les véhicules plus anciens, l’Europe de l’Est continue de représenter un potentiel important et ce, notamment pour les véhicules issus des contrats de LLD. « Mais, observe Didier Payen, la France privilégie de plus en plus les VN à petits prix et le marché VO national pourrait reprendre des parts de marché sur le segment des véhicules de gamme supérieure plus anciens. »
Quant au prix de vente, Dekra note un tassement au second semestre. Les promotions sur les VN ont entraîné les prix des VO récents vers le bas. Parallèlement, les volumes de véhicules issus des contrats de LLD ont gonflé et joué un rôle négatif sur les prix.
Selon les prévisions de Dekra, les loueurs de courte, de longue durée et les constructeurs devraient continuer à maîtriser leurs stocks en 2013. « Depuis la crise de 2008, cette prudence est devenue une constante », poursuit Didier Payen. Autre élément de prospective, les véhicules des marques généralistes devraient souffrir au profit de ceux des labels premium. « En période de crise, le rapport qualité/prix importe davantage, explique-t-il. La raison va l’emporter et acheter un véhicule premium comporte moins de risques. »
Face aux difficultés économiques, les stratégies s’affinent et chaque décision est mûrement pesée. Intellectuellement, pour les spécialistes du marketing, les périodes de crise apportent de multiples enseignements. Pour continuer de progresser, les solutions deviennent plus complexes à élaborer et à déployer. A contrario, la croissance naturelle n’incite pas à la créativité.