
Selon les chiffres récemment publiés par l’association Avere-France, 69 160 véhicules légers électrifiés ont été immatriculés au premier semestre 2020. Soit une progression de 108 % par rapport au premier semestre 2019 et un niveau d’immatriculations équivalent à celui de l’ensemble de 2019. Sur ce total, 48 871 véhicules 100 % électriques (+ 93 %) ont été vendus.
Du côté des entreprises d’après l’Arval Mobility Observatory, 303 995 VL ont été immatriculés durant les six premiers mois de 2020, soit un repli de 32,69 % par rapport à la même période de 2019. Sur ce marché des professionnels plus précisément, il s’est vendu 22 362 hybrides...
Selon les chiffres récemment publiés par l’association Avere-France, 69 160 véhicules légers électrifiés ont été immatriculés au premier semestre 2020. Soit une progression de 108 % par rapport au premier semestre 2019 et un niveau d’immatriculations équivalent à celui de l’ensemble de 2019. Sur ce total, 48 871 véhicules 100 % électriques (+ 93 %) ont été vendus.
Du côté des entreprises d’après l’Arval Mobility Observatory, 303 995 VL ont été immatriculés durant les six premiers mois de 2020, soit un repli de 32,69 % par rapport à la même période de 2019. Sur ce marché des professionnels plus précisément, il s’est vendu 22 362 hybrides (+ 46,56 %) dont 8 597 hybrides rechargeables (+ 122,89 %), et 11 509 véhicules électriques (+ 8,72 %). Avec au total une part de marché de l’hybride et de l’électrique à 7,36 % et 3,79 %, contre 69,23 % pour le diesel et 19,41 % pour l’essence – deux énergies en recul constant.
L’électrique à la hausse
De bons chiffres pour l’électrique qui s’expliquent en partie par le report des livraisons prévues au printemps, et plus marginalement par les récentes aides de l’État, soit 5 000 euros pour un véhicule électrique et 2 000 euros pour un hybride, sous certaines conditions. Mais sur la durée, le facteur le plus déterminant reste la réglementation qui favorise les modèles « propres », essentiellement électriques. Avec des obligations légales toujours plus contraignantes.
« La loi d’orientation des mobilités (LOM) impose aux entreprises à la tête de plus de 100 véhicules un taux de renouvellement en véhicules propres (moins de 60 g/km de CO2) de 10 % à partir de janvier 2022, puis de 20 % en 2024, jusqu’à 50 % en 2030. Et l’offre des constructeurs va évoluer vers plus de modèles électriques car la réglementation européenne CAFE les oblige à ne pas dépasser un seuil moyen d’émissions de 95 g pour les nouvelles immatriculations. Et les pénalités peuvent être très lourdes », argumente Christophe Mayen, directeur du pôle mobilité transports chez Bouygues Énergies et Services, entreprise qui implante et exploite des réseaux de recharge.
S’ajoutent des contraintes locales dans les zones à faibles émissions (ZFE). « Quand on regarde les résultats des récentes élections municipales, ajoute Christophe Mayen, il est sûr qu’un nombre croissant de collectivités va restreindre l’accès des centres villes au thermique. C’est une incitation supplémentaire à passer à l’électrique, que complète la politique de subventions dont le programme Advenir. » Celui-ci prévoit une aide par point de recharge pour les flottes d’entreprise. Une aide encore supérieure si la station est ouverte au public (voir notre dossier sur la recharge électrique).
Un écosystème favorable
Si l’écosystème se fait donc très favorable à l’électrique, les entreprises qui ont déjà massivement électrifié leur flotte n’en ont pas moins mené une politique « volontariste ». C’est le cas de Sepur, spécialiste de la gestion et de la collecte des déchets. « C’est notre orientation stratégique en tant qu’acteur des métiers de l’environnement, explique Philippe Crassous. Il n’y aura d’ailleurs plus une goutte de gasoil en 2025, y compris pour les poids lourds et les fourgons », anticipe ce directeur matériel et achats qui a déjà supprimé les énergies thermiques pour les véhicules de service et de fonction. « Il ne nous reste en parc que 94 diesel sur les 379 VL de la flotte, soit 1 690 véhicules y compris les poids lourds. Il s’agit essentiellement de fourgons et des plateaux bennes pour lesquels les solutions alternatives sont peu développées », indique Philippe Crassous. Qui a cependant réussi à en passer une petite cinquantaine au GNV et à l’électrique (Master Z.E. et e-NV200).
« Il n’y a pas beaucoup d’entreprises ultra volontaristes en la matière, poursuit Philippe Crassous. Pourtant, c’est maintenant plus facile de se lancer. Les contraintes d’autonomie ont évolué : on est passé de 150 km à plus de 300 km. Les technologies pour les bornes et les batteries sont éprouvées. Et la LOM incite même les copropriétés à s’équiper en bornes. » En bref, plus personne n’essuie les plâtres, estime-t-il.
Les pionniers
En 2014 en revanche, en se lançant avec ses premières Zoé, Sepur a pris des risques. « Nous avons préféré les acheter pour tester, avant de passer à la LLD quand les valeurs résiduelles ont commencé à être correctes et que les loyers ont suivi à la baisse. Aujourd’hui, quand on veut on peut », résume Philippe Crassous.
Autre pionnier : SAP Labs qui a intégré 85 % de véhicules électriques en parc et vise les 100 % en 2021. « Tous les renouvellements se font en électrique depuis janvier 2019. Nous voulons montrer l’exemple. C’est une volonté forte notamment dans le cadre de notre certification Iso 14001 », avance Benoît Duval. Gestionnaire des 270 véhicules de la filiale R&D de l’éditeur allemand de logiciels, ce dernier n’hésite pas à participer à des journées de présentation et de tests de véhicules électriques avec son loueur ALD Automotive : « Nous espérons ainsi avoir convaincu Lidl », espère-t-il.
Autre politique volontariste : le Groupe EDF a décidé de convertir 100 % de sa flotte de VL d’ici 2030, soit pas moins de 30 000 véhicules électriques, en s’appuyant sur sa filiale Izivia (ex Sodetrel), chargée de déployer plus de 30 000 bornes de recharge sur les 1 500 sites du groupe.
Le public à la manœuvre
Pour leur part, les acteurs publics mènent une politique d’électrification d’autant plus volontariste que la loi leur impose un taux minimal de renouvellement en véhicules à faibles émissions : 50 % pour l’État et ses établissements, 20 % pour les collectivités territoriales jusqu’au 30 juin 2021 puis 30 %, et 37,4 % en 2026. « En un an, entre fin 2019 et fin 2020, nous serons passés de 16 à 28 véhicules électriques et nous allons continuer sur cette lancée. Soit plus que les contraintes légales avec 37 % des renouvellements en électrique pour 2020. Nous voulons installer l’électrique comme incontournable dans nos parcs relais de véhicules mutualisés, illustre Thierry Fristot, directeur de l’environnement de travail et de la mission de la mobilité au sein du département de la Moselle, à la tête d’un parc de 408 véhicules (374 VP et 34 VUL). »
Ce département compte plus de véhicules essence que de diesel dans sa flotte depuis 2018, sauf pour les utilitaires uniquement diesel. « Nos VUL tournent dans tout le département et l’électrique n’est pas encore adapté du fait des autonomies nécessaires, souligne Thierry Fristot. Nous avons toutefois intégré dans la flotte deux Kangoo Z.E. pour le courrier avec un périmètre d’intervention restreint à l’agglomération de Metz. Avec les gros utilitaires, le coût des fourgons électriques est un second frein. Nous mettons donc l’accent sur l’électrification des VP. »

Des bilans positifs
Franchir le cap de l’électrique devient de plus en plus facile, confirme Hervé Foucard, chef du service technique des transports automobiles municipaux à la mairie de Paris qui a passé 431 véhicules à l’électrique sur une flotte de 2 680 véhicules. « Les constructeurs ont fait d’énormes progrès. Le véhicule est fiable. Avec nos premiers modèles de Zoé ou de C-Zéro, âgés maintenant d’environ sept ans, nous n’avons eu aucun souci avec les batteries qui n’ont pas perdu en autonomie », souligne ce responsable. Qui a pour objectif d’électrifier à 90 % sa flotte de citadines, de berlines et de petits utilitaires à l’horizon 2024. « Nous avions espéré atteindre ce cap en 2021 mais c’était très optimiste entre autres en raison des freins existants, le premier d’entre eux étant l’installation de bornes », note Hervé Foucard.
La mairie de Paris diversifie les véhicules en fonction des usages. Les 431 véhicules électriques comprennent 232 fourgonnettes de type Kangoo Z.E. ou e-NV200, cinq Master Z.E., 82 citadines mais aussi 81 motos électriques (équivalent 50 ou 125 cm3) et 31 Goupil. « Ces derniers, équipés d’un arroseur haute pression à l’arrière, se montrent très pertinents pour nettoyer les trottoirs. Des triporteurs ou vélos cargos à assistance électrique sont aussi employés pour apporter du matériel en dépannage dans les crèches ou les écoles maternelles. Nous avons même expérimenté le triporteur électrique pour transporter des urnes dans le cadre de nos opérations de budget participatif quand nous interrogeons les Parisiens sur des projets d’aménagement », détaille Hervé Foucard (voir aussi notre dossier sur les flottes de vélos).
Des freins subsistent
Pour Cetup, spécialiste de la livraison légère et pionnier de l’expérimentation de l’électrique dès 2011 et de l’hydrogène (voir l’article), l’autonomie de l’électrique n’en demeure pas moins un vrai casse-tête. « Notre interrogation permanente, c’est comment réaliser des livraisons en roulant propre sur de longues distances, explique Laurence Capossele, co-fondatrice et codirigeante de l’entreprise. Une mission, c’est environ 550 km. L’électrique ne suffit donc pas. Les constructeurs accélèrent le mouvement mais nous ne disposons pas à ce jour de VUL électriques capables de parcourir 1 000 km. La solution la plus immédiate consiste donc à accroître le maillage des réseaux de recharge. » Cetup réfléchit donc à des partenariats et à des stratégies sur le dernier kilomètre pour entrer dans les centres villes quand les collectivités limiteront leur accès aux diesel.
Autre écueil, l’offre des constructeurs qui devrait certes évoluer avec la réglementation CAFE : « Pour moi, c’est un mystère. Pourquoi les constructeurs ne proposent-ils pas de solutions opérationnelles pour les gros utilitaires avec des autonomies correctes. Pourquoi ne se lancent-ils pas ? », s’interroge Olivier Béchu, directeur métier et organisation réseau dernier kilomètre du groupe FNAC-Darty. Pour ce groupe qui vise une réduction de 50 % de ses émissions en cinq ans, l’offre reste trop restreinte au vu de ses contraintes de livraison, ce qui l’a incité à miser sur le GNV pour ses VU.
La question de l’autonomie des VU
Engie Solutions, qui accompagne les entreprises et les collectivités vers la neutralité carbone, a accéléré depuis la fin 2019 le verdissement de son parc, soit 28 000 véhicules dont 80 % de VP et de VUL, et a décidé de renforcer la part de l’électrique de 3 % actuellement. Mais l’entreprise pointe aussi des limites sur les VU : « L’électrique est bien adapté pour nos véhicules de service deux places, d’autant que l’autonomie ne nous bloque plus, constate Hichem Bardi, directeur fleet et logistique. Mais il l’est moins pour les utilitaires. Actuellement, nous avons des Kangoo et des Partner électriques, mais pour les plus gros modèles, cela ne correspond pas aux besoins de transport de charges lourdes. Le Master Z.E. a ainsi une autonomie maximale de 150 km en réel, mais moins s’il est chargé. En utilitaire, l’électrique est intéressant pour la livraison du dernier kilomètre mais cela n’est pas notre activité. »
Toujours chez Engie Solutions, la flotte de véhicules de fonction compte encore peu de modèles 100 % électriques. « Pour ceux qui sont beaucoup sur le terrain, les infrastructures en extérieur ne permettent pas de recharger souvent et rapidement », indique Hichem Bardi. L’autre frein, ce sont les mentalités. « Mais cela évolue rapidement et de plus en plus de salariés sont intéressés, reprend ce responsable. Pour les aider à passer le cap, nous venons de mettre en place l’offre Switch d’ALD pour bénéficier d’un véhicule thermique pendant les vacances et un certain nombre de week-ends. »
Des véhicules de fonction électriques
Un choix que Sepur a refusé : « Les grands trajets pour des vacances, c’est une ou deux fois dans l’année, rappelle Philippe Crassous. Si les salariés traversent la France, ils ont une carte Charge Map fournie par Sepur. La recharge est alors une occasion de s’arrêter et d’éviter de faire le trajet d’une seule traite. »
Chez Sepur, les 183 véhicules de service sont passés très rapidement à l’électrique, dès 2015. Une bascule d’autant plus facile « qu’ils ne sont pas employés pour des week-ends et des vacances mais juste pour les déplacements professionnels et les trajets domicile-travail », expose Philippe Crassous. Pour les 60 VP de fonction (17 électriques et 43 hybrides rechargeables), l’introduction a été en revanche plus progressive. « Il s’agissait de vaincre les réticences des collaborateurs, entre autres sur l’autonomie et les possibilités de recharge sur le domaine public. Pourtant, les managers éligibles aux voitures de fonction avaient l’expérience de leurs chefs d’équipe qui roulent en Zoé. »
De son côté, SAP Labs a franchi le cap à marche forcée pour ses 270 véhicules de fonction, en misant sur des incitations financières et un fort accompagnement. « Nous avons commencé il y a cinq ans avec six Zoé en test. Pour vaincre les réticences, nous avons proposé l’électrique pour 1 euro symbolique de participation par mois, plus les avantages en nature de l’ordre de 120 euros pour une Zoé, alors que la participation variait de 20 à 200 euros pour les thermiques. Autre avantage : la gratuité pour la recharge sur notre site et des cartes de recharge publiques adaptées. Notre leitmotiv est : “Vous ne serez jamais lésés car vous êtes des pionniers“. Dans cette optique, nous avons adjoint un véhicule thermique en prêt pour les vacances », relate Benoît Duval.
Vaincre les réticences
L’incitation a été efficace : « Les retours ont été très positifs et dès 2016, les commandes ont explosé. L’arrivée de véhicules comme la Tesla Model S, pour lesquels la participation a été portée à 400 euros, a accéléré le mouvement, ajoute Benoît Duval. Avec l’augmentation des autonomies, encore accrues par le choix de batteries de 60 kW, les prêts de véhicules pour les vacances ont été arrêtés. »
Certes, SAP Labs a dû « casser la barrière des critères d’attribution, fixée sur la base du prix du véhicule remisé. Auparavant, nous étions à 29 500 euros. Nous sommes passés provisoirement à 83 000 euros pour faire entrer la Tesla », complète Benoît Duval. Désormais, ce dernier privilégie la Tesla Model 3, la Kia e-Niro et la version électrique du Kona chez Hyundai, « plus adaptées, notamment pour l’autonomie. L’e-Niro affiche 480 km en WLTP et la Tesla 550 km, et moins sur l’autoroute. Pour ceux qui traversent la France pendant les vacances, il suffit de s’arrêter une fois une bonne demi-heure pour recharger à 90 % sur des bornes de recharge accélérée ». Un exemple à suivre.
Dossier - Énergies alternatives : les flottes pionnières
- Véhicules électriques : des atouts mais encore des limites
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