Pour Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA), il ne devrait pas y avoir de rupture technologique dans les dix à quinze ans avec les batteries électriques – comme pour les motorisations : « Les batteries lithium-ion devraient prédominer pendant encore au moins quinze ans, avec une amélioration de la densité énergétique et une diminution du prix », avance-t-il.
Parmi les pistes d’évolution, on parle de batteries lithium-ion solide. « L’utilisation d’un électrolyte solide amène à augmenter la tension de la batterie et donc la densité énergétique par rapport aux électrolytes liquides actuels. En effet, ces...
Pour Jean-Luc Brossard, directeur R&D de la Filière automobile et mobilités (PFA), il ne devrait pas y avoir de rupture technologique dans les dix à quinze ans avec les batteries électriques – comme pour les motorisations : « Les batteries lithium-ion devraient prédominer pendant encore au moins quinze ans, avec une amélioration de la densité énergétique et une diminution du prix », avance-t-il.
Parmi les pistes d’évolution, on parle de batteries lithium-ion solide. « L’utilisation d’un électrolyte solide amène à augmenter la tension de la batterie et donc la densité énergétique par rapport aux électrolytes liquides actuels. En effet, ces derniers se dégradent ou interagissent avec les électrodes à haute tension. La partie solide aide également à gagner en sécurité en évitant tout risque de fuite », détaille Serge Pelissier, directeur de l’équipe Éco-gestion des systèmes énergétiques pour les transports (Eco7) à l’Ifsttar. Plusieurs travaux de recherche pourraient aussi remettre au goût du jour les batteries lithium-métal polymère, une technologie de batterie solide jusqu’alors abandonnée sauf par le Groupe Bolloré.
En attendant la rupture
« Cependant, si le passage à des batteries lithium-ion solide pouvait multiplier par deux la densité énergétique, cela ne suffirait pas, estime Jean-Luc Brossard. Pour une vraie rupture, il faudrait inventer des batteries de 30 à 50 kW/h, pesant entre 30 et 50 kg ; pour l’instant, nous ne le voyons que dans les laboratoires. »
En parallèle, la start-up française Tiamat, issue du Réseau français sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E) porté par le CNRS, développe des batteries sodium-ion. « Le sodium offre l’avantage d’être plus abondant que le lithium dans la croûte terrestre et possède un potentiel intéressant d’un point de vue électrochimique, explique Serge Pelissier. Les premiers prototypes de batteries sodium-ion ont une densité énergétique d’environ 150 Wh/kg au niveau de la cellule, soit légèrement en dessous de celle des batteries lithium-ion, sachant que celles-ci ont bénéficié de quinze à vingt ans de recherche. Enfin, cette technologie pourrait être un bon moyen de concurrencer l’Asie qui domine le marché des batteries lithium-ion. » Enfin, des recherches portent aussi sur des batteries zinc-air ou lithium-air, mais « celles-ci sont annoncées par les experts de la prospective dans les années 2040-2050 », nuance Jean-Luc Brossard.
Outre les nombreuses questions environnementales à étudier, les enjeux des mécanismes de vieillissement de ces batteries sont importants. « Il existe différents modes de vieillissement de la batterie : lorsqu’elle est au repos (mode calendaire) et lorsqu’elle est en cyclage », souligne Serge Pelissier. Dans le premier cas, le vieillissement dépend de la température et de l’état de charge. « Les pires conditions (une charge à 100 % et une température supérieure à 50 °C) peuvent entraîner un vieillissement de la batterie en quelques mois », précise Serge Pelissier. En cyclage, le vieillissement dépend pareillement de la température, mais aussi du courant. Seul souci : on ne sait pas exactement comment se couplent ces deux modes de vieillissement.
« D’après nos études, ce couplage ne serait pas seulement additif mais peut présenter des phénomènes d’amplification, indique Serge Pelissier. Nous cherchons donc à identifier les usages qui vont faire vieillir plus vite la batterie. Cela amènera à optimiser la durée de vie de la batterie, son impact sur le coût d’un véhicule, mais aussi à définir un modèle économique pour son utilisation en seconde vie en connaissant sa capacité de réutilisation. »
Les batteries vieillissent aussi
L’étude du vieillissement des batteries est d’autant plus compliquée que chaque technologie a un comportement différent. « Le terme de batterie lithium-ion est en fait générique : il recouvre des déclinaisons chimiques différentes et aux comportements variables. L’effet des usages sera donc pareillement variable », complète Serge Pelissier.
Enfin, il est encore difficile d’avoir une approche d’analyse de cycle de vie (ACV) pour évaluer l’impact environnemental des batteries. « De fait, il est nécessaire de connaître la composition chimique exacte et les procédés industriels employés en détail pour analyser cet impact, sachant que chaque technologie de batterie aura un impact différent. Or, ces informations ne sont pas sur la place publique. Il y a donc un gros effort à faire sur la méthodologie et les bases de données », conclut Serge Pelissier.
Les véhicules électriques peuvent recourir à une autre source d’énergie que la batterie : la pile à combustible (PAC) à hydrogène. « Une PAC est un convertisseur d’énergie électrochimique capable de produire de l’électricité et de la chaleur à partir d’hydrogène et d’oxygène », résume Christian Beauger, responsable du Groupe matériaux et procédés au sein du Centre procédés, énergies renouvelables et systèmes énergétiques (PERSEE) de Mines ParisTech. La PAC peut être la principale source d’alimentation du moteur électrique ou seulement jouer le rôle de prolongateur d’autonomie.
PAC : des recherches en cours

L’équipe de Christian Beauger réfléchit selon trois axes : l’amélioration des performances, la réduction des coûts et le renforcement de la durabilité. L’objectif est notamment d’atteindre 5 000 heures d’utilisation en application transport. « Nous travaillons sur une technologie basse température de PAC, les piles à membrane échangeuse de protons (PEMFC), et plus précisément sur le “stack” : l’empilement de cellules permettant d’obtenir la puissance souhaitée », décrit Christian Beauger.
De son côté, Valeo planche sur les éléments entourant les PAC. « Nous concevons des compresseurs pour pousser l’air à travers la membrane qui catalyse l’hydrogène nécessaire à la réaction chimique. Ces compresseurs doivent disposer d’une puissance égale à un tiers de la puissance de la pile, et l’enjeu est à la fois de rester très silencieux et de ne pas perdre cette énergie lorsque l’air ressort de la membrane en la renvoyant dans la batterie », expose Guillaume Devauchelle, vice-président innovation et développement scientifique de Valeo.
Valeo planche aussi sur le système de refroidissement de la pile. « Le rendement d’une PAC est de 50 %, contre seulement 30 % pour un moteur thermique, mais l’inconvénient est qu’il n’y a pas de pot d’échappement. Il faut donc évacuer les pertes par les radiateurs, ce qui est compliqué sur le plan thermique, reprend Guillaume Devauchelle. Car la pile opère autour de 50-60 °C, contre 110 °C pour un moteur thermique ; en été et dans certains pays, il y a donc peu de différence avec la température de l’air extérieur et il n’est pas simple d’y évacuer les calories tout en conservant un radiateur silencieux. »
Hydrogène : des problèmes à résoudre
« Il n’y aura que très peu de véhicules hydrogène dans les dix prochaines années parce que l’écosystème n’est pas encore en place et qu’il faut une production d’hydrogène propre à un coût raisonnable, estime Jean-Luc Brossard pour la PFA. Le coût à la pompe probable de 8 euros/kg en 2030 est déjà ambitieux et la cible devra être inférieure à 5 euros/kg. En outre, le véhicule reste encore trop cher par rapport au marché et devra donc faire l’objet d’une baisse des coûts afin d’être compétitif pour une utilisation généralisée à grands volumes. »
De même, pour Marc Charlet, directeur général du pôle de compétitivité Mov’eo, l’hydrogène s’inscrit dans une vision à long terme, car il existe encore de nombreux verrous à lever. Mais des travaux de recherche sont en cours en France notamment avec Michelin, Air Liquide et Faurecia. « La question principale est celle du mode de production : si l’hydrogène est produit à partir de carburants fossiles, son analyse de cycle de vie n’est pas bonne en matière d’émissions, indique Marc Charlet. De plus, son utilisation pour la mobilité pose des problèmes de stockage et de distribution, et engendre des coûts importants tant pour le stockage que pour la PAC qui contient des matériaux rares », conclut-il.
L’hydrogène reste en veille
Tous les constructeurs ne sont néanmoins pas encore convaincus par la PAC : « Nous restons en veille et sommes en préparation de véhicules en quantité limitée dans un premier temps, dévoile Alain Raposo, directeur des chaînes de traction et châssis du Groupe PSA. Le développement et l’implantation de cette technologie dépendent des infrastructures, et nous n’anticipons pas de forte évolution des volumes à courte et moyenne échéances. Mais cela peut se déclencher en cas d’évolution politique, en particulier européenne. » À suivre.
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