
Les matériaux marquent deux étapes majeures de la vie du véhicule : sa naissance et sa fin. Ainsi, la fabrication d’une Renault Clio IV mobilise 76 % de métal, 3 à 4 % d’élastomère et de pneumatiques, 16 % de polymères, le reste comprenant des fluides et du verre. « Ces pourcentages évoluent en permanence », commente Jean-Philippe Hermine, directeur du plan et de la stratégie environnement de Renault. De leur côté, les véhicules de PSA Peugeot Citroën sont constitués en moyenne de 70 à 72 % de métaux, de 20 à 25 % de polymères dont 3 à 3,5 % pour les pneumatiques, le reste couvrant les vitrages, les fluides et l’électronique.
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Les matériaux marquent deux étapes majeures de la vie du véhicule : sa naissance et sa fin. Ainsi, la fabrication d’une Renault Clio IV mobilise 76 % de métal, 3 à 4 % d’élastomère et de pneumatiques, 16 % de polymères, le reste comprenant des fluides et du verre. « Ces pourcentages évoluent en permanence », commente Jean-Philippe Hermine, directeur du plan et de la stratégie environnement de Renault. De leur côté, les véhicules de PSA Peugeot Citroën sont constitués en moyenne de 70 à 72 % de métaux, de 20 à 25 % de polymères dont 3 à 3,5 % pour les pneumatiques, le reste couvrant les vitrages, les fluides et l’électronique.
Une place accrue pour les matériaux recyclés
Pour les constructeurs, le défi est clair : intégrer le plus de matériaux recyclés dans la composition d’un modèle neuf. Tout en demeurant dans la course à l’allègement du véhicule afin diminuer les consommations de carburant et les émissions lors de la phase d’usage. « À titre d’exemple, pour réduire la masse globale, la place des polymères est de plus en plus importante. Ils représentent désormais la moitié des plastiques employés dans l’automobile », souligne Jean-Philippe Hermine.
Mais recourir aux matériaux recyclés n’est pas toujours simple. Si les métaux sont facilement fondus et réutilisés, la qualité obtenue n’est pas forcément compatible avec les exigences des constructeurs. Quant aux plastiques, ils ne bénéficient pas de l’antériorité de l’acier ou de l’aluminium. Mais des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années.
« En 2012, les bio-polymères, les fibres naturelles et les matériaux recyclés ont représenté le quart de la famille des polymères destinés à la fabrication de nos véhicules », calcule Sophie Richet, expert matériaux et procédés éco-conception du groupe PSA Peugeot Citroën. « Sur la Nouvelle Clio, 15 % des plastiques sont issus du recyclage. À chaque génération, nous progressons d’un ou deux points. Dans les trois ans, nous atteindrons 20 % et d’ici à quatre ans, nous aurons doublé la quantité de plastiques recyclés », complète Jean-Philippe Hermine.
Chez PSA comme pour l’ensemble des constructeurs, les matières plastiques constituent un véritable défi pour l’éco-conception et le recyclage. Les recherches se concentrent sur ce domaine encore vierge avec des espoirs de progrès prometteurs. En revanche, les polypropylènes sont en grande majorité recyclés et servent entre autres à la fabrication des pare-chocs de la nouvelle 208.
« Avec l’éco-conception, explique Sophie Richet, la difficulté est notamment de s’assurer que les matériaux utilisés pour faire baisser le poids des véhicules et donc les émissions de CO2 peuvent être traités en fin de vie dans de bonnes conditions, tout en respectant l’équation économique de l’industrie automobile. Ainsi, remplacer l’acier par l’aluminium allège le véhicule mais augmente les coûts. Les composites offrent les mêmes qualités en termes de poids et préservent l’équilibre économique, mais doivent encore progresser technologiquement. La composition du véhicule du futur résultera d’un compromis entre ces contraintes.»
À l’autre bout de la chaîne, les matériaux des véhicules en fin de vie sont réutilisés, recyclés ou valorisés dans la production d’énergie. Aujourd’hui, en Europe, selon les spécialistes, 80 % de la masse totale d’un véhicule hors d’usage (VHU) a une seconde vie. « Ce pourcentage varie selon les pays en fonction du taux de réutilisation des pièces d’occasion issus des VHU », précise Jean-Philippe Hermine, pour Renault.
Recyclage, réutilisation ou encore valorisation
Encadré par la législation européenne, le devenir des VHU a donné naissance à une véritable filière de traitement. Les textes différencient le recyclage de la réutilisation et des autres formes de valorisation. Dans les faits, le recyclage consiste à faire appel à des matériaux issus du démontage, du tri et du broyage pour les réemployer dans leur fonction initiale ou à d’autres fins. La réutilisation se traduit par le tri et la récupération de certaines pièces du VHU pour les vendre sur le marché de l’occasion. Enfin, la valorisation énergétique ou la valorisation dans les travaux publics recourent principalement aux matières extraites après broyage.
« L’arbitrage entre ces traitements dépend de facteurs environnementaux mais aussi de contraintes économiques, ajoute Jean-Philippe Hermine. Face aux coûts économiques et écologiques du transport, dans certains cas, il peut être plus pertinent de privilégier la valorisation ou la réutilisation au recyclage.»
Des constructeurs très impliqués dans les VHU
En 2008, Renault s’est associée à Sita/Suez Environnement pour prendre une participation majoritaire dans Indra, entreprise qui gère et distribue les VHU pour le compte de 350 démolisseurs en France. Autre initiative, en 2010, le constructeur s’est engagé dans la création d’une filière de recyclage des polyamides issus des VHU en partenariat avec Rhodia, Indra, Steep et Mann&Hummel. Parallèlement, pour obtenir la signature eco2, un véhicule Renault doit intégrer une quantité de plastique recyclé supérieure à 7 % de la masse totale de plastique utilisée et être valorisable à 95 % en fin de vie.
Sur le dossier des VHU, PSA Peugeot Citroën affiche ses résultats. « Les véhicules issus de nos réseaux commerciaux Peugeot et Citroën sont âgés de 15 à 16 ans, note Éric Consigny, responsable de la coordination véhicules hors d’usage. Dans le réseau, nous avons mis en place des processus de collecte, de récupération et de traitement. En 2010, le taux de réutilisation et de recyclage s’établissait à 81,9 % sur le territoire français. Avec 88,9 %, nous sommes au-dessus de la réglementation qui impose une valorisation à hauteur de 85 %.»
PSA a identifié le tri post-broyage comme un axe de progression essentiel. Si les technologies existent, elles doivent se généraliser pour améliorer les taux de recyclage. En schématisant, la première technologie pour trier les matières broyées est de les plonger dans un bain où elles vont descendre plus ou moins selon leur densité. La deuxième permet d’identifier les matériaux à l’aide de rayons optiques. « Pour un groupe industriel, observe Éric Consigny, ces investissements importants peuvent s’inscrire dans une stratégie de développement à long terme. Pour les broyeurs indépendants, la question reste en suspens et l’État devra apporter une réponse sur ce point.»
Une filière française du VHU fragilisée
Selon PSA Peugeot Citroën, 20 % des VHU ne sont pas traités dans les centres agréés. Cette perte de volume s’inscrit dans un contexte de crise de l’industrie automobile. Avec la fin de la prime à la casse en 2011 et le recul des ventes de véhicules neufs enregistrés depuis cette date, le nombre de VHU est parti à la baisse. Et les centres agréés souffrent d’une activité en berne. Sur le territoire français, tant que la filière VHU présente un bilan positif, les constructeurs ne sont pas impliqués financièrement. Mais avec un équilibre instable, la situation pourrait bien se retourner.
À noter qu’avec l’apparition des véhicules électriques sur le marché, de nombreuses interrogations ont porté sur le recyclage des batteries. Or, pour les constructeurs et les spécialistes, le traitement des batteries en fin de vie soulève moins de difficultés que d’autres matériaux comme le plastique. « Les batteries de la gamme Renault Z.E. sont louées aux utilisateurs, avance Jean-Philippe Hermine. La marque est entièrement responsable de leur collecte et de leur recyclage.»
Chez Renault, les solutions de traitement de ces batteries existent et des contrats ont d’ores et déjà été signés avec des opérateurs spécialisés. Le taux de recyclage et de réutilisation va au-delà de la réglementation européenne. « Les batteries contiennent des métaux précieux comme le cobalt, le nickel, le cuivre et l’aluminium. L’enjeu économique est tel que le recyclage est garant », poursuit Jean-Philippe Hermine.
Des batteries électriques recyclées à 100 %
Dans les faits, non seulement, les batteries sont recyclées mais elles ont aussi une deuxième vie : soit elles subissent une réingénierie et sont réutilisées pour alimenter d’autres véhicules, soit elles servent à stocker l’énergie en position statique. Renault l’assure, ses batteries seront bel et bien recyclées à 100 %.
Ce que confirme Éric Lecointre pour l’Ademe : « Les batteries des véhicules électriques contiennent des métaux précieux pour lesquels il existe des risques de pénurie à l’échelle mondiale. Il est donc important de maîtriser leur recyclage et c’est pourquoi la location s’est naturellement imposée comme modèle de commercialisation chez plusieurs constructeurs. Quant aux batteries de démarrage, leur valeur résiduelle est telle qu’elles sont recyclées à 100 % », complète le coordinateur du secteur déchets automobiles et VHU de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
En revanche, selon l’Ademe, la filière VHU rencontre des difficultés à traiter le verre et les plastiques. Le premier devrait être démonté avant broyage pour être réutilisé ou recyclé, mais cette pratique reste marginale du fait d’un financement encore aléatoire. Une partie minime est valorisée dans les travaux publics et ce, essentiellement à l’issue du broyage de la carcasse du VHU. Mais 85 à 90 % de la masse part en décharge. À partir de juillet 2013, une obligation réglementaire obligera les centres VHU à recycler et à valoriser le verre, mais tous les professionnels ne sont pas prêts.
Les matières plastiques sont également peu réutilisées ou recyclées à l’exception des pièces pouvant être revendues sur le marché de l’occasion comme les optiques de phare, ou vendues à des recycleurs comme les pare-chocs ou encore les passages de roue. Mais sur environ 100 kg de plastique par véhicule léger, seuls 1 à 2 kg suivent ce parcours. Néanmoins, cette part devrait progresser dans les années à venir. En bout de chaîne, à l’issue du broyage, 6 % des matières plastiques sont recyclées et 10 % sont valorisées dans la production énergétique.
Les pneus, une valeur sûre du recyclage
Continuons avec les pneumatiques qui représentent, selon l’Ademe, entre 3 et 3,5 % de la masse d’un véhicule. « Jusqu’en 2010, explique Éric Lecointre, les pneus des VHU soulevaient des difficultés en termes de recyclage, de réutilisation et de valorisation car le financement de la filière n’était pas assuré. Depuis 2011, la situation s’est grandement améliorée avec la prise en charge par les constructeurs du financement de la collecte et du traitement des pneus démontés sur les VHU. Ces pneus sont aujourd’hui réutilisés ou valorisés à près de 100 %.»
Société anonyme dont les fondateurs sont Bridgestone, Continental, Dunlop, Goodyear, Kléber, Michelin et Pirelli, Aliapur constitue la filière de référence dans la valorisation des pneus usagés. Aliapur collecte les contributions financières des producteurs dans la limite des tonnages de leurs ventes de pneus neufs et assume l’organisation de la filière de traitement des enveloppes usagées. Plus de 51 % du budget d’Aliapur est mobilisé par la collecte et le transport, 35,4 % par la transformation, 3,91 % par la valorisation, 7,33 % par les frais de structure et 1,77 % par la recherche et le développement.
En 2012, Aliapur a reçu la commande la plus importante de son histoire avec 322 000 tonnes. L’an passé, l’État a aussi incité les professionnels du pneu qui ne déclaraient pas leurs ventes à se mettre en conformité avec la loi. Grâce à cette initiative, Aliapur a reçu plusieurs dizaines de déclarations de la part de ces entreprises.
Des pneumatiques recyclés et valorisés
Au global, la filière a collaboré avec 96 nouveaux clients. Des sites internet comme 1001 Pneus, Oxyo, PneuWyz ou 123pneus travaillent désormais avec Aliapur. « Les sites les plus importants sont en règle », se félicite Éric Fabiew, directeur général d’Aliapur.
Parallèlement à l’afflux de nouvelles commandes, les ventes de pneus neufs ont chuté de 5 points par rapport à 2011. « Dans ces conditions, reprend Éric Fabiew, les volumes de pneus usagés ont été difficiles à trouver dans les garages et les centres auto. Pourtant, rarement nos prestataires ont effectué autant d’opérations de collecte.» Dans les faits, 29 000 tonnes d’enveloppes usagées n’ont pas pu être trouvées malgré les 4 500 opérations de collecte supplémentaires organisées au cours de l’année.
Sur les près de 40 millions de pneus usagés collectés par Aliapur en 2012 (293 000 tonnes), 33,32 % ont été valorisés à travers la création de granulat et poudrettes (fabrication de poubelles, de roulettes et d’objets divers), de granulats destinés à la création de terrains sportifs et de sols amortissants, de broyats employés dans les aciéries et les fonderies et dans la réhabilitation de carrières dans le cas de pneus entiers de grande taille. La valorisation énergétique (cimenteries, chaufferies urbaines) a pesé 48,36 % de la masse totale collectée.
Enfin, 18,32 % des enveloppes usagées ont été réutilisées à travers le rechapage ou le marché de l’occasion, soit la meilleure performance jamais enregistrée. « Non seulement, les entreprises spécialisées dans le tri sont de plus en plus performantes, mais la crise a fait progresser le marché de l’occasion », constate Éric Fabiew. Qui souhaite qu’une norme encadre le marché VO pour définir le degré d’usure au-delà duquel le pneu ne peut plus être utilisé. Selon Aliapur, hors réutilisation, 239 883 tonnes de pneumatiques ont donc été recyclées en 2012.
Par ailleurs, la filière s’inquiète sur le devenir des granulats issus de la valorisation. Le financement de la moitié des tonnages est assuré par les collectivités territoriales à travers notamment la création de terrains sportifs et de sols amortissants. « En 2015, les élections passées, la demande des municipalités devraient baisser fortement, regrette Éric Fabiew. C’est un vrai sujet de fond et nous avons alerté les ministères de l’écologie et de l’industrie sur ce point.» Aliapur souhaite que le granulat soit privilégié par le gouvernement pour la construction des lignes de tramway.
Pour les pneumatiques comme pour le traitement des autres matériaux des véhicules en fin de vie, la législation a une place essentielle. La puissance publique doit jouer son rôle en dépassant les intérêts privés pour assumer une responsabilité collective.
Dossier - Véhicules hors d’usage : la seconde vie des véhicules
- Véhicules hors d’usage : la seconde vie des véhicules
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