
Les véhicules hydrogène ne se rencontrent pas à tous les coins de rue. Fin 2017, on en comptait environ 6 500 mis à la route dans le monde. Cette technologie verte est pourtant bien maîtrisée : les véhicules s’équipent d’une pile à combustible (PAC) qui convertit en électricité l’hydrogène comprimé et stocké ainsi que l’oxygène de l’air ambiant, selon le principe de l’électrolyse inversée. Principaux avantages : une autonomie de 350 à 500 km en fonction des modèles et une recharge en cinq minutes.
Côté freins : le stockage de l’hydrogène et donc sa distribution. L’hydrogène étant moins dense que l’air, il faut le comprimer à 450 ou 900 bars...
Les véhicules hydrogène ne se rencontrent pas à tous les coins de rue. Fin 2017, on en comptait environ 6 500 mis à la route dans le monde. Cette technologie verte est pourtant bien maîtrisée : les véhicules s’équipent d’une pile à combustible (PAC) qui convertit en électricité l’hydrogène comprimé et stocké ainsi que l’oxygène de l’air ambiant, selon le principe de l’électrolyse inversée. Principaux avantages : une autonomie de 350 à 500 km en fonction des modèles et une recharge en cinq minutes.
Côté freins : le stockage de l’hydrogène et donc sa distribution. L’hydrogène étant moins dense que l’air, il faut le comprimer à 450 ou 900 bars avant d’approvisionner les véhicules : à 350 bars pour les réservoirs des Kangoo, à 700 bars pour les berlines dotées d’une plus grande autonomie. La construction d’une station d’hydrogène constitue alors un investissement très lourd : l’Hexagone ne compte qu’une vingtaine de points de distribution.
Mais les premiers utilisateurs voient déjà en l’hydrogène « une technologie d’aujourd’hui », comme le souligne Samuel Le Goff, chargé de mission à la mairie de l’Île d’Yeu en Vendée, dont la flotte a intégré trois VU hydrogène, des Kangoo Z.E. H2.
De fait, les collectivités ont été parmi les premières à expérimenter l’hydrogène. Le syndicat Morbihan Énergies s’est lancé dès 2017 avec l’acquisition d’un Hyundai ix35 Fuel Cell, le premier véhicule hydrogène immatriculé en Bretagne. Sur la quinzaine de véhicules du syndicat, seuls quatre sont encore 100 % thermiques. Les deux tiers sont électriques (des Nissan Leaf et des Zoé), deux roulent au GNV et un est hybride essence. Un deuxième véhicule à PAC est prévu.
Les pionniers de l’hydrogène
« Notre véhicule hydrogène circule tous les jours. Il se recharge très vite et présente le même confort que les autres modèles électriques, tout en assurant une plus grande autonomie. Nous pouvons aller jusqu’à Rennes ou Nantes à partir de Vannes. Il est aussi employé pour se rendre sur les chantiers. Et bien sûr, il répond à notre objectif de vulgariser l’hydrogène, de montrer que cela fonctionne », s’enthousiasme Édouard Cereuil, responsable du service énergies au sein de Morbihan Énergies.
Les collectivités en pointe
Quant à la communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences (57), elle a inauguré en avril 2017 une station de production d’hydrogène par électrolyse installée par McPhy, spécialiste du stockage de l’hydrogène. D’une capacité de 40 kg par jour, celle-ci peut effectuer 25 recharges quotidiennes à 350 bars. Une dizaine de véhicules acquis par la collectivité et des entreprises privées s’y approvisionnent. Ce projet FaHyence a été financé en partie par le partenariat public-privé européen Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking (FCHJU). Lequel a aussi soutenu les projets d’Air Liquide et celui d’Engie à Rungis (voir le témoignage).
Mais la plus grande flotte mondiale roulant à l’hydrogène est privée et française. Il s’agit de celle des taxis Hype avec 100 véhicules hydrogène dont 62 ix35 Fuel Cell et 38 Mirai. Ceux-ci s’approvisionnent à la station de l’Alma à Paris et aux récentes stations d’Orly Ouest (94) et des Loges-en-Josas (78), près de Versailles, installées par Air Liquide. La station d’Orly, lancée fin 2018 pour un investissement de 2 millions d’euros, peut fournir jusqu’à 200 kg d’hydrogène par jour à 700 bars, et ravitailler quotidiennement 40 à 50 véhicules légers.
La plupart des acteurs, collectivités en tête, qui expérimentent le véhicule à PAC ont commencé par l’électrique. C’est le cas de l’Île d’Yeu. « Nous sommes un territoire idéal pour développer l’électrique car nous ne nous heurtons pas à la question de l’autonomie », explique Samuel Le Goff pour la mairie en évoquant la taille réduite de l’île. Depuis 2010, la commune de l’Île d’Yeu s’est positionnée comme territoire d’innovation à travers la mission « Transition énergétique, Yeu 2030 », et cherche à développer les énergies renouvelables. Si la population islaise roule encore majoritairement au diesel, l’île compte déjà entre 200 et 250 véhicules électriques pour 5 000 habitants à l’année, « soit le plus fort taux de pénétration sur un territoire français », se félicite Samuel Le Goff. Une performance favorisée par l’implantation de quatre bornes publiques dotées chacune de deux points de charge.

De l’électrique à la pile à combustible
La flotte municipale comprend déjà un bus électrique, trois Kangoo Z.E. et trois Kangoo Z.E. H2 parmi une soixantaine de véhicules, y compris des tractopelles, des véhicules de chantier, des tracteurs, etc. « Notre politique consiste à remplacer au fur et à mesure les véhicules thermiques par des modèles électriques rentables en coût de fonctionnement et d’entretien », expose Samuel Le Goff. Et par des véhicules hydrogène : « Cela accroît l’autonomie de l’électrique, un avantage qui n’est pas essentiel sur l’île, mais cela limite aussi à cinq minutes la durée de la charge, et optimise en conséquence l’usage du véhicule. »
« Les véhicules électriques vont être rapidement intéressants à l’usage avec l’augmentation du coût du diesel, d’autant que le carburant est plus cher sur l’île que sur le continent, reprend Samuel Le Goff. Nos véhicules électriques n’auront pas besoin de rouler 15 000 km par an pour être rentables ! En outre, du fait des courtes distances et des nombreux démarrages et redémarrages, les diesel consomment plus que la moyenne sur l’île, ils polluent plus et les moteurs s’encrassent plus vite. » À noter que la municipalité met aussi à disposition des agents cinq vélos électriques, soit un par service.
« Avec nos véhicules électriques et hydrogène, nous avons ouvert la voie, ajoute Samuel Le Goff. D’ailleurs, un parc partagé de véhicules électriques va se mettre en place sur le continent pour faciliter les trajets des habitants hors de l’Île d’Yeu, pour aller chez le médecin, pour les activités des enfants, etc. »
À la recherche de l’hydrogène vert
Si les véhicules à PAC n’émettent pas de gaz à effet de serre – l’eau est le seul résidu rejeté –, la production d’hydrogène se fait très majoritairement (95 %) à partir de ressources fossiles et par vaporeformage du gaz naturel. Ce qui libère d’importantes quantités de CO2. Il existe une autre solution : l’hydrogène « vert ». Selon une étude du cabinet McKinsey, « Hydrogen, Scaling up », l’hydrogène vert, obtenu avec de l’électricité renouvelable par électrolyse de l’eau ou par reformage du biogaz issu du traitement de déchets ou de la biomasse, pourrait alimenter 10 à 15 millions de voitures et 500 000 camions en 2030. Avec un potentiel très notable de réduction des émissions de CO2 d’ici 2050.
Diminuer les émissions de CO2, c’est le pari de la communauté d’agglomération du Grand Dole (47 communes, 55 000 habitants). Lancé dès les années 2000, son projet a notamment pour objectif de valoriser une ressource locale, l’hydrogène décarboné issu du processus d’électrolyse de Solvay-Inovyn, spécialiste des chloro-vinyles, soit 10 000 t d’hydrogène produites sur le site de Tavaux.
« Le Grand Dole figure comme pionnier du développement de l’hydrogène. C’est sur notre territoire que le premier Kangoo hydrogène français a roulé. Depuis 2015, La Poste utilise ce carburant pour six véhicules de distribution du courrier (cinq Kangoo Z.E. et un Maxity). Fin 2018, notre nouvelle station hydrogène a été inaugurée dans la zone d’activité économique Innovia », relate Claire Bourgeois République, vice-présidente du Grand Dole, en charge du développement économique, et membre du conseil d’administration de l’Association française de l’hydrogène et de la pile à combustible (Afhypac).
D’autres entreprises du territoire devraient se doter prochainement de véhicules hydrogène et devenir clientes de la station. Propriété de l’agglomération du Grand Dole, cette station est exploitée par le belge Colruyt, spécialiste de la grande distribution alimentaire. Une dizaine de véhicules hydrogène – dont un commandé par la collectivité et un par Colruyt – rouleront ainsi dans le Grand Dole.

La question du maillage
Claire Bourgeois République souligne « la forte autonomie de ces véhicules. Le processus de la PAC permet également de produire de la chaleur, utile par exemple pour chauffer l’habitacle. » Mais cette élue rappelle aussi le surcoût de ces véhicules : « Un Kangoo Z.E. H2 revient à 32 000 euros, soit 13 000 euros de plus qu’un Z.E. ». Autre enjeu : l’installation d’autres stations car « la réussite du projet de mobilité est liée au maillage », précise-t-elle. Ensuite, la réflexion à Dole porte sur la mise au point d’un système de distribution moins coûteux et plus évolutif, dans le cadre du projet Vhyctor (voir l’article).
Directeur général du syndicat Morbihan Énergies, Marc Aubry confirme cette difficulté liée au ravitaillement : « Aujourd’hui, l’inconvénient de l’hydrogène reste le coût d’investissement pour l’infrastructure et le matériel, mais au-delà, l’hydrogène arrive en tête de peloton comme énergie verte. » Pour s’approvisionner, Morbihan Énergies a installé une station hydrogène, couplée avec le bâtiment du siège ; celui-ci fournit l’électricité nécessaire à la production d’hydrogène par électrolyse grâce à son toit photovoltaïque.
« Ce bâtiment est le deuxième labellisé Passivhaus en France. L’électricité photovoltaïque est envoyée vers l’électrolyseur. L’oxygène s’échappe ensuite dans l’air et nous récupérons l’hydrogène compressé à 350 bars », poursuit Marc Aubry.
Si cette petite station produit 2 kg d’hydrogène par jour et peut ravitailler deux à trois véhicules, un projet en cours voit plus grand avec une station qui fournira 100 kg par jour sur le site Michelin du Prat à Vannes. « Ce qui pourra faire rouler 150 à 200 VL et une vingtaine de VUL en 2019. La station sera ouverte aux collectivités, entreprises et automobilistes privés », complète Marc Aubry. Elle sera approvisionnée par de l’électricité renouvelable et fournira aussi de l’hydrogène à Michelin pour ses besoins industriels. Ce projet mise donc sur le développement de la mobilité hydrogène : « Nous avons réalisé une étude et nous ne doutons pas que les utilisateurs s’y mettent compte tenu des avantages », ajoute Marc Aubry. Cette station de production sera construite en partenariat avec Engie Cofely et Atawey, spécialiste des solutions d’énergie hydrogène.
Élargir le périmètre de l’hydrogène
À ce propos, le développement de l’hydrogène peut se comparer à celui du GNV : « Lorsque nous avons investi dans une station GNV à Vannes, il n’y avait pas de véhicules utilisateurs. Mais des transporteurs ont saisi l’occasion et vont acheter des camions roulant au GNV. Pour la future station d’hydrogène du Prat, nous avons lancé le label “Morbihan Hydrogène“ pour fédérer les acteurs autour de notre carburant local. Des sociétés de taxis et d’ambulances ont déjà fait part de leur intérêt », note Gérard Thépaut, vice-président de Morbihan Énergies et membre du conseil d’administration de l’Afhypac. « Il suffit de lancer la machine, estime Marc Aubry. Avec la généralisation des stations, le coût de ce carburant devrait rapidement rejoindre celui du diesel et de l’essence, voire passer en dessous. »
La réflexion se veut similaire sur l’Île d’Yeu. « Nous nous sommes intéressé à la technologie de la pile à combustible et à la filière hydrogène dès 2010 avec un projet de parc photovoltaïque couplé à une centrale à hydrogène. Ce premier projet n’a pas vu le jour car le site était classé ; il a été relancé en 2015 quand nous avons été labellisé “Territoire à énergie positive pour la croissance verte“. Ce qui a ouvert la porte à d’importants financements », explique Samuel Le Goff, chargé de mission à la mairie de l’Île d’Yeu.
Hydrogène et photovoltaïque
Ce projet a été mené en partenariat avec le SyDEV (Syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée) et la Mission Hydrogène. Il comprend la construction Atawey d’une station de production d’hydrogène par électrolyse dans le site du futur centre technique municipal (CTM). « La toiture du centre sera photovoltaïque pour alimenter en électricité le centre lui-même, les entreprises locales mais aussi la station de production et de distribution d’hydrogène. Celle-ci sera ouverte au public afin d’inciter les particuliers à adopter le véhicule ou le vélo hydrogène », anticipe Samuel Le Goff.
En outre, l’Île d’Yeu devrait bénéficier de l’électricité générée par le futur parc éolien marin, un projet mené par Engie qui devrait produire l’équivalent d’une demi-tranche nucléaire dès 2021. De l’électricité verte pour de futurs projets de production d’hydrogène !
Pour l’Île d’Yeu, qui fait rouler trois Kangoo Z.E. H2, il s’agit aussi d’un tremplin afin d’étendre la mobilité hydrogène aux bus, chariots élévateurs, camions bennes, voire aux bateaux de pêche et de liaison avec le continent. Une vision que partage Morbihan Énergies qui participe au projet européen Interreg pour développer… des bateaux hydrogène.
Dossier - Véhicules hydrogène : les collectivités jouent les éclaireuses
- Véhicules hydrogène : les collectivités jouent les éclaireuses
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