XR Repro : la transition énergétique, un casse-tête

XR Repro : la transition énergétique, un casse-tête

La coopérative agricole spécialiste de la reproduction animale XR Repro, à la tête de plus de 120 véhicules, envisage de remplacer ses diesel. Mais de par l’activité de ses inséminateurs qui réalisent de longues tournées dans les campagnes, la transition vers des motorisations « plus propres » n’a rien d’évident. Reportage à Brindas, près de Lyon.
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XR Repro transition énergétique
Gérard Charry, responsable du contrôle de gestion et de la flotte automobile de XR Repro, devant un des Kangoo conduits par les 95 Xperts de l’entreprise. Ces techniciens de terrain parcourent en moyenne 200 à 250 km par jour. © JV

Implantée en Auvergne-Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, XR Repro dispense des services et conseils aux éleveurs bovins et caprins pour les accompagner au quotidien dans leurs élevages. C’est sous le soleil d’octobre à Brindas, en banlieue ouest de Lyon, que Gérard Charry, responsable du contrôle de gestion et de la flotte automobile, nous présente XR Repro : « Notre métier consiste à apporter de l’expertise à nos adhérents en reproduction des vaches et des chèvres, en génétique, en alimentation et bien-être, mais aussi en formation. »

L’entreprise est issue du regroupement de trois coopératives d’Auvergne-Rhône-Alpes en 2016. « Suite à la fusion, nous sommes passés de 60 véhicules en achat à 120 véhicules au total. Nous nous sommes ensuite tournés vers la location longue durée », relate Gérard Charry. XR Repro finance désormais son parc à 90 % LLD, sur 24 mois, voire 36 à 48 mois, contre 10 % en propre.

XR Repro
© XR Repro

Le diesel pour la campagne…

Les collaborateurs de la coopérative agricole se répartissent dans deux sièges. L’un regroupe les activités sociales et de comptabilité à Coubon, en Haute-Loire. L’autre rassemble les services de direction et d’administration à Brindas. XR Repro met à disposition environ 120 véhicules diesel pour ses plus de 125 salariés. Parmi ces véhicules, plus de 80 % sont des utilitaires (Peugeot Boxer, Renault Trafic et Kangoo). Les 95 techniciens de terrain, appelés « Xperts », s’équipent de Kangoo aménagés, tandis que des Peugeot 308 affaires sont réservées au back-office.

Les Xperts interviennent d’auprès exploitations agricoles essentiellement situées en zone rurale, voire péri-urbaine. Pour bien se figurer leur périmètre d’intervention, il faut savoir que les Xperts couvrent de nombreux départements : le sud du Puy-de-Dôme, la Haute-Loire, la Drôme, l’Ardèche, le Rhône, une partie de l’Ain, l’Isère, les Hautes-Alpes et le nord de la Lozère. « Nos salariés parcourent plus de 4 millions de kilomètres par an. L’amplitude du kilométrage varie de 35 000 à plus de 75 000 km par an selon les secteurs. Mais la majorité des Xperts se situe entre 45 000 et 55 000 km annuels, soit en moyenne 200 à 250 km par jour », estime Gérard Charry. Qui veille, par ailleurs, à ce que ses collaborateurs roulent en toute sécurité.

Dans ce contexte pour XR Repro, la transition énergétique n’est pas simple. « Nous ne pouvons pas passer nos véhicules à l’essence au vu de ces kilométrages. Nous n’avons pas d’autre choix, pour l’instant, que de rester sur du diesel. Mais nous savons que nous allons être contraints d’y renoncer », affirme le responsable.

… avec un coût toujours plus élevé

D’autant que la flambée des carburants change la donne. « Durant la crise du covid-19 en 2021, nous avions “économisé” 50 000 euros de gazole. Avec une consommation moyenne de 7 l/100 km, le budget pour 2023 est plus important avec la hausse des tarifs des carburants. En effet, selon notre arrêté des comptes au 30 septembre 2022, l’impact du prix du gazole s’élève pour nous à plus de 100 000 euros : en termes de TCO, cela plombe l’année ! », déplore Gérard Charry. La flotte n’est pas la seule touchée : le responsable observe aussi une hausse du prix d’achat des produits d’approvisionnement de plus de 30 % en un an.

Face aux réglementations environnementales, XR Repro se trouve aussi dans une impasse. « L’Union européenne a annoncé la fin des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035. Notre interrogation et notre inquiétude sont grandes : que mettre à la place ? À ce jour, aucun constructeur n’est en mesure de répondre à notre attente. À savoir : disposer d’un VU dit “propre” qui peut parcourir au quotidien au moins 250 à 300 km, sans avoir à recharger. Sachant que nos véhicules roulent chargés de produits minéraux et d’hygiène, et que nous avons besoin d’électricité pour alimenter notre informatique embarquée », expose Gérard Charry.

Gérard Charry, responsable contrôle de gestion et de la flotte automobile
Gérard Charry, responsable du contrôle de gestion et de la flotte automobile © XR Repro

Un renouvellement difficile

Tout en sachant que, depuis le 1er janvier 2022, la loi d’orientation des mobilités (LOM) impose aux entreprises gérant plus de 100 véhicules un quota de renouvellement de 10 % de la flotte en véhicules à faibles émissions (VFE). « Nous sommes prêts pour des véhicules plus propres, mais le problème reste l’offre. Nous voulons trouver des solutions rentables écologiquement et économiquement, tout en développant notre autonomie », reconnaît Gérard Charry.

Il faudra donc attendre pour changer le parc. « Mis à part deux véhicules de société pour nos techniciens de races qui parcourent 42 000 et 43 000 km par an, le renouvellement de nos VU est prévu au printemps 2024. Mais les prix des véhicules ont fortement augmenté avec la politique des constructeurs de faire leur marge par une hausse des prix plutôt que par les volumes. À cela s’ajoute la hausse des taux d’intérêt en cas de financement », pointe Gérard Charry.

En attendant, XR Repro envisage de prolonger ses contrats. « Nous bénéficiions auparavant de remises de 34 % sur nos véhicules. Maintenant, elles sont de seulement 15 %. Notre réfléchissons donc à allonger les contrats existants de 24 à 48 mois pour nos Kangoo, à chaque fois que cela est possible. Nous n’avons malheureusement pas de visibilité et nous savons que nous devrons intégrer ces hausses dans nos budgets. Nous les avons évaluées à environ 180 000 euros de plus par an avec les nouveaux contrats (loyer et entretien) de Renault, sur l’ensemble du parc éligible en 36 mois. Cela représente 1 % du chiffre d’affaires, c’est énorme financièrement ! », déplore Gérard Charry.

XR Repro a besoin d’un VU propre pour parcourir au quotidien 250 à 300 km, sans recharge. Sachant que ce VU roule chargé de produits minéraux et d’hygiène, et nécessite de l’électricité pour alimenter l’informatique embarquée. Une équation complexe. © JV

Rationaliser les kilométrages

Pour limiter ses consommations de carburant, XR Repro travaille à réduire les déplacements de ses Xperts. « Nous réfléchissons à comment diminuer le kilométrage parcouru, tout en assurant une forte proximité auprès de nos adhérents et en prenant en compte les contraintes géographiques de nos régions. Des réunions peuvent se réaliser à distance mais cela reste marginal », précise Gérard Charry.

« Nous cumulons les difficultés : des zones rurales, des kilométrages élevés et des offres techniques qui ne répondent pas encore à nos spécificités. Pour rouler “propre” rapidement, nous attendons beaucoup des évolutions technologiques des constructeurs. C’est un véritable casse-tête car nous n’avons aucune solution technologique pérenne à ce jour », résume Gérard Charry. XR Repro réfléchit aussi à poursuivre les formations à l’éco-conduite pour baisser encore la consommation de carburant.

Le GNV en test

« Nous resterons néanmoins pro-actifs dans la recherche de solutions avec des axes de réflexion multiples. Nous sommes en phase de test d’un véhicule fonctionnant au biogaz. Ceci a été possible grâce à l’installation d’une unité de fabrication de biogaz dans le secteur d’un de nos coordinateurs territoriaux. Ce dernier habite près de la station et fait le plein tous les jours », reprend le responsable.

Mais XR Repro constate déjà des limites au système. « L’offre des constructeurs est limitée, les prix des véhicules au biogaz demeurent donc élevés à l’achat ou en location. Tout comme la capacité de stockage du GNV reste limitée, sauf à ajouter des bouteilles. Sans oublier que le prix du gaz s’est envolé de 0,99 à plus de 1,90 euro », énumère Gérard Charry. Force est de constater la bonne volonté de XR Repro qui envisage de conserver, malgré les contraintes, ce véhicule pendant deux ans.

Quant à l’hydrogène, « les véhicules restent onéreux et la technologie a encore besoin d’être approfondie. Tandis que les VU hybrides rechargeables ne sont pas encore disponibles et il restera le problème d’installer une borne au domicile de chacun des Xperts », conclut Gérard Charry.

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