Yoann Taitz est directeur des opérations chez Autovista.
Comment évoluent les ventes de véhicules diesel sur le marché VO depuis le début de l’année ?
Ces six derniers mois, le marché a évolué davantage qu’au cours des six mois précédents. Aujourd’hui, nos clients commencent à nous demander d’étudier l’évolution du diesel dans les prochains mois. Sur le segment des VO âgés de 3 à 5 ans, nous enregistrons des baisses plus sévères des VR depuis six mois. Le segment B est beaucoup plus impacté que le M2. Pour les voitures urbaines, le consommateur ne veut plus de diesel.
Autre signe de cette évolution, tous les mois, nous sommes amenés à revoir...
Yoann Taitz est directeur des opérations chez Autovista.
Comment évoluent les ventes de véhicules diesel sur le marché VO depuis le début de l’année ?
Ces six derniers mois, le marché a évolué davantage qu’au cours des six mois précédents. Aujourd’hui, nos clients commencent à nous demander d’étudier l’évolution du diesel dans les prochains mois. Sur le segment des VO âgés de 3 à 5 ans, nous enregistrons des baisses plus sévères des VR depuis six mois. Le segment B est beaucoup plus impacté que le M2. Pour les voitures urbaines, le consommateur ne veut plus de diesel.
Autre signe de cette évolution, tous les mois, nous sommes amenés à revoir des valeurs d’occasion à la baisse sur certains modèles. Bémol à nos observations, les constructeurs n’observent pas de baisse des prix. Mais si l’on regarde plus près, les VO les plus récents sont dotés de finitions plus élevées et affichent des prix équivalents à ceux qu’obtenaient les véhicules moins bien équipés auparavant. Avec cette montée en gamme à des prix équivalents, il s’agit bien d’une baisse des valeurs de revente.
Certains segments sont-ils plus sensibles à cette évolution ?
Sur le segment C et pour les SUV il y a encore deux ans, le consommateur ne se posait pas la question et choisissait le diesel. Entre décembre 2016 et juin 2017, les ventes de VN diesel à particuliers ont fortement chuté. Elles ont baissé autant qu’au cours de l’année complète qui a précédé. Cette baisse se retrouve sur le marché des VO de 12 à 16 mois. Sur le segment C des SUV, les acheteurs de VN cherchent des modèles essence. De plus en plus de véhicules répondent à cette demande avec des offres compétitives. Il y a deux ans, un SUV essence consommait 3 litres/100 km de plus que son homologue diesel. Le consommateur regardait les prix à la pompe et constatait un écart important entre diesel et essence. Aujourd’hui, la différence n’est que de 10 centimes. La consommation plus élevée de l’essence n’est plus un argument valable. Et ce d’autant plus qu’aujourd’hui, un véhicule essence consomme seulement 1 à 1,2 l/100 km de moins que son équivalent diesel.
Sur le marché VO, les ventes de modèles essence progressent fortement, même si cette évolution avait déjà commencé auparavant. Sur les six premiers mois de 2017 et sur le marché du neuf, le retournement a été plus important qu’au cours de l’année précédente. À titre d’exemple, les SUV diesel du segment C ont perdu 10 points de parts de marché alors qu’en 2016, ils n’en avaient cédé que 8.
Cette tendance peut s’observer sur le marché VO. Il existe trois profils de consommateurs. Sur le marché VO de 3 à 5 ans, les acheteurs recherchent des modèles essence mais leur niveau de vie ne leur permet pas de se les offrir. Sur le segment de 4 à 5 ans, les ventes se font encore en diesel même si la recherche de modèles essence augmente. Enfin, pour les VO de 12 à 16 mois, la situation est semblable à celle du VN avec 60 à 80 % des acheteurs qui privilégient l’essence. Cette dernière tendance est plus forte sur le segment B que sur le D. Sur les VO de moins de 36 mois, la moitié des consommateurs recherche de l’essence mais le marché n’est pas assez approvisionné pour répondre à la demande.
Les résultats sont-ils homogènes sur l’ensemble du territoire français ?
Non, un marché des villes coexiste avec un marché des campagnes. En ville, à partir de juin 2017 et avec l’arrivée de la vignette Crit’Air, les acheteurs de VO de moins de 36 mois se sont davantage dirigés vers l’essence par peur de ne plus pouvoir entrer dans les centres urbains. Dans les zones rurales, le pouvoir d’achat est plus faible et le diesel apparaît encore à un niveau élevé.
En Allemagne, les villes ont menacé d’interdire le diesel. Les Allemands ont perdu confiance et ont préféré acheter des VO Euro 6 face à les modèles Euro 5 menacés. 300 000 véhicules ne trouvaient plus preneurs. Des exportations ont eu lieu vers l’Autriche et la Suisse et à partir de décembre 2017, vers le Nord de la France et le Nord de l’Europe. Pour le même VO Euro 5 présenté en concession à Strasbourg et de l’autre côté de la frontière en Allemagne, la différence de prix atteignait 1 000 euros. Le concessionnaire allemand avait des stocks à écouler et le concessionnaire français a dû baisser ses prix pour s’aligner. Avec l’effet de contagion, la situation s’est répercutée à Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, etc.
Les ventes de VN essence se sont renforcées en ce début d’année alors que le marché VO est en berne. Quelle est votre interprétation ?
Il existe un décalage entre la stratégie des constructeurs sur le diesel et la demande des consommateurs de VO récents. Sur le segment B, les flottes n’achètent plus de diesel. Les constructeurs sont obligés d’immatriculer leurs stocks comme véhicules de démonstration. Au final, le consommateur ne veut pas de ces VO diesel, d’où une baisse des prix. Autre phénomène, depuis 2017, les taux de remise augmentent sur les VN. Par conséquent, ces derniers viennent en concurrence avec les VO récents. Avec les promotions sur le neuf, le consommateur a davantage intérêt à acheter un VN que d’opter pour un VO déjà immatriculé.
La baisse du diesel face à l’essence est-elle pérenne ?
Cette baisse pourrait surprendre car les mesures fiscales (TVS, malus) favorisent davantage le diesel. L’essence devrait être délaissée sur le marché VN. Or la fiscalité n’a pas d’impact sur les ventes. Les clients préfèrent acheter des véhicules essence qui leur correspondent mieux, même si le malus est plus élevé. En conséquence, les valeurs résiduelles des diesel vont continuer de baisser. L’État a décidé qu’en 2021, essence et diesel seront proposés au même prix à la pompe avec une projection à 1,55 euro du litre. Les diesel ont dominé le marché grâce à un prix plus intéressant à la pompe. Quand les tarifs de l’essence et du diesel seront identiques, les consommateurs ne vont plus acheter de diesel. Et avec la hausse du carburant, les véhicules vont moins rouler et le diesel sera encore moins pertinent.
Pour les flottes, la déductibilité de la TVA sur l’essence s’alignera sur celle du diesel à partir de 2021. Les flottes considèrent que les offres sur le diesel sont attractives et qu’elles n’ont aucune raison de s’en détourner. Cela étant, les segments C et D sont plus exposés. Sur le segment C, 45 % des ventes sont réalisées auprès des flottes. Sur le segment D, ce pourcentage atteint 60 à 65 %. Sur le marché VN comme sur celui des VO, les particuliers n’achètent plus ces VP mais leur préfèrent les SUV. Les ventes de VN diesel des segments C et D réalisées aujourd’hui auprès des flottes vont revenir sur le marché VO dans 3 à 4 ans. Avec une demande en baisse pour ce type de VO, les prix vont chuter. Les VR du diesel vont encore chuter quand celles de l’essence vont augmenter.
Cette baisse des VR du diesel va-t-elle impacter les résultats des acteurs de la LLD dont les flottes se constituent de modèles diesel dans leur grande majorité ?
À l’échéance de trois ans, certains loueurs vont souffrir. Mais beaucoup ont anticipé la baisse des VR du diesel. Aujourd’hui, aucun loueur n’est prêt à renoncer à des offres attractives pour conserver et conquérir des clients. Les acteurs les plus importants préfèrent provisionner les pertes futures et assumer de gros risques en cas de baisse des VR.
Les loueurs longue durée n’ont pas tiré de leçon de la crise de 2008 quand le marché VO s’est effondré, entraînant de lourdes pertes chez certains acteurs de la LLD dont les VR étaient fixées à un niveau élevé pour pouvoir proposer des loyers plus compétitifs ?
Les constructeurs en ont tiré une petite leçon en faisant évoluer leur stratégie. Mais aujourd’hui, socialement, il est impossible d’arrêter le diesel du jour au lendemain. Ce marché a été placé sous perfusion avec une augmentation des ventes tactiques auprès des loueurs de courte durée. Les leçons de 2008 n’ont pas été entendues.
À l’image de Toyota, certains constructeurs arrêtent le diesel sur certains modèles. Si les constructeurs français décident d’arrêter le diesel, les flottes feraient face à de sérieux problèmes. La politique influe beaucoup sur le marché du diesel. La moindre parole d’un responsable politique a des répercussions sur les ventes et le climat autour du diesel est particulièrement anxiogène.
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