ZFE : retournement

Alors qu’une quarantaine de métropoles et d’agglomérations devaient appliquer un calendrier strict de restrictions de circulation pour les véhicules les plus polluants dans le cadre des ZFE, elles ne seront désormais plus que cinq, a annoncé le gouvernement. Explications.
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Seules les cinq métropoles de Paris, Lyon, Marseille, Rouen et Strasbourg devront finalement durcir les restrictions de circulation dans leurs ZFE. On parle alors désormais de « territoires ZFE effectifs ». « Elles doivent respecter le calendrier législatif de restrictions aboutissant à des restrictions pour les voitures diesel de plus de 18 ans au 1er janvier 2024 (Crit’Air 4), puis pour les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essence de plus de 19 ans au 1er janvier 2025 (Crit’Air 3) », confirme le gouvernement le 10 juillet 2023 à l’occasion d’un comité ministériel sur la qualité de l’air en ville. Rappelons que ces « territoires ZFE effectifs » interdisent déjà la circulation de certaines catégories de voitures : a minima les Crit’Air 5 et les non classées.

Les autres agglomérations, au nombre de 37, précédemment elles aussi concernées par un calendrier semblable de contraintes, sont dorénavant dites « territoires de vigilance ». Seule interdiction que tous ces territoires de vigilance doivent respecter : « la restriction de circulation des voitures immatriculées jusqu’au 31 décembre 1996 (non classés) avant le 1er janvier 2025 », peut-on lire dans le dossier de presse.

Cependant, parmi ces territoires de vigilance, six agglomérations avaient déjà instauré une ZFE : Toulouse, Montpellier, Nice, Grenoble, Saint-Etienne et Reims. Celles-ci vont continuer à appliquer les règles déjà en vigueur, sans toutefois devoir les resserrer davantage. « Elles ont toutes au moins mis en place les restrictions minimales prévues par la loi. Elles n’ont donc plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles », appuie le gouvernement.

« Évolution sémantique »

« Territoires ZFE effectifs », « territoires de vigilance »… Dans le dossier de presse du gouvernement, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, parle d’une « évolution sémantique » qui lui paraît « indispensable » pour « traduire la réalité de la loi, qui a fait l’objet de nombreux raccourcis et de nombreuses spéculations indues ».

En effet, Christophe Béchu évoque « des exagérations et des fausses informations [qui] ont conduit à [ce que les mesures mises en place] soient parfois perçues comme un facteur d’exclusion, en particulier de nos concitoyens les plus modestes ». Le ministre voit alors dans cette « précision sémantique » une manière « de bien souligner que les critères d’obligation et de progressivité sont liés à la qualité constatée de l’air, au dépassement des normes, et ne sont pas absolus ».

Mais, au vu des anciens calendriers de ZFE prévus dans plusieurs des agglomérations nouvellement dénommées « territoires de vigilance » (ici pour Clermont Auvergne Métropole par exemple), on comprend bien que cette annonce ne fait pas que balayer un malentendu sémantique. Elle vient effectivement rebattre les cartes. Et n’a en conséquence pas manqué de faire des vagues, entre frustration pour les uns et soulagement pour les autres. « Le gouvernement n’a rien compris », a réagi l’association Respire. Pour sa part, l’association 40 millions d’automobilistes a accueilli favorablement ce rétropédalage : si les ZFE prévues avaient toutes vu le jour, « beaucoup trop de gens auraient été embêtés de ne plus pourvoir circuler avec leur voiture, parce qu’ils n’ont pas les moyens de la changer », a assuré cette association.

La parole aux chiffres

Mais comment le gouvernement justifie-t-il ces nouvelles mesures à contre-courant de toutes celles précédemment décrétées ? Avant d’y répondre, précisons bien que le gouvernement avait déjà annoncé prévoir des dérogations… et ce en décembre 2022 ! Une annonce passée inaperçue presque, et que nous avions détaillée ici.

À l’époque, le gouvernement avait indiqué qu’il accorderait des dérogations de mise en place de ZFE aux agglomérations présentant des concentrations moyennes annuelles en dioxyde d’azote (NO2) « inférieures ou égales à 10 μg/m3 » pendant au moins trois années sur les cinq dernières années. Autre possibilité pour déroger aux ZFE : démontrer « par évaluation modélisée, au plus tard 18 mois avant l’échéance d’obligation d’instauration », que des mesures alternatives aux ZFE permettraient d’atteindre ces mêmes concentrations de NO2. Et c’est avec ces mêmes concentrations de NO2 que le gouvernement argumente son choix « sémantique ».

ZFE annonce
(Source : Gouvernement)

Ainsi, l’État aligne les chiffres. Premier chiffre, repris à foison dans le dossier de presse : « Santé publique France estime que chaque année 47 000 décès prématurés sont liés aux particules fines, et aux particules d’oxydes d’azote émises par les véhicules routiers ».

Chiffre auquel succède une cascade de chiffres représentant les taux de NO2 dont la moyenne serait à la baisse dans les 43 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants. Il atteignait les 38 μg/m3 en 2012 ; il est tombé à 26 μg/m3, toujours selon le gouvernement. Or, et c’est là une nuance d’une grande importance, le gouvernement semble avoir abandonné la barre des 10 μg/m3 de l’OMS pour lui préférer le seuil réglementaire de 40 μg/m3. Car, pendant au moins trois années entre 2017 et 2022, c’est bien ce seuil réglementaire de 40 μg/m3, plus souple que celui de l’OMS, que les cinq « territoires ZFE effectifs » ont dépassé, alors que toutes les agglomérations métropolitaines (sauf Saint-Nazaire, soit une quarantaine donc) ont excédé les 10 μg/m3 recommandés par l’OMS.

Pour résumer : des dérogations aux ZFE étaient bel et bien attendues. Mais qu’elles concernent toutes les agglomérations à l’exception de cinq était inattendu.

En attendant les prochaines annonces du gouvernement, qui interviendront à l’automne…

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