
La mise en place des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) dans les métropoles de plus de 150 000 habitants, d’ici au 31 décembre 2024, a été entérinée par l’article 113 de la loi Climat et Résilience, promulguée le 24 août 2021. Au total, le nombre de ZFE-m sera porté à 45 en 2025 et couvrira des territoires représentant un tiers du parc automobile français. « Un décret, en application de la loi Climat et Résilience, est attendu entre autres pour les dérogations », précise Chantal Derkenne, ingénieur au service de la qualité de l’air de l’Ademe.
Rappelons que la loi...
La mise en place des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) dans les métropoles de plus de 150 000 habitants, d’ici au 31 décembre 2024, a été entérinée par l’article 113 de la loi Climat et Résilience, promulguée le 24 août 2021. Au total, le nombre de ZFE-m sera porté à 45 en 2025 et couvrira des territoires représentant un tiers du parc automobile français. « Un décret, en application de la loi Climat et Résilience, est attendu entre autres pour les dérogations », précise Chantal Derkenne, ingénieur au service de la qualité de l’air de l’Ademe.
Rappelons que la loi d’orientation des mobilités (LOM) avait créé le principe de ces ZFE-m pour succéder aux zones à circulation restreinte (ZCR). Ce qui permet aux collectivités de limiter la circulation, sur leur territoire, de certaines catégories de véhicules polluants, sur la base du système des vignettes Crit’Air, dans le but d’améliorer la qualité de l’air.
Des ZFE-m précurseures…
Le décret du 16 septembre 2020, en application de la LOM, avait déjà défini onze ZFE-m obligatoires (soit dix communes, Paris et la métropole du Grand Paris ayant chacune lancé une ZFE-m), « sur des territoires qui dépassaient régulièrement les valeurs limites européennes des deux polluants, dioxyde d’azote (NO2) et particules fines (PM10) », explique Chantal Derkenne. Ces ZFE-m auraient déjà dû être opérationnelles fin 2021.
Mais sur la liste de ces onze ZFE-m obligatoires, quatre jouent les retardataires : Montpellier Méditerranée Métropole, Aix-Marseille-Provence, Nice-Côte d’Azur et Toulon-Provence-Méditerranée. Pour sa part, la Métropole européenne de Lille, qui n’est pas astreinte à établir une ZFE-m dès cette année mais avait prévu de démarrer dès 2021, puis début 2022, vient de reporter le lancement de sa ZFE-m qui impliquera onze communes. En revanche, la Métropole du Grand Reims et celle Saint-Étienne Métropole ont devancé l’appel et lancé leur ZFE-m.
… et des retardataires
Début 2022, huit ZFE-m sont d’ores et déjà opérationnelles, soit : la Métropole de Lyon, Grenoble-Alpes Métropole, Paris, la métropole du Grand Paris, Rouen-Normandie, l’Eurométropole de Strasbourg, Grand Reims et Saint-Étienne Métropole. Et plusieurs autres agglomérations devraient rapidement présenter leurs projets. À Toulouse Métropole, qui fait partie des onze ZFE-m obligatoires, le lancement vient d’avoir lieu, avec l’interdiction en mars des fourgonnettes, fourgons et poids lourds classés 5 et NC (non classé).
« Les dossiers avancent et les métropoles sont incitées à accélérer le déploiement des ZFE-m en raison notamment d’une série de contentieux concernant des territoires qui dépassent de manière importante et/ou régulière les seuils limites de dioxyde d’azote particulièrement. Ce qui a entraîné le paiement d’une astreinte pour le premier semestre (11 janvier-11 juillet 2021) de 10 millions d’euros », rappelle Chantal Derkenne pour l’Ademe.
Mais le système pêche par son manque d’homogénéité. Des ZFE-m se montrent plus avancées, à l’image de la Métropole du Grand Paris (79 communes situées pour tout ou partie à l’intérieur du périmètre de l’A86, 5,61 millions d’habitants) qui a commencé à interdire les véhicules Crit’Air 5 en juillet 2019. Alors que d’autres débutent. Ainsi, dans la ZFE-m du Grand Paris, les vignettes Crit’Air 3, 4 et 5 ne pourront plus rouler fin 2022, alors que dans celle de l’Eurométropole de Strasbourg (33 communes), seuls les véhicules Crit’Air 5 sont touchés, dans le cadre d’une phase pédagogique, en 2022. Originalité alsacienne : le calendrier se déroule de fait avec une première phase pédagogique (2022 pour les Crit’Air 5) et une seconde phase d’interdiction (2023 pour les Crit’Air 5), puis 2023 et 2024 pour les Crit’Air 4, etc. En fait, chaque ZFE-m adopte son propre calendrier.
À Grenoble, seuls les véhicules utilitaires (VU) et les poids lourds (PL) sont ciblés pour l’instant. Mais la métropole est en train de revoir sa copie car la loi Climat et Résilience impose aux onze premières ZFE-m d’inclure également les véhicules particuliers (VP). Un nouveau calendrier serait en cours de définition. Enfin, la plupart des ZFE-m ont choisi une interdiction 24 h sur 24. Mais Paris et Le Grand Paris ont fait le choix de la modulation, avec une interdiction portant sur la semaine de 8 h 00 à 20 h 00 pour les VP. Chacun part en ordre dispersé !
En ordre dispersé
Un calendrier, sorte de plus petit dénominateur commun, a toutefois été adopté à l’échelle nationale. Mais « uniquement pour les véhicules automobiles et pour les territoires encore concernés par des dépassements des valeurs limites relatives à la qualité de l’air, c’est-à-dire les dioxydes d’azote (NO2) et/ou les particules fines (PM) », souligne le ministère de la Transition écologique. Et ce calendrier ne couvre que les onze ZFE-m visées par le décret de 2020. Et non les futures ZFE-m prévues pour les agglomérations de 150 000 habitants. D’après le ministère, « environ deux tiers » d’entre elles pourraient être assujetties à ce calendrier qui prévoit l’interdiction :
• au 1er janvier 2023 : des véhicules diesel datant d’avant 2001 et des essences d’avant 1997 (NC et Crit’Air 5),
• dès le 1er janvier 2024 : des diesel d’avant 2006 (Crit’Air 4),
• et au 1er janvier 2025 : des diesel d’avant 2011 et des essences d’avant 2006 (Crit’Air 3). Seuls les véhicules portant des vignettes Crit’Air 1, 2 ou une vignette verte (véhicules électriques et hydrogène) seront alors autorisés à rouler.
Cependant, parmi ces onze ZFE-m, la plupart s’appuient déjà sur un calendrier plus strict. Quant aux agglomérations de plus de 150 000 habitants visés dans la loi Climat et Résilience, « elles sont libres de définir les restrictions sur les catégories de véhicules (VP et/ou PL) et les vignettes Crit’Air souhaitées pour chaque catégorie. La ZFE-m se veut un outil qui s’adapte à l’environnement local », complète le ministère de la Transition écologique.
« Le principe adopté est celui de la progressivité afin que les utilisateurs puissent anticiper et se projeter. De nombreuses ZFE-m commencent d’ailleurs par interdire les PL et VU les plus polluants avant de généraliser aux VP les plus polluants », note Chantal Derkenne pour l’Ademe.
Des dérogations nationales ou locales…
De nombreuses dérogations d’ordre national ou spécifiques à chaque ZFE-m sont en outre prévues. À l’échelon national, les interdictions liées aux ZFE-m ne s’appliquent ni aux véhicules d’intérêt général au sens de l’article R. 311-1 du Code de la route (véhicules des services de police, de gendarmerie, des douanes, de lutte contre l’incendie, ambulances, véhicules d’intervention sur autoroutes ou routes à deux chaussées séparées, véhicules d’intervention sur les infrastructures électriques et gazières, etc.), ni aux véhicules du ministère de la Défense, ni à ceux portant une carte de stationnement handicapé, etc.
De nombreuses dérogations locales s’appliquent, majoritairement pour trois ans. Dans certaines ZFE-m, ces dérogations sont automatiques, dans d’autres sur demande. Elles visent entre autres les véhicules des commerçants ambulants pour la livraison des marchés, ceux employés pour le transport de matières dangereuses, les véhicules spécifiques de type balayeuses ou laveuses, les citernes, les véhicules frigorifiques, les bétonnières, les véhicules de dépannage, les véhicules porte-engins ou équipés de bennes, les convois exceptionnels, les véhicules de collection, etc. La plupart des ZFE-m accordent aussi un délai lorsque qu’un véhicule propre ou Crit’Air 1 a été commandé mais non livré.
… individuelles et sur demande
Des ZFE-m ajoutent une autre dérogation, individuelle et sur demande, pour les PL et VU spécifiques dont le remplacement par un véhicule équivalent et « respectant les restrictions sur le certificat de qualité de l’air », n’est pas possible en raison de la « carence du marché ». Avec une condition : que les équipements spécifiques dont se dotent ces véhicules soient « indispensables ». C’est le cas à Grenoble et à Rouen (jusqu’en juillet 2022 pour Rouen)
Ensuite, chaque ZFE-m ajoute quelques dérogations. À titre d’exemple, à Strasbourg, un « Pass ZFE » pour les trajets occasionnels sera accordé à partir de 2023 pour « une durée de 48 h à chaque utilisation ». Le Grand Paris prévoit des dérogations temporaires (jusqu’au 30 juin 2022 selon les textes actuels) en faveur des professionnels touchés par la crise sanitaire. Il s’agit en l’occurrence de véhicules des entreprises qui ont soit contracté un prêt garanti par l’État, soit bénéficié du fonds de solidarité dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ou du « prêt rebond » de la région Île-de-France. À Montpellier, les automobilistes parcourant peu de kilomètres chaque année avec leur voiture pourront aussi bénéficier d’une dérogation. Quelques itinéraires dérogatoires ont aussi été annoncés jusqu’à la fin 2025.
De son côté, la métropole rouennaise prévoit des dérogations sur deux ans au maximum pour les VUL employés par les micro-entreprises, les auto-entrepreneurs, les entreprises de moins de cinquante salariés, les collectivités territoriales, les établissements publics et leurs groupements qui en font la demande. De nombreuses dérogations sont donc prévues et impliquent essentiellement les entreprises.
Objectif : réduire la pollution
L’objectif des ZFE-m reste d’améliorer la qualité de l’air en diminuant les émissions de NOx, de particules fines (PM 10 et 2.5) et de composés organiques volatils, liées respectivement, pour 63 %, 14 % et 11 %, au trafic routier. « Selon une étude européenne de 2020, en supprimant de la circulation les véhicules diesel répondant aux normes Euro 4 et inférieures (Crit’air 5, 4 et 3), la baisse des émissions peut aller jusqu’à 12 % pour les NOx, 23 % pour les PM10 et 15 % pour les PM 2.5 », expose Chantal Derkenne pour l’Ademe.
À titre d’illustration, dans la ZFE-m de la métropole du Grand Paris, le transport routier est responsable de 51 % des émissions de NOx, de 42 % et de 54 % des émissions de particules PM10 et PM2.5, et d’un peu plus d’un quart des émissions de CO2. Sur la phase d’interdiction en cours (NC, Crit’Air 4 et 5) qui touche 10,9 % des voitures, 9,8 % des VUL et 29,7 % des PL, selon des chiffres 2020 de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), la réduction attendue des émissions atteint 5 % pour les NOx, 5 % pour les PM10 et 4 % pour les PM 2.5.
À Grenoble, la métropole mise sur un recul de 69 % des NOx, de 46 % des particules fines et de 33 % pour les émissions de gaz à effet de serre, entre 2018 et 2026. La métropole grenobloise a fait dans un premier temps le choix de limiter la ZFE-m aux VU et PL qui représentent 22 % des kilomètres parcourus mais 48 % des émissions d’oxyde d’azote et 33 % de celles de particules fines.
Le cas de la Côte d’Azur
Enfin, au sein de la Métropole Nice-Côte d’Azur, l’objectif est de favoriser les déplacements décarbonés et, pour le transport de marchandises, le plus polluant, d’inciter à passer par des centres logistiques de dégroupage pour le dernier kilomètre. « Dès 2022, 650 PL sont frappés par l’interdiction, ce qui devrait faire baisser les NOx de 8 %. Ensuite, en 2023, 800 PL et 7 000 VL seront concernés, puis, en 2024, 1 200 PL (Crit’Air 3, 4 et 5) et 15 000 VL (Crit’Air 4 et 5) », détaille la Métropole. À suivre de près.